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augures ayant déclaré que le dieu du feu ne devoit pas être dans la ville même.

Mais parmi les anciens peuples, les Egyptiens sont ceux qui ont le plus honoré ce dieu : il avoit à Memphis ce temple magnifique décrit par Hérodote, & cette statue colossale renversée, qui étoit haute de soixante & quinze piés, sur laquelle Amasis fit élever deux autres statues, chacune de vingt piés de hauteur, & du même marbre que la grande ; cependant l’intérieur de cet édifice, bien loin de mériter l’admiration de ceux qui y entroient, ne fit qu’exciter les mépris & les railleries de Cambyse, qui se mit à éclater de rire en voyant la statue de Vulcain, & celles des autres dieux, semblables à des pygmées, lesquels véritablement devoient faire un contraste bien ridicule avec les colosses qui étoient dans les vestibules dont on vient de parler. (D. J.)

Temples des Chrétiens, (Rélig. chrétienne.) au commencement du christianisme, les chrétiens n’avoient pour temples & pour autels que des cimetieres, & des maisons particulieres, où ils s’assembloient. Ce fut sur ces cimetieres qu’ils bâtirent leurs premieres églises, lorsque Constantin leur en eut donné la liberté.

Ils nommerent ces églises, titres, tituli ; oratoires, domus oratoriæ ; dominiques, dominicæ ; martyres, martyria ; conciles des saints, concilia sanctorum ; basiliques, basilicæ : tous ces mots s’entendent aisément ; mais Licinius qui étoit en guerre contre l’empereur Constantin, ordonna d’abattre, en orient, l’an 379. de Jésus-Christ, la plûpart de ces nouvelles églises. L’an 484, Huneric, roi des Vandales, les fit fermer en Afrique ; cependant elles se multiplierent avec l’accroissement du christianisme, sur-tout dans les siecles d’ignorance ; voici en général quelle en étoit la disposition.

On les tournoit vers l’orient, symbole de la lumiere ; la porte étoit précédée d’un vestibule, où se tenoient les pénitens, & à l’entrée une grande place pour les laïques ; c’est ce que nous appellons la nef ; il y avoit ensuite un lieu nommé sancta, où les prêtres se plaçoient, c’est le chœur ; & enfin le sancta sanctorum, qui est cette enceinte de l’autel que l’on nomme aujourd’hui le sanctuaire ; il y avoit de plus dans les églises, certains endroits particuliers pour prier ; c’est ce que l’on nomme aujourd’hui des chapelles ; on y faisoit encore ce qu’on appelle une sacristie, où l’on serroit les ornemens & les vases sacrés.

On mettoit plusieurs autels dans la même église, car comme on y enterroit les martyrs, on élevoit un autel sur le sépulcre des plus distingués. Au-devant de la porte étoit un grand vaisseau plein d’eau, dont les prêtres, & ceux qui venoient pour prier, se lavoient les mains & le visage : voilà l’origine de l’eau benite.

Il faut encore remarquer qu’il y avoit dans chaque église des endroits séparés par des planches, les uns destinés pour les hommes, & les autres pour les femmes ; le côté droit étoit pour les femmes, & le côté gauche pour les hommes, parce que le côté gauche, dit Baronius, étoit censé le plus noble dans l’église.

Enfin, les mendians se tenoient dans le vestibule, parce qu’il leur étoit défendu d’entrer dans l’église, pour ne point causer, en demandant l’aumone, de distractions aux fideles qui prioient.

Quant aux ornemens des églises, il y avoit dans chacune des lampes & des vases sacrés, qu’on fit d’argent, & même d’or, à mesure que le christianisme s’accrut & s’enrichit. Il paroît par l’hymne de Prudence, sur S. Cassien, que Paulin, évêque de Nôles, dans la province du royaume de Naples, orna de peintures les oratoires de S. Félix, pour instruire les paysans qui nouvellement convertis, se rendoient dans ces oratoires ; c’est ainsi qu’il paroît que

dès le cinquieme siecle, les images furent introduites dans les églises.

