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les yeux par une courte récapitulation. On démarge, on rabote les torches, on enleve la premiere tuile, on balaye l’ouvreau, on débouche, on gratone l’âtre de l’ouvreau, on éloche la cuvette, on la prend avec le chariot à tenaille, on la mene auprès du baquet, on la cure, on la replace dans le four ; les deux cuvettes replacées, on rebouche, & enfin l’on remarge.

Cette opération exige beaucoup de promptitude, tant pour éviter le refroidissement du four, que pour empêcher le verre contenu dans la cuvette, de se durcir en refroidissant, & de se refuser à l’action du grapin. Le seul moyen de se procurer la diligence nécessaire, c’est de faire ensorte que les actions particulieres des ouvriers se succedent avec ordre & vivacité ; d’avoir deux chariots à tenaille, pour tirer du four la seconde cuvette, dès que la premiere est auprès du baquet. Par ce moyen les deux cuvettes se trouvent curées presque au même instant.

Une raison qui doit encore engager à curer avec vivacité, c’est que la cuvette sortant d’un lieu très chaud, ne pourroit que souffrir de la nouvelle température qu’on lui fait essuyer, si on l’y laissoit trop long-tems exposée ; & quand elle auroit le bonheur de refroidir sans périr, elle ne pourroit éviter sa perte en rentrant dans le four.

Lorsqu’on replace une cuvette, les ouvriers qui menent le chariot à tenaille, connus sous le nom de placeurs de cuvettes, font bien de ne laisser toucher la cuvette au siege, que quand elle est exactement à sa place. Si elle touche avant, ils sont obligés de débarrer & de pousser le jable de la cuvette, avec les extrémités de la tenaille ; mais la même raison qui oblige d’élocher la cuvette, l’empêche de glisser sur le siege. Aussi avant de mettre la cuvette à l’ouvreau, jette-t-on sur le siege quelques billettes, sur lesquelles la cuvette glisse sans effort.

On voit dans la vignette le curage assez bien détaillé ; 3, 3, expriment les cureurs en action : l’un recherche le verre dans la cuvette, l’autre en met dans la poche du gamin ; & les placeurs de cuvettes 5, 5, attendent qu’ils aient achevé de curer leur cuvette, pour la replacer. Pendant que ceux-ci eurent, d’autres placeurs de cuvettes 2, 2, sont occupés à en embarer une autre, tandis que l’ouvrier 1 l’éloche.

Lorsque toutes les cuvettes sont bien curées, ce seroit le moment du tréjetage ; mais le four ayant été chauffé avec force, depuis la premiere fonte, le verre se trouve dans un état de trop grande fluidité, pour le prendre avec la poche, sans en répandre ; on dit alors que le verre est trop mou. Il est aisé de le corriger de ce defaut, en laissant refroidir le four, c’est-à-dire, en ne tisant plus. Mais comme le four pourroit souffrir du contact de l’air extérieur, & d’un trop prompt refroidissement, on le marge, c’est-à-dire, qu’on met aux ouvreaux d’en haut, les plateaux, au lieu de tuiles, & que le tiseur bouche les soupiraux de sa glaie, avec ses margeoirs. La cessation du tirage s’appelle la cérémonie, & l’action de cesser de tiser est dite arrêter le verre, ou faire la cérémonie.

Le tems de la cérémonie est relatif à la fluidité du verre : plus il est fluide quand on l’arrête, plus il est de tems à parvenir au degré de consistance où il doit être pour tréjetter, plus aussi la cérémonie doit être longue.

Après la cérémonie, on fait encore précéder le trajétage de l’opération connue sous le nom d’écrémer. Son nom seul désigne qu’elle consiste à enlever la surface supérieure du verre, pour ne pas mettre dans les cuvettes les saletés qui seroient tombées de la couronne, comme pierres, larmes, &c.

