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la beauté : la salle ne prend le jour que par ses portes ; il y en a trois à l’orient, extrémement grandes, par lesquelles on entre dans la fameuse tour de porcelaine, & qui fait partie de ce temple. Voyez Tourde porcelaine. (D. J.)

Temple des Gaulois, (Antiq. gauloises.) Les Gaulois n’avoient anciennement d’autres temples que les bois & les forêts, ni d’autres statues de leurs dieux, ni d’autres autels, que les arbres de ces bois ; on a cent preuves de cette vérité, & César en effet ne dit pas un mot de leurs temples, ni des statues de leurs dieux. On objecte que Suétone observe que ce même Jules César pilla les temples des Gaulois, qui étoient remplis de trésors. On objecte encore que Strabon fait aussi mention des temples des Gaulois ; mais on peut répondre que ces auteurs parlent le langage de leur nation, & conformément à leurs préjugés.

Il est vrai, dit l’abbé Banier, que les Gaulois avoient des lieux consacrés spécialement au culte de leurs dieux ; que c’étoit dans ces lieux que se pratiquoient les cérémonies religieuses, qu’on y offroit les sacrifices, &c. mais ces temples, si on veut les appeller ainsi, n’étoient pas des édifices comme ceux des Grecs & des Romains : c’étoient des bois, c’étoient, à Toulouse, les bords d’un lac consacré par la religion, qui servoient de temples. Dans ces lieux, on renfermoit les trésors : ainsi les auteurs que j’ai cités ont eu raison en un sens, de dire que César avoit pillé les temples des Gaulois, c’est-à-dire, les lieux qui leur en servoient ; c’est suivant cette distinction, qu’il faut entendre ce que dit Strabon, que c’étoit dans leurs temples que les Gaulois crucifioient les hommes qu’ils immoloient à leurs dieux, c’est-à-dire dans ces forêts mêmes qui leur servoient de temples ; car comment seroient entrés dans des édifices, quelque spatieux qu’on les supposât, ces colosses d’osier dans lesquels ils mettoient les criminels & les captifs, & quel désordre n’y auroit pas causé le feu qui les consumoit ?

Les Semnons, Celtes d’origine, & qui suivoient la même religion que les Gaulois, n’avoient aussi d’autre temple qu’une forêt : personne, dit Tacite, n’a son entrée dans cette forêt, s’il ne porte une chaîne, marque du domaine suprème que le dieu a sur lui. Ce ne fut que depuis l’entrée des Romains dans les Gaules, qu’on commença à y bâtir des temples ; l’usage même en fut rare, & l’on continua malgré ces nouveaux temples, à sacrifier dans les forêts, & à représenter les dieux du pays, par des troncs d’arbres, pratique qui subsista dans quelques cantons des Gaules long-tems après que le christianisme y eut triomphé de l’idolatrie, & on en découvroit encore quelques restes du tems de Charlemagne.

Enfin les Gaulois s’accoutumant aux mœurs & aux usages de leurs vainqueurs, éleverent un grand nombre de vrais temples, où furent déposées les statues qui représentoient également les anciens dieux du pays, & ceux des Romains. Les antiquaires, & sur-tout le pere dom Bernard Montfaucon, ont fait dessiner les restes de plusieurs de ces temples, qu’on peut voir dans leurs ouvrages. On remarque qu’ils sont presque tous de figure ronde ou octogone, comme si ces deux figures étoient les plus propres à renfermer les maîtres du monde. (D. J.)

Temples des Japonois, (Idolat. asiatiq.) on doit distinguer dans le Japon les temples des Sentoïstes & ceux des Budsoïstes.

Les sectateurs de la religion du Sinton appellent leurs temples mia, mot qui signifie la demeure des ames immortelles, & ils nomment siusja, la cour du mia, avec tous les bâtimens qui en dépendent.

Leurs mias ont beaucoup de rapport aux fana des anciens Romains ; car généralement parlant, ce sont

des monumens élevés à la mémoire des grands hommes. Les mias sont situés dans les lieux les plus rians du pays, sur le meilleur terrain, & communément au-dedans ou auprès des grandes villes. Une allée large & spacieuse, bordée de deux rangs de cyprès extrémement hauts, conduit à la cour du temple, où se trouvent quelquefois plusieurs mias ; & dans ce cas-là l’allée dont on vient de parler mene tout droit aux principaux mias ; la plûpart sont situés dans un bois agréable, quelquefois sur le penchant d’une colline tapissée de verdure, où l’on monte par des marches de pierre.

L’entrée de l’allée qui conduit au temple, est distinguée du grand chemin ordinaire par un portail de pierre ou de bois d’une structure fort simple ; deux piliers posés perpendiculairement soutiennent deux poutres mises en travers, dont la plus haute est, par maniere d’ornement, courbée vers le milieu, & s’éleve aux deux extrémités. Entre ces deux poutres il y a une table quarrée, qui est ordinairement de pierre, où le nom du dieu à qui le mia est consacré, est écrit en caracteres d’or. Quelquefois on trouve une autre porte faite de la même maniere, devant le mia, ou devant la cour du temple, s’il y a plusieurs mias dans une cour, à quelque distance du mia, il y a un bassin de pierre plein d’eau, afin que ceux qui vont faire leurs dévotions puissent s’y laver. Tout contre le mia, il y a un grand coffre de bois pour recevoir les aumônes.

Le mia est un bâtiment simple, sans ornement ni magnificence, communément quarré, fait de bois, & dont les poutres sont grosses & assez propres. La hauteur n’excede guere celle de deux ou trois hommes, & la largeur n’est que de deux ou trois brasses. Il est élevé d’environ une verge & demi au-dessus de la terre, & soutenu par des piliers de bois. Autour du mia il y a une petite galerie où l’on monte par quelques degrés.

Le frontispice du mia est d’une simplicité qui répond au reste ; il consiste en une ou deux fenêtres grillées, qui découvrent le dedans du temple à ceux qui viennent faire leurs dévotions, afin qu’ils se prosternent devant le lieu sacré ; il est toujours fermé, & souvent il n’y a personne qui le garde.

Le toit est couvert de tuiles, de pierre ou de coupeaux de bois, & il s’avance beaucoup de chaque côté pour couvrir cette espece de galerie qui regne tout-autour du temple. Il differe de celui des autres bâtimens, en ce qu’il est recourbé avec plus d’art, & composé de plusieurs couches de poutres, qui s’avançant par-dessous, ont quelque chose de fort singulier. A la cime du toit, il y a quelquefois une poutre plus grosse & plus forte que les autres, posée en long, & à ses extrémités deux autres poutres toutes droites qui se croisent.

Cette structure est faite à l’imitation, aussi-bien qu’en mémoire de celle du premier temple ; & quoiqu’elle soit fort simple, elle est néanmoins très-ingénieuse & presque inimitable, en ce que les poids & la liaison de toutes ces poutres entrelacées, sert à affermir tout l’édifice.

Sur la porte du temple il pend une grosse cloche plate, qui tient à une corde longue, forte & pleine de nœuds : ceux qui viennent faire leurs dévotions frappent la cloche, comme s’ils vouloient avertir les dieux de leur arrivée : mais cette coutume n’est pas ancienne, & on ne la pratiquoit pas autrefois dans la religion du Sintos ; elle a été empruntée du Budso, ou de la religion idolâtre étrangere.

Dans le temple, on voit du papier blanc suspendu & coupé en petits morceaux, & par-là on veut donner au peuple une idée de la pureté du lieu. Quelquefois on place un grand miroir au milieu du temple, afin que les dévots puissent s’y voir & faire réflexion, que comme ils apperçoivent très-distincte-