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la main de l’ouvrier, & son corps : aussi emploie-ton plusieurs dessus pour apprêter une seule levée.

On doit avoir toujours attention de ne pas travailler brut contre brut ; les inégalités seroient trop considérables, & pourroient occasionner des casses.

La molette du doucisseur, dont nous venons de donner l’usage, est l’instrument le plus léger qu’on mette sur une levée, & il sert seulement à acheminer la levée, c’est-à-dire, à ôter les inégalités les plus considérables. Lorsque l’ouvrier s’apperçoit que son dessus roule bien & uniment sur la levée, à la molette il substitue le moilon[1], qui ne differe du premier outil que par sa grandeur & par son poids. On place le moilon sur de plus grands dessus, & on le fait travailler, comme la molette, conduisant le dessus sur toute la levée, essuyant la levée avec une éponge, dès que la touche de sable est usée, & remettant une nouvelle touche.

Lorsque l’on n’apperçoit plus aucun endroit brut sur la levée, on dit qu’elle est débrutie, & lorsqu’elle est à la regle, on la dit dressée.

Lorsque le dessus est assez diminué d’épaisseur, on le change, & on a toujours attention de travailler les premiers les dessus les moins grands.

Quand la levée est atteinte d’un côté, c’est-à-dire qu’on a fait disparoître les défauts auxquels on s’appliquoit, & qu’on la juge assez diminuée d’épaisseur, on la descelle, c’est-à-dire qu’on la décolle de dessus le plâtre.

Avant que de desceller, on use la derniere touche de gros sable plus que les autres, dans la vue de rendre égale par-tout la piquure que le gros sable laisse sur la glace.

Pour parvenir au descellage, on commence par défaire les bords. On insinue la lame de deux couteaux entre la pierre & la glace, de telle sorte que les couteaux soient du même côté, & ne soient pas assez distans entr’eux pour se contredire dans leur action. On donne par-là passage à l’air au-dessous de la glace, & on continue la même manœuvre tout-autour de la levée, jusqu’à ce que l’on la voie absolument détachée de la pierre. Il suffit, sur-tout quand une glace est grande, de la décoller de la pierre en un grand nombre d’endroits, & alors l’ouvrier, en la tirant ou en la poussant avec force, acheve de l’arracher de dessus le plâtre.

Lorsque la glace est descellée, on l’enleve de dessus la pierre, & on nettoie bien la levée & la pierre. Ensuite on la rescelle de la maniere que nous avons indiquée, mettant sur le plâtre le côté atteint, & on travaille à son tour le côté brut, en manœuvrant comme on a fait pour le premier côté.

A ce second scellage il est inutile de piétiner sur la levée ; la surface qui touche le plâtre, étant assez unie pour le toucher également par-tout sans cette précaution.

Après que le second côté a été passé au gros sable, la glace est à l’épaisseur qui convient à son volume, & en même tems elle est autant exempte de défauts que le travail peut la rendre. Il ne s’agit plus que d’enlever la piquure grossiere que le gros sablé a laissée sur les surfaces.

Pour cet effet on substitue au gros sable du sable plus fin, connu sous le nom de sable doux, & on en passe jusqu’à ce que l’on ne remarque plus aucune piquure de gros sable, alors on doucit le sable doux, c’est-à-dire que l’on en use la derniere touche jusqu’à ce que l’on s’apperçoive qu’elle ne peut plus faire aucun effet, dans la vue d’en rendre la piquure générale égale par-tout, & en même tems moins forte & plus fine ; après quoi il n’existe plus d’autres défauts dans la levée que la piquure de sable doux.

On la corrige en passant au lieu de sable doux, de l’émeril grossier.

Il est inutile de dire que l’on a continuellement le soin d’essuyer la levée avec une éponge propre, avant que de mettre une nouvelle touche, soit de sable doux, soit d’émeril.

Lorsque l’on ne reconnoît plus à la glace de piquure de sable doux, on doucit l’émeril, comme l’on a fait le sable doux.

On corrige la piquure du premier émeril en en passant d’une seconde espece plus fine que la premiere, qu’on doucit aussi lorsqu’elle a absolument effacé la piquure du premier émeril. Enfin on rectifie le second émeril par un troisieme encore plus fin que le second, que l’on travaille comme les deux premiers. Alors ce côté a reçu toutes les préparations qui dépendent du doucisseur.

On descelle la levée, pour passer au sable doux & aux émerils, le côté qui étoit sur le plâtre, & qui n’avoit encore reçu que du gros sable. Lorsque les deux côtés ont été ainsi travaillés, il est question de les polir.

On connoit assez l’émeril, pour que je me dispense d’en parler fort au long ; je dirai seulement un mot de la maniere dont on en obtient de plus ou moins fin.

On le met dans un vase où on le délaie dans de l’eau ; on laisse ensuite reposer l’eau quelque tems. Les parties les plus grossieres & les plus pesantes tombent au fond, & celles qui sont plus fines, sont encore retenues par l’eau. On transvase celle-ci dans un autre vaisseau, où l’on la laisse reposer plus longtems. Alors les parties plus fines se déposent à leur tour, & l’on a de l’émeril de deux especes. Si l’on en veut d’une troisieme, on délaie le second, & en agissant, comme l’on a déja fait, on a encore un nouvel émeril plus fin que les deux premiers.

Pendant que les émerils sont encore humides, on les façonne en boules communément nommées pelotes. dont on frotte sur les levées, lorsqu’on s’en sert

je ne me suis étendu sur la description d’aucun outil, n’y en ayant aucun assez compliqué pour que l’inspection de la figure ne suffise.

On conduit le travail des dessus comme celui des levées, ne les employant à passer du sable doux que lorsqu’ils ont assez passé au gros sable, &c.

Il y a quelque différence entre la travail des grandes glaces & celui des petites. Les premieres se scellent sur de très-grandes pierres, sur lesquelles on peut en assembler plusieurs. Deux ouvriers travaillent sur ces bancs.

Le scellage est de même ; il demande seulement des précautions plus exactes, parce qu’on a à manier des morceaux plus considérables. Les moilons ne servent qu’à passer quelques touches de gros sable sur les joints des glaces, qu’on a scellées ensemble pour les égaliser & les unir. On substitue au moilon une table sur laquelle on scelle le dessus ; mais comme les dessus de ces sortes de levées sont fort grands, & conséquemment difficiles à manier, on pose le dessus sur la levée, & on scelle la table sur le dessus, au lieu de sceller le dessus sur la table. On a attention que ladite table ne déborde pas le dessus plus d’un côté que de l’autre.

Les planches qui forment la table, sont réunies par des travelots sur lesquels elles sont clouées. A chaque extrémité de ladite table sont deux chevilles par lesquelles les ouvriers la prennent, tant pour l’enlever de dessus la levée, que pour desceller le dessus ; & vers chaque bout de la table sont deux courbes de bois percées chacune d’un trou. Sur cette table est posée une roue de bois léger, qui a ordinairement 104 pouces de diametre, & est composée

  1. On met entre la pierre de dessus & le moilon deux lisieres de drap.