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reste, dans toutes ces especes de vertige, on peut insister sur tous ces remedes céphaliques, aromatiques, sur les décoctions, les poudres, les conserves, les extraits de romarin, de menthe, de calamus aromaticus, de coriandre, de pivoine, de fleurs de tilleul, de sauge, &c. on peut aussi avoir recours, si ces remedes sont insuffisans, aux vésicatoires, au seton, au cautere que Mayerne conseille d’appliquer sur l’os pariétal ; dans le vertige sympathique dépendant de l’affection de l’estomac, il faut suivant le précepte d’Hippocrate, avoir recours à l’émétique, le réitérer, de même que les purgatifs cathartiques, faire souvent couler la bile par des pilules cholagogues, & fortifier enfin ce viscere par les stomachiques, amers, aloëtiques, &c. de son côté, le malade doit par un régime convenable se procurer de bonnes digestions, & soigneusement éviter toute sorte d’excès. (m)

VERTIGO, terme de Manege, les maréchaux appellent ainsi des tournoyemens de tête qui arrivent à un cheval, & qui dégénerent en folie.

Cela vient souvent de ce qu’on met un cheval trop-tôt au pâturage, avant qu’il soit refroidi ; pour-lors comme il porte sa tête bien basse pour manger, les mauvaises humeurs s’y engendrent, & attaquant le cerveau, sont la cause prochaine de cette maladie. Elle vient aussi quelquefois de ce que le cheval a trop travaillé dans la chaleur, ce qui lui enflamme le sang, &c. & quelquefois des mauvaises odeurs qui sont dans l’écurie ; pour avoir trop mangé, &c.

Les symptomes de cette maladie sont l’obscurcissement de la vue, des étourdissemens, le larmoyement des yeux, &c. à la longue, la douleur qu’il ressent l’oblige à frapper de la tête contre la muraille, à la fourrer dans la litiere, à se lever & se coucher brusquement, &c.

Il y a différentes manieres de guérir cette maladie, mais toutes commencent par la saignée.

VERTU, (Ord. encyclop. Mor. Polit.) il est plus sûr de connoître la vertu par sentiment, que de s’égarer en raisonnemens sur sa nature ; s’il existoit un infortuné sur la terre, qu’elle n’eût jamais attendri, qui n’eût point éprouvé le doux plaisir de bien faire, tous nos discours à cet égard seroient aussi absurdes & inutiles, que si l’on détailloit à un aveugle les beautés d’un tableau, ou les charmes d’une perspective. Le sentiment ne se connoit que par le sentiment ; voulez-vous savoir ce que c’est que l’humanité ? fermez vos livres & voyez lez malheureux : lecteur, qui que tu sois, si tu as jamais goûté les attraits de la vertu, rentre un instant dans toi-même, sa définition est dans ton cœur.

Nous nous contenterons d’exposer ici quelques réflexions détachées, dans l’ordre où elles s’offriront à notre esprit, moins pour approfondir un sujet si intéressant, que pour en donner une légere idée.

Le mot de vertu est un mot abstrait, qui n’offre pas d’abord à ceux qui l’entendent, une idée également précise & déterminée ; il désigne en général tous les devoirs de l’homme, tout ce qui est du ressort de la morale ; un sens si vague laisse beaucoup d’arbitraire dans les jugemens ; aussi la plûpart envisagent-ils la vertu moins en elle-même, que par les préjugés & les sentimens qui les affectent ; ce qu’il y a de sûr c’est que les idées qu’on s’en forme dépendent beaucoup des progrès qu’on y a fait ; il est vrai qu’en général les hommes s’accorderoient assez sur ce qui mérite le nom de vice ou de vertu, si les bornes qui les séparent étoient toujours bien distinctes ; mais le contraire arrive souvent : de-là ces noms de fausses vertus, de vertus outrées, brillantes, ou solides ; l’un croit que la vertu exige tel sacrifice, l’autre ne le croit pas : Brutus, consul & pere, a-t-il dû condamner ses enfans rébelles à la patrie ? la question n’est pas encore unanimement décidée ; les devoirs de

