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toire & les médailles nous représentent ce temple de forme ronde ; toutes ses faces sont égales, dit Ovide ; il n’y a point d’angle tout-autour, & le dôme qui le couvre, le défend de la pluie :

Par facies templi : nullus procurrit in illis
Angulus, à pluvio vindicat imbre tholus.

On croit, dit Plutarque, que Numa Pompilius ne donna une forme ronde au temple qu’il fit bâtir à la déesse Vesta, que pour représenter la figure du monde universel, au milieu duquel les Pythagoriciens placent le siege du feu qu’ils appellent vesta, & disent être l’unité. Ovide donne en poëte physicien, comme feroit M. de Voltaire, les raisons de la rondeur du temple de la déesse. Vesta, dit-il, est la même chose que la terre ; il y a pour l’une & pour l’autre un feu inextinguible, & la terre & le feu font connoître leur forme. La terre ressemble à une balle qui ne s’appuie sur rien ; son fardeau pesant se trouve suspendu ; l’air qui environne son globe, le presse également de tous côtés, tel au-moins qu’il nous est représenté dans une petite figure où l’art de Syracuse, c’est-à-dire, d’Archimede, nous a rendu l’immensité du ciel, &c.

Arte syracosiâ suspensus in aëre clauso
Stat globus, immensi parva figura poli.

Ce qu’il y a de particulier, c’est qu’un lieu si saint & le centre même de la religion, n’étoit pas un temple dans toutes les formes, parce qu’il n’avoit pas été consacré par les augures ; mais la cour ou l’enclos étoit proprement le temple, parce que les augures en avoient fait la consécration. Numa, dit Servius, voulut éviter par ce défaut d’inauguration, s’il est permis de parler ainsi, que le sénat ne s’y assemblât, ne senatus ibi haberi posset. Ce prince craignit les inconvéniens que le tumulte de ces sortes d’assemblées pouvoit occasionner dans une maison de filles du plus haut rang, dont la conduite étoit délicate, & devenoit l’affaire de tout l’empire.

On ne sait pas bien encore, dit Denys d’Halicarnasse, ce qui est gardé si secrettement dans l’intérieur du temple, outre le feu sacré que tout le monde peut voir ; Quelques-uns, ajoute-t-il, ont osé avancer qu’indépendamment du feu sacré, il se trouve encore dans le temple de la déesse certaine chose dont la garde & la connoissance est réservée au seul pontife & aux seules vestales. La preuve qu’ils en apportent, c’est ce qui arriva pendant la premiere guerre punique. Le feu ayant pris au corps de l’édifice, les vestales tout éperdues se retirerent en désordre ; & Lucius Cecilius Metellus, pontife, homme consulaire, qui après une victoire signalée avoit triomphé des Carthaginois, & dans la pompe de son triomphe avoit donné cent trente-huit éléphans en spectacle au peuple romain ; Lucius Metellus, dis-je, comptant pour rien le péril où s’il s’exposoit, & sacrifiant sa vie au bien public, traversa cet incendie, pénétra jusqu’au fond du sanctuaire, & fut assez heureux pour sauver les choses sacrées qui alloient être réduites en cendres, ce qui lui valut les honneurs extraordinaires qui se lisent encore aujourd’hui sur la base de sa statue au capitole.

A cette vérité tout le monde mêla ses conjectures pour deviner ce secret de la république ; Denys d’Halicarnasse condamne leur curiosité comme contraire au respect que tout homme pieux doit aux choses divines ; mais nos savans n’ont pas été si scrupuleux que l’historien des antiquités romaines. Sans être entrés dans le sanctuaire du temple, ils ont eu l’art de dévoiler le mystere, & ont découvert que ce gage de la perpétuité de l’empire romain, ce pignus imperii qu’on gardoit si religieusement & avec tant de secret

dans le temple de Vesta, étoit le palladium ; il paroît même par des passages d’Ovide, de Properce, de Pline & de Lucain, que sous les empereurs le voile étoit levé ; cependant les Romains ne laisserent échapper le secret, que quand ils virent leurs frontieres assez fortes pour ne plus appréhender qu’on vînt évoquer leur divinité protectrice, & dévouer leur ville, comme ils en avoient usé à l’égard de leurs ennemis.

