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de dix raies & de dix jantes. Il y a deux entreraies, un de chaque côté du moyeu, percés de trous, de maniere qu’on puisse arrêter les entreraies, & conséquemment la roue, à la table par une cheville qui passe par les trous de l’entreraie & des courbes de la table, connues sous le nom de cabriolets.

La figure donnera tous les éclaircissemens nécessaires sur la forme des roues & de leurs tables.

Un ouvrier, à chaque extrémité du banc, tire la roue à lui, & la pousse réciproquement à son camarade ; & tous deux ensemble la font tourner sur la levée : ce qui fait, comme on sent, l’effet du moilon, de passer sur toutes les parties de la glace, & de s’appliquer sur celles qui en ont le plus besoin, en tournant plus long-tems la roue dessus.

Si l’on veut dans certains cas augmenter le frottement, on charge la roue de pierres.

Les bancs sur lesquels on travaille avec la roue, prennent le nom de bancs de roues.

Le descellage est, pour les ouvriers & la roue, le même que pour les moilonneurs ; il n’y a que celui du dessus qui differe. Comme on a scellé la table sur le dessus, de même on descelle la table & non le dessus, qui reste sur la levée.

Pour cet effet on tire la table à un bout du banc, de maniere que les deux chevilles de la table débordent le banc. Un ouvrier prend lesdites chevilles, & soutient la table, tandis qu’un autre passe les couteaux entre le dessus & la table, & commence à les décoller l’un de l’autre. L’on continue à enlever la table par petites secousses, pour la détacher peu à-peu du dessus. Si l’on a peine à y réussir, l’on pose les couteaux ailleurs, & on fait de nouvelles tentatives.

Lorsque la table est absolument séparée du dessus, on la retourne de maniere que chacun de ses bouts présente ses chevilles de chaque côté de la levée, & prenant la table par les chevilles, on l’enleve de dessus la levée.

Lorsque les glaces ont reçu toutes les préparations que nous venons d’expliquer, & qu’elles sont parfaitement doucies, il ne reste plus qu’à leur donner la surface unie & diaphane qui leur convient. Ce second apprêt est connu sous le nom de poli.

Du poli. Avant que de polir les glaces, on vérifie si elles sont effectivement bien quarrées, s’il ne reste pas quelqu’un des défauts qu’on espéroit d’emporter au douci, & qui exigeroit réduction ; enfin s’il n’y a pas sur les bords des défauts de douci que l’art du polisseur ne puisse corriger, & qu’il est nécessaire de couper ; en un mot, on leur fait subir un second équarrissage.

Pour procéder au poli, on scelle la glace sur une pierre proportionnée par son volume à celui de la glace. Auparavant l’inspecteur chargé de diriger le travail des ouvriers, visite la glace, & avec du marc de potée, il marque en rouge la surface de la glace au-dessous des défauts, 1°. parce que l’on les voit mieux sur de la couleur, que s’ils étoient seulement sur un fond blanc tel que le plâtre ; 2°. pour que l’ouvrier soit instruit plus aisément du lieu où ils sont, & s’y applique comme il convient, & enfin pour que l’on puisse juger plus aisément du poli que sur un fond tout blanc.

Les bancs de poli ne sont autre chose que des pierres bien droites & unies, montées seulement sur des treteaux. On n’a pas besoin d’eau dans ce travail, comme au douci ; c’est pourquoi les pierres ne sont pas dans des caisses.

La premiere chose qu’ait à faire le polisseur, c’est de corriger les défauts du douci qu’il remarque, avec des outils qui prennent les parties de la glace plus en détail que ceux du doucisseur, & avec lesquels il puisse s’appliquer aux moindres défectuosités.

Pour cet effet il frotte sa glace d’émeril, & avec un petit morceau de glace de huit pouces sur cinq, dont on arrondit les quatre coins, & qu’on nomme pontil, il conduit son émeril sur toutes les parties de la glace, dont il mouille légerement la surface pour aider le passage du pontil.

Lorsqu’il ne faut que perfectionner le douci, il passe simplement & également le pontil sur toute la surface de la glace. S’il y a en des endroits des défauts plus marqués, comme acrocs, filandres, déchirages, tous provenant du frottement de quelques corps dur & tranchant, sur la surface de la glace, il passe sur ces endroits des touches particulieres qu’on appelle pour cette raison touches à part. L’ouvrier doit avoir attention, en passant des touches à part, de parcourir assez d’espace, pour ne pas creuser la surface de la glace, & par-là diminuer son épaisseur en une partie plus qu’en une autre.

Lorsque les défauts sont emportés, il passe des touches générales, pour rendre la surface d’autant plus égale, & enfin lorsqu’il juge n’avoir plus besoin de passer d’émeril, il le doucit.

Il n’est, je crois, pas besoin de dire que si le polisseur a été oblige d’employer du premier émeril, il faut qu’il le corrige avec du second, & ainsi de suite.

Après avoir passé son éméril, le polisseur laisse sécher sa glace, pour voir s’il ne reste aucun défaut qui l’empêche de polir ; s’il ne trouve rien de défectueux, il prend son polissoir, outil de bois de sept pouces & demi de long sur quatre pouces & demi de large, & neuf lignes d’épaisseur, traversé dans sa largeur & au milieu de sa longueur, d’un manche qui déborde d’environ trois ou quatre pouces de chaque côté. Au milieu du manche est un trou ovale ressemblant assez à l’orbite de l’œil. Le dessous du polissoir est garni de lisieres de drap. On frotte le drap du polissoir avec de la potée en bâton, qui n’est autre chose que le caput mortuum de l’eau-forte, préparé pour cet usage ; & on le mouille en le frottant d’une brosse trempée dans l’eau. On pose le polissoir ainsi frotté ou, en terme de métier, graissé, sur un coin de la glace, & on le pousse devant soi aussi loin qu’on a la force de le faire, en appuyant dessus suivant un des bords de la glace, & ne passant le polissoir que sur une partie de la glace. La partie qu’on polit, s’appelle tirée. La tirée prend la forme d’un éventail, n’ayant que la largeur du polissoir au coin de la glace, & ayant un pié ou quinze pouces de large à son autre extrémité.

Lorsque le polissoir est sec, à force de le frotter sur la glace, on le graisse de nouveau & on le seche encore. L’action de sécher le polissoir est dite, faire une séchée ; ainsi lorsqu’on dit, qu’une tirée a été polie en deux ou trois séchées, on entend par-là qu’on a graissé & séché le polissoir deux ou trois fois. Lorsqu’une tirée est parfaitement polie, on en fait une autre à côté ; c’est-à-dire amenant toujours le polissoir sur le même coin, & travaillant à côté de la premiere tirée un espace pareil, & dans la même forme.

On a soin que la seconde tirée empiette sur la premiere, pour égaliser le poli, & pour qu’on ne puisse distinguer les séparations des tirées. Après la seconde tirée, on en polit une troisieme, aussi de suite, jusqu’au bord qui est perpendiculaire au premier où l’on a commencé. Alors on dit, que l’on a un coin de poli ; & lorsqu’on a poussé le polissoir de 30 ou 36 pouces sur la glace, ce coin consiste en un quart de cercle, qui a pour centre le coin de la glace, & pour rayon 30 ou 36 pouces.

Ordinairement un coin se polit en quatre ou cinq tirées : on fait la même opération aux quatre coins.

Si les tirées ne se sont pas croisées, & qu’il reste des endroits de la glace que le polissoir n’ait pas touchés, on fait d’autres tirées dans le milieu de la gla-