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séparent ; la petite plante sort de terre, prend une situation verticale, & s’éleve en gardant pendant quelque tems ses lobes, dont elle continue de tirer sa subsistance, jusqu’à ce que la petite racine se soit assez étendue & ramifiée pour pomper de la terre les sucs nécessaires à l’accroissement de la plante.

Le germe reste attaché aux lobes par le moyen de deux anses ou appendices qui sortent de sa partie moyenne, & qui ne sont autre chose que deux paquets de vaisseaux qui vont se distribuer dans la substance des lobes : il paroît que l’usage de ces lobes est absolument nécessaire à la jeune plante, & qu’il s’étend encore assez long-tems après qu’elle est formée, & qu’elle s’est élevée hors de terre, ils continuent de lui procurer une nourriture plus parfaite & moins crue que celle que tirent ses radicules ; en effet, la quantité d’huile que renferme la substance farineuse des lobes, & que leur mucilage rend miscibles avec l’eau, forme une espece d’émulsion très propre à nourrir cette plante délicate ; du-moins est-il vrai que toutes celles à qui on retranche les lobes de très-bonne heure, périssent en peu de tems, ou languissent, & ne prennent jamais un entier accroissement.

Le suc préparé dans les lobes passe donc immédiatement dans la radicule, & la fait croître avant la plume ; car celle-ci ne commence guere à se développer, que lorsque la radicule est fixée, & qu’elle a acquise une certaine longueur. Cette structure & cette observation sur l’allongement de la radicule antérieur au développement de la plume, ne prouvent-elles pas que les racines sont de tout tems destinées à recevoir & à préparer la nourriture de la tige & des autres parties ?

Lorsque les racines sont assez alongées, multipliées, formées, pour donner à la nourriture qu’elles tirent de la terre les qualités nécessaires à l’accroissement de la jeune plante, le secours des lobes devient inutile ; ils tombent après s’être flétris & desséchés, ou bien ils se changent dans quelques especes en feuilles séminales.

La structure de la nouvelle plante ne présente encore rien de bien organisé ; la radicule, ainsi que la plume, ne paroissent composées que d’une substance spongieuse, abreuvée d’humidité, recouverte d’une écorce plus épaisse dans la radicule que dans la plume, mais dans laquelle on distingue à peine quelques fibres longitudinales.

Il est difficile d’assigner le premier terme de la germination ; c’est un mouvement insensible excité sans doute par la chaleur de la terre, quand la semence est suffisamment pénétrée d’humidité. On sait plus certainement que l’humidité & la chaleur sont absolument nécessaires à cette action : aucune graine ne germe dans un endroit parfaitement sec, ni dans un milieu refroidi au terme de la glace : mais les degrés de chaleur & d’humidité se combinent à l’infini dans les différentes especes de plantes. Il y a des plantes, comme le mouron, l’aparine, la mâche, qui germent au solstice d’hiver, pour peu que le thermometre soit au-dessus de la congellation ; il y a des haricots & des mimoses à qui il faut 35 ou 40 degrés de chaleur : quantité de graines ne germent que dans l’eau ou dans une terre absolument humide ; les amandes & les semences huileuses se pourrissent dans une terre trop mouillée, & ne réussissent jamais mieux que dans une couche de sable & à couvert, comme dans un cellier.

L’air contribue presque autant que la chaleur & l’humidité au succès de la germination : plusieurs graines ne germent point dans le vuide ; celles qui y germent périssent en peu de tems : mais lorsqu’on laisse rentrer l’air dans le récipient, celles qui n’ont pas germé, levent assez vîte, & prennent un prompt

accroissement. Beaucoup de graines ne germent point quand elles sont trop enfoncées dans la terre, surtout si elle n’a pas été labourée, & que l’air ne peut pas y pénétrer ; plusieurs y périssent pendant les chaleurs de l’été ; d’autres, comme celle des raiforts, & des autres cruciferes, s’y conservent pendant 20 ans, & ne germent que lorsque la terre ouverte par un labour les ramene près de la surface, & leur rend la communication avec l’air.

On doit encore regarder le fluide électrique comme une des causes qui favorisent la germination : des graines de moutarde, & d’autres électrisées plusieurs jours de suite pendant l’espace de 10 heures, ont germé trois jours plutôt que de pareilles graines qui n’étoient pas électrisées, & au bout de huit jours les premieres avoient fait une crue de plus du double. Peut-être ce fluide qui est si abondamment répandu sur la terre quand le tonnerre éclatte, contribue-t-il beaucoup aux progrès rapides de la végétation que l’on observe après les tems d’orage.

Les gelées blanches, les pluies froides, & les arrosemens à contre-tems, font périr bien des plantes dans le tems de la germination ; les vents du nord les dessechent ; l’ardeur du soleil les épuise, & tous les extrèmes leur nuisent. Les circonstances les plus favorables à la germination sont une chaleur douce, humide & graduée, un lieu un peu ombragé, dans lequel l’air s’entretienne chargé de vapeurs humides.

A mesure que la racine s’alonge, la petite tige croît aussi ; les premieres feuilles se développent & s’étendent successivement ; toutes ces parties ne paroissent d’abord formées que par un tissu cellulaire, qui n’est qu’un amas de vésicules très-minces, remplies d’un suc très-aqueux, contenues par l’épiderme, (membrane extensible & élastique déjà formée dans la semence), qui se multiplient prodigieusement dans l’accroissement des végétaux.

Bientôt on commence à distinguer plusieurs faisceaux de fibres longitudinales, dont le nombre augmente chaque jour ; ces faisceaux se lient entr’eux par des paquets de fibres transversales, le tout forme un réseau à mailles, par lesquelles la substance cellulaire du centre communique avec celle qui est répandue entre ce premier plan de fibres & l’épiderme : il se formera par la suite dans la concavité de ce plan circulaire un second plan tout-à-fait semblable, & ensuite un troisieme, & ainsi successivement ; la substance cellulaire remplira toujours l’intervalle entre chaque plan, & la communication de toutes ces cellules reste libre par les mailles de tous ces différens réseaux, qui sont à-peu-près les uns vis-à-vis des autres.

C’est ainsi que se forme la couche corticale de la premiere année, & qui sera toujours la plus près de l’épiderme tant que l’arbre subsistera, elle est composée, comme l’on voit alternativement du corps réticulaire fibreux, & de la substance cellulaire. Toute l’écorce s’appelloit anciennement le livre, parce qu’on peut la fendre en autant de feuillets qu’elle a de plans fibreux, & que dans cet état elle représente les feuillets d’un livre : aujourd’hui on entend par le livre ou liber seulement, la plus intérieure des couches fibreuses de la substance corticale, celle qui est immédiatement contiguë au bois.

Nous regarderions volontiers le livre, comme un organe particulier, distinct du bois & de l’écorce : formé dès la naissance de l’arbre, & destiné à former le bois par les productions de sa face interne, & l’écorce par celle de sa face extérieure : son organisation paroît moyenne entre celle des couches ligneuses & celle des couches corticales ; on n’apperçoit guere autre chose qu’un vaisseaux fibreu traversé de vaisseaux, & rempli de substances cellulaires : mais