C’est un des beaux temples de Rome consacrés à Vesta, que celui qui se nomme aujourd’hui l’église de S. Etienne située sur le bord du Tibre.

L’ordre de ce temple est corinthien ; les entre-colonnes n’ont qu’un diametre & demi, & la hauteur des colonnes, y compris la base & le chapiteau, est de douze diametres. Les bases n’ont point de plinthe, mais les marches où elles posent, leur en servent ; l’architecte a usé de cet artifice afin que l’entrée de son portique restât plus libre, parce les colonnes y sont fort pressées. Le diametre de la nef, en y comprenant l’épaisseur des murs, est égal à la hauteur des colonnes. Les chapiteaux sont taillés à feuilles d’olive. On n’y voit plus rien de la corniche ; mais Palladio l’a supplée dans le plan qu’il nous a donné de cet édifice, & en a ajouté une de son dessein. Les ornemens de la porte & des fenêtres sont fort simples & de bon goût. Sous le portique & au-dedans du temple, les fenêtres sont soutenues par des cimaises qui vont regnant tout-autour ; elles forment comme une espece de piédestal, ou d’embasement au mur & à la couverture. Ce mur sous le portique est fait d’une maçonnerie de pierres divisées par carreaux depuis la corniche de l’embasement jusqu’au sofite. Il est tout uni par dedans, avec une autre corniche, à dos de celle qui est sous le portique d’où commence la voûte.

A Tivoli, à cinq ou six lieues de Rome, sur la cascade du Téveronne, on voit un autre temple de Vesta dont la forme est ronde. Les habitans disent que c’étoit autrefois la demeure de la sibylle Tiburtine ; il est assez vraissemblable que c’étoit un temple dédié à la déesse Vesta ; cet édifice est d’ordre corinthien. Les entre-colonnes ont deux diametres ; le pavé est élevé au-dessus du rez-de-chaussée à la hauteur d’un tiers des colonnes ; les bases n’ont point de socle ; le but de l’architecte, en le supprimant, a été de rendre la promenade sous le portique plus libre. Les colonnes sont précisément aussi hautes que le diametre de la nef est large, & penchant en-dedans vers le mur du temple, de telle sorte que le vif du haut des colonnes tombe à plomb sur le vif du pié de leur fût en-dedans. Les chapiteaux sont taillés à fleur d’olive & très-bien exécutés, d’où l’on peut conjecturer que cette fabrique a été faite dans un siecle de goût. L’ouverture de la porte & des fenêtres est plus étroite par le haut que par le bas, ainsi que Vitruve enseigne qu’on le doit pratiquer. La maçonnerie de ce temple est de pierre tiburtine incrustée de stuc si proprement, qu’il semble être tout de marbre. C’est là la description qu’en fait Palladio. (D. J.)

Temples de la Victoire, (Antiq. greq. & rom.) Pausanias nous apprend que cette divinité avoit plusieurs temples dans la Grece, & Tite-Live parle de ceux qu’elle avoit à Rome ; il faut consulter ces deux auteurs ; les Romains lui bâtirent le premier temple durant la guerre des Samnites, sous le consulat de Lucius Posthumus & de M. Attilius Regulus. (D. J.)

Temples de Vulcain, (Antiq. égypt. & rom.) Le temple de Vulcain où le sénat s’assembloit, étoit placé à côté de celui de la Concorde ; ils étoient tous deux situés dans le lieu appellé par les anciens, velia, à vellendis gregibus, qui, selon Varron, s’étendoit depuis l’arc de Titus, jusqu’à celui de Constantin. Tatius, au rapport de Denis d’Halycarnasse, lui fit bâtir ce temple hors de l’enceinte de la ville, les