l’homme en société sont quelquefois assez compliqués & entremêlés les uns dans les autres, pour ne pas s’offrir aussitôt dans leur vrai jour ; les vertus mêmes s’arrêtent, se croisent, se modifient ; il faut saisir ce juste milieu en-deçà ou en-delà duquel elles cessent d’être, ou perdent plus ou moins de leur prix ; là, doit s’arrêter votre bienfaisance, ou la justice sera blessée ; quelquefois la clémence est vertu, d’autres fois elle est dangereuse : d’où l’on voit la nécessité des principes simples & généraux, qui nous guident & nous éclairent ; sur-tout il faut juger des actions par les motifs, si l’on veut les apprécier avec justesse ; plus l’intention est pure, plus la vertu est réelle. Eclairez donc votre esprit, écoutez votre raison, livrez-vous à votre conscience, à cet instinct moral si sûr & si fidelle, & vous distinguerez bientôt la vertu, car elle n’est qu’une grande idée, ou plutôt qu’un grand sentiment. Nos illusions à cet égard sont rarement involontaires, & l’ignorance de nos devoirs est le dernier des prétextes que nous puissions alléguer. Le cœur humain, je l’avoue, est en proie à tant de passions, notre esprit est si inconséquent, si mobile, que les notions les plus claires semblent quelquefois s’obscurcir ; mais il ne faut qu’un moment de calme pour les faire briller dans tout leur éclat ; quand les passions ont cessé de mugir, la conscience nous sait bien parler d’un ton à ne pas s’y méprendre ; le vulgaire à cet égard est souvent plus avancé que les philosophes, l’instinct moral est chez lui plus pur, moins altéré ; on s’en impose sur ses devoirs à force d’y réfléchir, l’esprit de système s’oppose à celui de vérité, & la raison se trouve accablée sous la multitude des raisonnemens. « Les mœurs & les propos des paysans, dit Montagne, je les trouve communément plus ordonnés, selon la prescription de la vraie philosophie, que ne sont ceux des philosophes. »

On n’ignore pas que le mot de vertu répondoit dans son origine, à celui de force & de courage ; en effet il ne convient qu’à des êtres qui, foibles par leur nature, se rendent forts par leur volonté ; se vaincre soi-même, asservir ses penchans à sa raison, voila l’exercice continuel de la vertu : nous disons que Dieu est bon & non pas vertueux, parce que la bonté est essentielle à sa nature, & qu’il est nécessairement & sans effort souverainement parfait. Au reste, il est inutile d’avertir que l’honnête homme & l’homme vertueux sont deux êtres fort différens ; le premier se trouve sans peine, celui-ci est un peu plus rare ; mais enfin qu’est-ce que la vertu ? en deux mots c’est l’observation constante des lois qui nous sont imposées, sous quelque rapport que l’homme se considere. Ainsi le mot générique de vertu comprend sous lui plusieurs especes, dans le détail desquelles il n’est pas de notre objet d’entrer. Voyez dans ce Diction, les divers articles qui s’y rapportent, & en particulier, droit naturel, morale, devoir. Observons seulement que quelque nombreuse que puisse être la classe de ces devoirs, ils découlent tous cependant du principe que nous venons d’établir ; la vertu est une, simple & inaltérable dans son essence, elle est la même dans tous les tems, tous les climats, tous les gouvernemens ; c’est la loi du Créateur qui donnée à tous les hommes, leur tient par-tout le même langage : ne cherchez donc pas dans les lois positives, ni dans les établissemens humains, ce qui constitue la vertu ; ces lois naissent, s’alterent, & se succédent comme ceux qui les ont faites ; mais la vertu ne connoit point ces variations, elle est immuable comme son Auteur. En vain nous oppose-t-on quelques peuples obscurs, dont les coutumes barbares & insensées semblent témoigner contre nous ; en vain le sceptique Montagne ramasse-t-il de toutes parts des exemples, des opinions étranges, pour insinuer que