Le lecteur peut consulter sur tous ces détails, Hospinianus, de templis ; Bingham, antiquités ecclésiastiques, en anglois ; & George Whéler, descript. des églises des anciens chrétiens. (D. J.)

Temples des Chinois, (Hist. de la Chine.) parmi les édifices publics où les Chinois font paroître le plus de somptuosité, on ne doit pas obmettre les temples, ou les pagodes, que la superstition des princes & des peuples a élevés à de fabuleuses divinités : on en voit une multitude prodigieuse à la Chine ; les plus célebres sont bâtis dans les montagnes.

Quelque arides que soient ces montagnes, l’industrie chinoise a suppléé aux embellissemens & aux commodités que refusoit la nature ; des canaux travaillés à grands frais, conduisent l’eau des montagnes dans des bassins destinés à la recevoir ; des jardins, des bosquets, des grottes pratiquées dans les rochers, pour se mettre à l’abri des chaleurs excessives d’un climat brulant, rendent ces solitudes charmantes.

Les bâtimens consistent en des portiques pavés de grandes pierres quarrées & polies, en des salles, en des pavillons qui terminent les angles des cours, & qui communiquent par de longues galeries ornées de statues de pierre, & quelquefois de bronze ; les toîts de ces édifices brillent par la beauté de leurs briques, couvertes de vernis jaune & verd, & sont enrichis aux extrémités, de dragons en saillie de même couleur.

Il n’y a guere de ces pagodes où l’on ne voie une grande tour isolée, qui se termine en dôme : on y monte par un escalier qui regne tout-au-tour ; au milieu du dôme est d’ordinaire un temple de figure quarrée ; la voûte est souvent ornée de mosaïque, & les murailles sont revêtues de figures de pierres en relief, qui représentent des animaux & des monstres.

Telle est la forme de la plûpart des pagodes, qui sont plus ou moins grands, selon la dévotion & les moyens de ceux qui ont contribué à les construire : c’est la demeure des bonzes, ou des prêtres des idoles, qui mettent en œuvre mille superchéries, pour surprendre la crédulité des peuples, qu’on voit venir de fort loin en pélerinage à ces temples consacrés à la superstition ; cependant comme les Chinois, dans le culte qu’ils rendent à leurs idoles, n’ont pas une coutume bien suivie, il arrive souvent qu’ils respectent peu & la divinité & ses ministres.

Mais le temple que les Chinois nomment le temple de la Reconnoissance, mérite en particulier que nous en disions quelque chose. Ce temple est élevé sur un massif de brique qui forme un grand perron, entouré d’une balustrade de marbre brut : on y monte par un escalier de dix à douze marches, qui regne tout le long ; la salle qui sert de temple, a cent piés de profondeur, & porte sur une petite base de marbre, haute d’un pié, laquelle en débordant, laisse tout-au-tour une banquette large de deux ; la façade est ornée d’une galerie, & de quelques piliers ; les toîts, (car selon la coutume de la Chine, souvent il y en a deux, l’un qui naît de la muraille, l’autre qui la couvre), les toîts, dis-je, sont de tuiles vertes, luisantes & vernissées ; la charpente qui paroît en dedans, est chargée d’une infinité de piéces différemment engagées les unes dans les autres, ce qui n’est pas un petit ornement pour les Chinois. Il est vrai que cette forêt de poutres, de tirans, de pignons, de solives, qui regnent de toutes parts, a je ne sais quoi de singulier & de surprenant, parce qu’on conçoit qu’il y a dans ces sortes d’ouvrages, du travail & de la dépense, quoiqu’au fond cet embarras ne vient que de l’ignorance des ouvriers, qui n’ont encore pû trouver cette simplicité qu’on remarque dans nos bâtimens éuropéens, & qui en fait la solidité &