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nous l’avons dit, à de grands frais, dans le cas où elle seroit absolument indispensable, on la rendroit beaucoup moins couteuse, en la faisant en très grand, c’est-à-dire, réduisant à la fois & dans le même vaisseau, grande quantité de terre en coulis, & se mettant toujours en avance de terre prête à marcher, de coulis à même de sécher, de coulis fait, & de terre prête à réduire en coulis.

La construction des fours de fusion & la fabrication des pots. Rien n’a été plus arbitraire jusqu’aujourd’hui que la maniere de faire des fours, & la forme qui leur est convenable. Chacun s’en rapporte sur cela aux idées vraies ou fausses qu’il s’est faites. Plusieurs croyent que la forme est assez indifférente quant à la chaleur ; & leur raison est que le four étant un milieu de feu, il est peu important de quelle forme soit ce milieu, pourvû qu’il soit milieu de feu, & puisque d’ailleurs il paroit naturel de penser que l’on peut porter tout espace soit quarré, soit rond, soit oblong, &c. à un même degré de chaleur. Cet avis ne seroit pas le mien ; je serois plus porté à croire qu’en réunissant tous les objets, c’est-à-dire la forme du four & la disposition des courans d’air, on feroit de meilleur ouvrage, & on devroit s’attendre à un plus heureux succès.

J’ai, en traitant des fours, deux choses à détailler : 1°. la maniere de les construire quant à la main-d’œuvre & à l’emploi des matériaux ; 2°. la forme qu’on a coutume de leur donner.

Il y a nombre de moyens pratiquables pour parvenir à la construction d’un four ; faire des briques ordinaires avec la terre préparée, comme nous l’avons dit ci-dessus, les laisser sécher, & les faire cuire, après quoi on bâtit le four : ce seroit, on le sent, très-possible ; mais 1°. il seroit à craindre que la liaison qu’on mettroit entre les briques, ne supportât pas l’action du feu, comme les briques elles-mêmes, & que ces mortiers, en prenant retraite, ne laissassent les joints trop considérables ; alors lorsque la surface des briques viendroit à se vitrifier, chaque coin seroit une source de larmes, & il en pleuvroit dans le fourneau ; 2°. la retraite des mortiers nuiroit à la solidité de l’ouvrage, en dérangeant la liaison des briques ; 3°. les paremens des briques étant autant de surfaces droites, dérangeroient l’exactitude de la courbe, qu’on donneroit pour forme au four ; en outre, si l’on se trompoit dans la construction, il ne seroit possible de rectifier son ouvrage qu’en le recommençant. On éviteroit une grande partie de ces desagrémens, en employant l’argille molle, ayant seulement la dureté & la consistence nécessaires pour la rendre propre à être travaillée. Lorsque le four seroit parachevé, s’il y avoit des parties trop surbaissées, on en seroit quitte en coupant les portions excédentes, au lieu de démolir ; tout comme s’il y avoit des parties trop élevées, en ajoutant de la terre également molle, on pourroit remédier au deficit.

Il y a des maîtres de verrerie qui se contentent dans leurs constructions de se faire apporter la terre en tas auprès d’eux, en prenant des portions qu’ils roulent dans leurs mains, & dont ils font des especes de saucissons connus sous le nom de patons, environ de cinq à six pouces de diametre sur un pié de long, & donnent à leur four la forme qu’ils veulent, en mettant ces patons les uns sur les autres, ou à côté des autres, selon le besoin, & les unissant par la compression. Une attention essentielle qu’ils doivent avoir, c’est de poser leurs patons, d’abord par un bout, & de les appliquer ensuite successivement d’un bout à l’autre, en appuyant depuis le commencement de l opération jusqu’à la fin. On met en pratique cette façon de faire, dans la vue de chasser l’air, qui ne manqueroit pas de se loger entre les patons, si on les appliquoit les uns sur les autres immédiatement &

sans précaution, & qui outre qu’il gêneroit, comme intermede, l’union des parties du four, pourroit nuire par sa dilatation lorsqu’il sentiroit l’action du feu.

