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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 17.djvu/116

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sable gros & fin, émeril, potée, lisiere, bois propre à faire des outils. Il n’est pas besoin de rien dire de plus ici de diverses matieres contenues dans les deux dernieres divisions ; la suite du discours donnera des éclaircissemens détaillés sur chacune d’elles en particulier, tant pour la maniere de les connoître, que pour celle de les employer.

Des terres & de la maniere de les travailler. On n’a pû penser à faire du verre, sans s’être procuré auparavant une matiere assez réfractaire, pour résister sans se calciner & sans se fondre à l’action du feu violent nécessaire à la fusion du verre & à son affinage, dans la vue d’en construire le lieu du feu, & les vases servant à contenir le verre.

La matiere la plus réfractaire qu’on connoisse jusqu’au présent, est sans contredit l’argille ; elle ne fond que très-difficilement après un tems très long,[1] & n’est nullement sujette à la calcination. L’argille est assez connue, & on en fait usage dans un assez grand nombre d’arts, pour qu’il fût inutile d’en citer les propriétés ; cependant pour plus grande exactitude, nous dirons un mot des marques distinctives qui la caractérisent.

L’argille est une terre savonneuse au toucher, fort compacte, & composée de parties très-fines : on ne les voit jamais sous la forme de grains, comme le sable qui compose une terre de grès, mais en poussiere ; elle ne fait effervescence avec aucun acide. Une des propriétés qui caractérise le mieux l’argille, c’est qu’elle pétille & se désunit au feu à-peu-près comme le sel marin qu’on y jette. Cette propriété fait naître deux questions, l’une sur la cause de ce pétillement, l’autre sur les précautions à prendre pour l’éviter, puisqu’il suffiroit pour empêcher de faire usage de l’argille.

L’argille, ainsi que tous les autres corps, renferme des parties, selon quelques-uns aqueuses, selon d’autres, d’air. Lorsqu’elle se trouve exposée à l’action du feu, ces particules tendent à se raréfier, mais elles ne peuvent le faire à cause de la compacité de l’argille, sans écarter les parties de l’argille ; & comme ces parties ne sauroient s’écarter aussi vîte que la dilatation des particules, soit d’eau, soit d’air, l’exigeroit, elles se séparent avec bruit & crépitation.

Le pétillement venant de la compacité de l’argille, le moyen d’empêcher ce pétillement seroit de diminuer cette même compacité, ou ce qui est la même chose, d’augmenter les pores de l’argille au moyen de quelque intermede ; par exemple, en paîtrissant l’argille avec du sable, on réussiroit très bien à rendre l’argille plus poreuse, & à empêcher le pétillement, & on en feroit un corps très-solide & très-dur : mais une autre difficulté se rencontre ici ; si on employoit le mélange de sable & d’argille à la construction d’un four ou des vaisseaux propres à renfermer du verre, le contract du verre en fusion disposeroit les parties de sable avec lesquelles il a de l’affinité à se joindre à lui, conséquemment à se vitrifier, & la déperdition des vases s’ensuivroit bientôt après.

L’argille déjà brûlée, ou ciment, n’a pas le même inconvénient, & elle a plus d’analogie avec la nature de l’argille même, puisque lorsque le mélange a été quelque tems exposé au feu, il est de la même nature dans toutes ses parties. L’argille n’est plus différente du ciment étant devenue ciment elle-même, & le composé est bien plus homogene que ne l’auroit

été le mélange de la terre & du sable, qui, ne changeant jamais au feu, ne peut être analogue à la terre avant l’action du feu, ni le devenir par cette même action.

Le mélange de l’intermede à l’argille est si nécessaire, que si l’on faisoit une brique ou un vase un peu épais d’argille paîtrie pure, jamais sa compacité ne permettroit à l’humidité qu’elle renfermeroit, de se dissiper assez librement pour ne pas occasionner des fentes, qu’on appelle communément gersures.

Dans un établissement déja formé, les démolitions de fours & les vieux pots procurent du ciment pour fournir à la fabrication & composition des terres ; mais dans un établissement nouveau où on n’a pas les mêmes ressources, on est obligé de brûler de la terre exprès pour faire du ciment.

Il y a diverses manieres d’en faire : on peut brûler la terre en l’exposant au feu en morceaux tels qu’on les apporte de la carriere ; mais j’aimerois mieux la mouler & la façonner en briques minces après l’avoir paîtrie ; la laisser sécher & cuire dans cet état, précisément comme on cuit la brique, & voici mes raisons. Tous les morceaux de terre étant de la même épaisseur, se cuisent également, au lieu que de la premiere maniere, les morceaux plus épais se cuiroient plus difficilement que les minces. On pourroit à la vérité obvier à cet inconvénient, en cassant les morceaux & les réduisant tous à-peu-près à la même grosseur ; mais outre la grande quantité de poussiere qu’on dissiperoit, & qui seroit une vraie perte, si, par la propriété de l’argille, quelques morceaux un peu plus petits que les autres venoient à éclater, ils se réduiroient en parties assez insensibles, pour être difficilement recueillies.

Quant à la proportion qu’il faut mettre entre la terre & le ciment, on ne sauroit donner de regle exacte ; elle dépend de la qualité de la terre que l’on a à employer ; celle qui est plus compacte, qui a plus de tenacité, & qu’on dit vulgairement être plus grasse, demande plus de ciment ; celle qui est moins tenace ou plus maigre, en exige moins. Il faut éviter avec autant de soin de mettre trop de ciment, que d’en mettre trop peu ; le trop de ciment rend la terre maigre à l’excès, & fait perdre beaucoup de leur solidité aux ouvrages qui en sont construits, les parties manquant de ce gluten qui les unit & dont l’argille abonde.

Les artistes sont fort partagés dans leurs opinions sur l’espece de ciment qu’on doit mélanger à l’argille ; les uns veulent du gros ciment, dans la vue d’occasionner une plus prompte sécheresse en laissant des pores plus ouverts ; d’autres sentant qu’il y a une grande difficulté à mélanger également du ciment de cette sorte, & à le répandre uniformement dans la terre, ont crû obvier à cet inconvénient sans abandonner l’avantage des grands pores, en employant du ciment de moyenne finesse ; d’autres enfin employent du ciment le plus fin qu’il leur est possible. Ce dernier parti me paroît le plus avantageux ; en effet, plus le ciment sera divisé en grand nombre de parties, plus il sera aisé qu’il s’en trouve dans toutes les parties de l’argille ; le mélange en sera plus égal, la sécheresse plus uniforme, les gersures moins fréquentes & moins à craindre.

On trouve des argilles de bien des couleurs : les plus pures & celles dont on fait le plus communément usage, sont la blanche & la grise ; la rouge renferme une base martiale qui lui ôte presque en total sa qualité de réfractaire. La premiere opération qu’on fasse subir à l’argille, c’est de la priver des parties hétérogenes qu’elle peut contenir : celle qu’on y observe le plus communément sont les parties ferrugineuses qui se manifestent par leur couleur rouge ou jaune, semblable à celle de la rouille des terres

  1. La grande diminution d’épaisseur des pots lorsqu’ils ont été long-tems dans un four ; le vernis qui couvre leur surface extérieure, ainsi que l’intérieur du four, les gouttes de verre coloré qui découlent d’un vieux four, & qu’on appelle communément larmes, tout cela prouve que l’argille cede à l’action du feu & fond en partie.