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sens entier & séparé par un point de tout ce qui a précédé. Ainsi dans la scène III. du quatrieme acte d’Andromaque, Oreste acheve un récit de cette sorte :

De Troie en ce pays réveillons les miseres,
Et qu’on parle de nous, ainsi que de nos pères.
Partons, je suis tout prêt.

Cet hémistiche ne tient à rien ; & Hermione finissant, sa réponse est interrompue avant la fin du vers.

Courez au temple, il faut immoler. . . . .
Oreste.
Courez au temple, il faut immolerQui ?
Hermione.
Courez au temple, il faut immoler Qui ?Pyrrhus.

Tout cela non-seulement est dans les regles, mais c’est un dialogue plein de beautés. (D. J.)

Vers gliconique, (Poésie lat.) vers latin de trois mesures précises, & qui est composé d’un spondée, & de deux dactiles.

Dūlce ēst dēsĭpĕre īn lŏcŏ. (D. J.)

Vers pentamètre, (Poésie.) voyez Pentamêtre, Elégiaque, Elégie, &c.

C’est assez de remarquer en passant que les anciens ignoroient eux-mêmes qui a été le premier auteur du vers pentametre, ensorte qu’il n’est pas à présumer qu’on ait aujourd’hui plus de lumieres sur cette question qu’on en avoit du tems d’Horace ; tout ce qu’on en a dit depuis, n’a d’autre fondement que des passages d’auteurs mal-entendus : c’est ainsi qu’on cite Terentianus Maurus, comme en attribuant la gloire à Callinus, au-lieu que cet auteur rapporte seulement l’opinion de quelques grammairiens qui déféroient à ce poëte d’Ephèse, l’honneur de l’invention du vers pentametre. Il est certain que cette invention est fort ancienne, puisque Mimnerme lui donna la perfection, & que pour l’avoir rendu plus doux & plus harmonieux, il mérita le surnom de Ligystade. Le savant Shuckford fait remonter si haut l’invention du vers pentametre ou élégiaque, qu’il la découvre chez les Hébreux ; & sans persuader sa chimere à personne, il justifie à tout le monde qu’il a beaucoup de connoissance de la langue hébraïque. (D. J.)

Vers politique, (Littér.) espece de vers grec du moyen âge.

Les savans ne sont point d’accord sur la nature des vers nommés politiques : la plûpart estiment que ce sont des vers qui approchent fort de la prose, dans lesquels la quantité n’est point observée, & où l’on n’a égard qu’au nombre des syllabes & aux accens. Ils sont de quinze syllabes, dont la 9e commence un nouveau mot, & la 14e doit être accentuée ; tels sont les chiliades de Tzetzès, grammairien grec du 12e siecle. Vigneul Marville parlant de cette espece de vers, adopte le sentiment de Lambécius. « Il prétend qu’il faut entendre par versus politici les vers ou les chansons qui se chantoient par les rues. Policitos vocatos arbitror, quod vulgo Constantinopoli per compita canerentur πόλιν enim κατ’ ἐξοχὴν, & sermonis contractionem Constantinopolim appellant, meretrices publicæ à Græcis recentioribus politicæ vocantur ». (D. J.)

Vers saphique, (Poés. grecq. & latine.) espece de vers inventé par Sapho, & qui prit faveur chez les Grecs & les Latins ; le vers saphique est de onze syllabes ou de cinq piés, dont le premier, le quatrieme & le cinquieme sont trochées ; le second est un spondée, & le troisieme un dactyle. On met ordinairement trois vers de cette nature dans chaque strophe qu’on termine par un vers adonique, composé d’un dactyle & d’un spondée. (D. J.)

Vers serpentins. (Belles-lettres.) Ce sont des

vers qui commencent & finissent par le même mot, comme

Ambo storentes ætatibus, arcades ambo.

Vers tautogrammes. (Poésie.) On nomme ainsi ces vers dont tous les mots commencent par la même lettre. Nous ne comprenons pas aujourd’hui que cette barbarie du goût ait pu plaire à personne. (D. J.)

Vers coupés. (Poésie.) On appelle ainsi de petits vers françois de quatre & six syllabes qui riment au milieu du vers, & le plus souvent contiennent le contraire de ce qui est exprimé dans le vers entier. En voici deux exemples tirés des bigarrures du sieur des Accords.

Premier exemple.
Je ne veux plus ——— La messe fréquenter,
Pour mon repos ——— C’est chose très-louable :
Des Huguenots ——— Les préches écouter
Suivre l’abus ——— C’est chose misérable, &c.
Second exemple.
Je n’ai aimé onc ——— Anne ton acquaintance ;
A te déplaire ——— Je guiers incessamment
Je ne veux onc ——— A toi prendre alliance,
Ennui te faire ——— Est tout mon pensement.

J’ai vu quantité de strophes en vers coupés contre les Jésuites ; mais cet ouvrage, ennemi de la satyre, recuse de pareilles citations ; d’ailleurs ces sortes de jeux de mots sont d’un bien mauvais goût. (D. J.)

Vers lettrisé, (Poésie.) on nomme vers lettrisés, ceux dont tous les mots commencent par la même lettre. Les auteurs grecs & latins les ont appellés paranœmes, de παρὰ ὁμοίου, id est juxta similis, c’est-à-dire, auprès & semblable : en voici des exemples.

Maxima multa minax minitatur maxima muris.
At tuba terribili tonitru taratantara transit
O Tite, tute tati tibi tanta tyranne tulisti.

Un allemand nommé Petrus Porcius, autrement Perrus Placentius, a fait un petit poëme, dans lequel il décrit Pugnam porcorum, en 350 vers, qui commencent tous par un P. Un autre allemand, nommé Christianus Pierius, a publié un poëme sacré intitulé, Christus crucifixus, d’environ mille vers, dont tous les mots commencent par C.

Currite castalides, Christo comitante, camenæ,
Concelebraturæ cunctorum carmine certum
Consugium collapsorum, concurrite, cantus.

Je ne sache que les begues qui puissent tirer quelque profit de la lecture à haute voix de pareils ouvrages. (D. J.)

Vers de passages, (Poésie.) on nomme ainsi des vers foibles dans une strophe : il y en a beaucoup dans les odes de Malherbe. On n’exigeoit pas encore de son tems, que les poésies fussent toujours composées, pour ainsi dire, de beautés contiguës : quelques endroits brillans suffisoient pour faire admirer toute une piece. On excusoit la foiblesse des autres vers, qu’on regardoit seulement comme étant faits pour servir de liaison aux premiers ; & on les appelloit, ainsi que nous l’apprenons des mémoires de l’abbé de Marolles, des vers de passages.

Il est des strophes dans les œuvres de Desportes & de Bertaut, comparables à tout ce qui peut avoir été fait de meilleur depuis Corneille ; mais ceux qui entreprennent la lecture entiere des ouvrages de ces deux poëtes sur la foi de quelques fragmens qu’ils ont entendu réciter, l’abandonnent bien-tôt. Les livres dont je parle, sont semblables à ces chaînes de montagnes, où il faut traverser bien des pays sauvages pour trouver une gorge riante. (D. J.)

Vers rhopaliques, (Poésie.) rhopalique vient de ῥόπαλον, une massue ; on donne ce nom à des vers