La figure 2. (Pl. XX.) représente le pontil, outil avec lequel on écreme. C’est une barre de fer de six piés de long de a en d, qui présente une partie ab,

de huit ou neuf pouces, large d’environ deux, & épaisse d’environ six lignes. On fait chauffer le bout ab du pontil, pour que le verre s’y attache mieux : on le fait passer par l’ouvreau à tréjetter, & on le promene légerement sur la surface du pot ; lorsque le pontil est enveloppé de verre, on le tire de l’ouvreau, en le tournant, pour ne pas laisser tomber le verre, & l’écrémeur arrange son coup de verre[1], au tour du pontil, en appuyant successivement chacune des faces de cet outil, sur une plaque de fonte disposée sur un baquet ; il retourne à l’ouvreau & acheve d’écrémer son pot. S’il lui fait prendre plus de deux coups de verre, il se conduit toujours de même.

On voit dans la vignette de la Planche XX. en 1, un écrémeur dans l’action d’écrémer ; & en 2, un autre écrémeur arrangeant son coup de verre au-tour de son pontil.

L’écrémage est immédiatement suivi du tréjettage.

L’opération de tréjetter consiste à prendre du verre dans le pot, avec la poche, (fig. iv. Pl. XX.) & à le mettre dans la cuvette à côté. La poche est de cuivre, & est enmanchée d’un manche de fer de six piés neuf pouces, ou sept piés de long. Le diamettre de la poche est réglé par la largeur de l’ouvreau à tréjetter. Par rapport au four que nous avons décrit, la poche peut avoir neuf ou dix pouces de diamettre, y compris l’épaisseur, & on peut lui donner quatre ou cinq pouces de profondeur. Lorsque le tréjeteur fait passer sa poche dans l’ouvreau, soit en entrant, soit en sortant, il doit avoir attention de renverser sa poche, en cas qu’il tombât des saletés du ceintre de l’ouvreau.

Lorsque le tréjetteur prend du verre dans le pot, il est placé un peu du côté de l’arche, & lorsqu’il veut renverser sa poche dans la cuvette, il se place plus du côté de l’ouvreau du milieu. On peut voir ces positions dans la vignette de la Planche XXI.

Lorsque le tréjeteur veut porter au-dessus de la cuvette sa poche pleine de verre, il doit éviter avec soin de laisser au-tour de la poche des bavures de verres : elle tomberoient dans le four entre le pot & la cuvette, & feroient une perte réelle. C’est dans cette circonstance que les barres que nous avons placées sur les plaques des ouvreaux d’en haut, sont bien utiles. Elles servent d’un point d’appui, au moyen du quel le tréjeteur fait rentrer les bavures dans la poche, par un coup sec qu’il donne, en portant en bas la queue de sa poche, & la tournant dans sa main à droite ou à gauche, suivant la position des bavures.

Il faut avoir attention de rafraîchir souvent les poches, parce que, si elles s’échauffoient trop, le verre s’y attacheroit ; la poche courroit elle-même risque de se gâter. Il suffit d’avoir pris deux pochées de verre, avec une poche, pour devoir prudemment la porter dans un des baquets placés au coin des arches.

L’ouvrier qui tréjette ne peut juger bien sainement lui-même de l’état de son ouvrage ; mais il est averti par ceux qui le regardent de l’autre côté du four par l’ouvreau opposé. Le moyen d’accélerer le tréjettage, c’est d’avoir continuellement une poche à l’ouvreau. Deux tréjetteurs suffisent pour cela ; tandis que l’un tréjette, l’autre rafraîchit.

On ne débouche ordinairement qu’un ouvreau de chaque côté du four. Dans la vignette, on a représenté les deux ouvreaux du même côté débouchés, pour mettre sous les yeux tous les instans de l’opération. On voit les quatre tréjetteurs en action ; 1 prend du verre dans le fond du pot ; 2 verre dans la cuvette, celui qu’il a pris ; 3 rafraîchit sa poche, & 4 retourne à l’ouvreau.

  1. On appelle coup de verre ce que l’écremeur prend de verre au bout de son pontil à chaque fois.