Voilà l’idée générale de l’explication de M. Halley ; quelque ingénieuse qu’elle soit, il semble qu’elle est un peu vague, & qu’elle manque de cette précision nécessaire pour porter dans l’esprit une lumiere parfaite ; cependant la plûpart des physiciens l’ont adoptée ; mais ces savans ne paroissent pas avoir pensé à une autre cause générale des vents, qui pourroit être aussi considérable que celle qui provient de la chaleur des différentes parties de l’atmosphere. Cette cause est la gravitation de la terre & de son atmosphere vers le soleil & vers la lune, gravitation qui produit le flux & reflux de la mer, comme tous les Philosophes en conviennent aujourd’hui, & qui doit produire aussi nécessairement dans l’athmosphère un flux & reflux continuel.
Cette hypothèse ou cette explication de la cause des vents généraux a cet avantage sur celle de M. Halley, qu’elle donne le moyen de calculer assez exactement la vîtesse & la direction du vent, & par conséquent de s’assurer si les phénomenes répondent aux effets que le calcul indique : au lieu que l’explication de M. Halley ne peut donner que des raisons fort générales des différens phénomenes des vents, &, comme nous l’avons déjà dit, assez vagues. Car, quoiqu’on ne puisse nier que la différente chaleur des parties de l’atmosphere ne doive y exciter des mouvemens, c’est à-peu-près à quoi se bornent nos connoissances sur ce sujet. Il paroît difficile de démontrer en rigueur de quel côté ces mouvemens doivent être dirigés.
Au contraire, si on calcule dans l’hypothèse de la gravitation les mouvemens qui doivent être excités dans l’atmosphere par l’action du soleil & de la lune, on trouve que cette action doit produire sous l’équateur un vent d’est perpétuel ; que ce vent doit se changer en vent d’ouest dans les zones tempérées, à quelque distance des tropiques ; que ce vent doit changer de direction selon le plus ou le moins de profondeur des eaux de la mer ; que les changemens qu’il produit dans le barometre doivent être peu considérables, &c. Nous ne pouvons donner ici que les résultats généraux que le calcul donne sur ce sujet ; ceux qui voudront en savoir davantage, pourront avoir recours à quelques dissertations où cette matiere a été plus approfondie, & qui ont été composées à l’occasion du sujet proposé par l’académie des sciences de Berlin, pour l’année 1746.
Le mouvement de la terre autour de son axe, peut aussi être regardé sous un autre aspect comme une autre cause des vents ; car l’atmosphère se charge & se décharge continuellement d’une infinité de vapeurs & de particules hétérogenes ; de sorte que les différentes colonnes qui la composent, souffrent continuellement une infinité de variations, les unes étant plus denses, les autres plus rares. Or l’atmosphère tournant avec la terre autour de son axe, ses parties tendent sans cesse à se mettre en équilibre, & y seroient effectivement, si l’atmosphère demeuroit toujours dans le même état. Mais comme ces parties sont continuellement altérées dans leur pesanteur & leur densité, leur équilibre ne sauroit subsister un moment ; il doit être continuellement rompu, & il doit s’en suivre des vents variables presque continuels. Des exhalaisons qui s’amassent & qui fermentent dans la moyenne région de l’air, peuvent encore occasionner des mouvemens dans l’atmosphère ; c’est la pensée de M. Homberg & de plusieurs autres savans ; & si les vents peuvent naître de cette cause, comme il est probable, on ne doit point être surpris qu’ils soufflent par secousses & par bouffées ; puisque les fermentations auxquelles on les attribue, ne peuvent être que des explosions subites & intermittentes. Ces fermentations arrivent très fréquemment dans les grottes soûterraines par le mê-
qui s’y trouvent : aussi plusieurs auteurs ont-ils attribué les vents accidentels à ces sortes d’éruptions vaporeuses. Connor rapporte qu’étant allé visiter les mines de sel de Cracovie, il avoit appris des ouvriers & du maître même, que des recoins & des sinuosités de la mine, il s’éleve quelquefois une si grande tempête, qu’elle renverse ceux qui travaillent & emporte leurs cabanes. Gilbert, Gassendi, Scheuchzer, font mention d’un grand nombre de cavernes de cette espece, d’où il sort quelquefois des vents impétueux, qui prenant leur naissance sous terre, se répandent dans l’atmosphere, & y continuent quelque tems.
On ne sauroit donc douter qu’il ne sorte des vents de la terre & des eaux : il en sort des antres, des gouffres, des abîmes. Il en naît un en Provence de la montagne de Malignon, lequel ne s’étend pas plus loin que le penchant de la montagne. Il en naît un autre dans le Dauphiné, près de Nilfonce, lequel s’étend assez peu ; l’on voit quelquefois en plein calme les eaux de la mer se friser tout-d’un-coup autour d’un navire ; avant que les voiles s’enflent, les flots se former en sillons, se pousser les uns les autres vers un certain côté ; puis on sent le souffle du vent. Or comment se forment ces sortes de vents ? Pour le comprendre, on peut comparer les creux soûterrains à la cavité d’un éolipyle, les chaleurs soûterraines à celles du feu, sur lequel on met l’éolipyle & les fentes de la terre, les antres, les ouvertures, par où les vapeurs peuvent s’échauffer, au trou de l’éolipyle ; mettez sur le feu un éolipyle, qui contienne un peu d’eau ; bien tôt l’eau s’évapore, les vapeurs sortent rapidement, forcées de passer en peu de tems d’un grand espace par un petit, poussent l’air ; & cette impression rapide fait sentir une espece de vent de même que les fermentations, les chaleurs soûterraines, font sortir brusquement de certains endroits de la terre & des eaux, comme d’autant d’éolipyles de grands amas de vapeurs ou d’exhalaisons. Ces exhalaisons, ces vapeurs élancées violemment, chassent l’air selon la direction qu’elles ont reçue en sortant de la terre ou des eaux.
L’air chassé violemment communique son mouvement à l’air antérieur ; de-là ce courant sensible d’air, en quoi consiste le vent ; de-là ce flux successif d’air, qui semble imiter le mouvement des flots, & fait les bouffées. En effet, quelquefois lorsque le tems est serein, & l’air tranquille, sur la Garonne proche de Bordeaux, dans le lac de Genève, & dans la mer, on voit des endroits bouillonner tout-à-coup, & dont les bouillonnemens sont suivis de vents impétueux, de furieuses tempêtes. Qu’est-ce qui produit les typhons, ces vents si redoutables dans les mers des Indes ? Les vapeurs & les exhalaisons soûterraines, car avant les typhons, les eaux de la mer deviennent tiedes ; on sent une odeur de soufre, & le ciel s’obscurcit. M. Formey.
On cite encore l’abaissement des nuages, leurs jonctions, & les grosses pluies, comme autant de causes qui font naître ou qui augmentent le vent : & en effet, une nuée est souvent prête à fondre par un tems calme, lorsqu’il s’éleve tout-d’un-coup un vent impétueux : la nuée presse l’air entre elle & la terre, & l’oblige à s’écouler promptement.
Cette agitation violente de l’air forme un vent qui dure peu, mais impétueux. Ces sortes de vents sont suivis ordinairement de pluies, parce que les nuées, dont la chûte les produit, se resolvent en gouttes dans leur chûte. Quelquefois les mariniers apperçoivent au-dessus d’eux une nuée qui paroît d’abord fort petite, parce qu’elle est fort élevée, mais qui semble s’élargir peu-à-peu, parce qu’elle descend & s’ap-