Voici une autre maniere de bâtir les fours bien plus commode & bien plus en usage. Moulez votre terre en tuiles[1] d’échantillons propres à chaque partie du four, & qui soient distinguées par le nom de chacune de ces parties. Lorsque ces tuiles sont à un degré de dureté, tel que l’on puisse les rabattre sans les écraser, c’est-à-dire, qu’elles sont mi-seches, on les emploie.

On commence par bien nettoyer la place où on a à les poser ; ensuite on la mouille avec du coulis, qui sert de mortier dans toute cette bâtisse : après quoi on pose la tuile, non sans l’avoir raclée avec soin dans tous ses paremens pour éviter les saletés & les corps étrangers, ainsi qu’une surface un peu trop seche qui empecheroit la tuile de bien s’unir avec le reste de la maçonnerie. La tuile posée, on l’assure & on l’arrange en sa place par de légers coups de batte[2]. Lorsque l’on a une assise de tuiles déposée, on en forme une seconde par-dessus, après avoir ratissé les nouvelles tuiles, mouillé le lieu où l’on a à les placer, avec un balai trempé dans le coulis. On rebat avec un peu de force la seconde assise pour l’unir à la premiere, & ainsi de suite jusqu’à l’entiere confection du fourneau.

Lorsque le four est fini, on coupe les bavûres des tuiles, c’est-à-dire les parties de la terre que la pression de la batte auroit forcé de déborder ; si l’on retroussoit ces mêmes parties sur les parois du four, elles ne pourroient jamais s’unir assez immédiatement auxdits parois, pour ne pas se détacher, & devenir une source de pierres.

L’instrument avec lequel on recoupe les parties du four, qui en ont besoin, s’appelle gouge. C’est un outil de fer d’environ deux piés de manche, pour pouvoir le tenir à deux mains, & travailler avec force. Au bout du manche se trouve une petite plaque de fer quarrée, qui est vraiment la gouge ; elle a environ trois à quatre pouces de large sur à-peu-près autant de long, & elle est armée d’un tranchant aceré. La gouge peut être plate ou ronde. La plate sert à recouper les endroits étendus en surface, & est terminée par ses deux côtés par un rebord de trois à quatre lignes. La ronde sert à recouper dans les lieux concaves ; on enleve par son moyen de plus petites ou de plus grandes parties, comme les circonstances l’exigent, par la propriété qu’elle a de ne toucher la surface à recouper, qu’en un nombre de points tel qu’on le veut, & suivant le besoin. La figure donnera tous les éclaircissemens desirables sur la forme des gouges. Voyez les Pl. & leur explic. Pl. V. G g.

Si on est obligé d’interrompre la construction d’un four, lorsqu’on la reprend, il est prudent de racler les surfaces de l’ouvrage déja fait antérieurement, & de les humecter, pour qu’elles puissent s’unir avec les tuiles plus humides qu’elles, qu’on y appliqueroit.

Lorsqu’un four est totalement construit & recoupé, il faut être incessamment occupé à le rebattre, pour prévenir les gersures, en resserrant les parties de l’argille à mesure qu’elles se séparent ; pour augmenter de plus en plus l’union des parties en les rap-

  1. Nous parlerons de divers échantillons de tuiles, lorsque nous connoitrons les diverses parties du four.
  2. La batte est un instrument de bois, ayant une surface convexe pour aller dans les parties concaves, ou une surface plane pour aller dans les lieux dont la superficie est plane. Quant à la longueur, elle est relative au lieu ou l’on a à travailler. La batte a un manche de cinq à six pouces ; elle sert à rebattre les diverses parties du four, lorsqu’il est construit pour empêcher les gersures occasionnées par la sécheresse ; & dans le tems de la construction, à battre sur les tuiles pour en augmenter l’union.