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rotation dans le même tems ; de sorte que la terre & son atmosphere parviendroit fort promptement à faire leur rotation dans le même tems, autour de leur axe commun, comme si l’un & l’autre ne faisoient qu’un seul corps solide ; par conséquent, il n’y auroit plus alors de vents alizés.

C’est ce qui a engagé le docteur Halley à chercher une autre cause qui fut capable de produire un effet constant, & qui ne donnant point de prise aux mêmes objections, s’accordât avec les propriétés connues de l’eau & de l’air, & avec les lois du mouvement des fluides. M. Halley a cherché cette cause, tant dans l’action des rayons du soleil sur l’air & sur l’eau, pendant le passage continuel de cet astre sur l’Océan, que dans la nature du sol & la situation des continens voisins. Voici une idée générale de son explication.

Suivant les lois de la statique, l’air qui est le moins rarefié par la chaleur & qui est conséquemment le plus pesant, doit avoir un mouvement vers celui qui est plus rarefié, & par conséquent plus léger : or, quand le soleil parcourt la terre par son mouvement diurne apparent, ou plutôt quand la terre tourne sur son axe, & présente successivement toutes ses parties au soleil, l’hémisphere oriental sur lequel le soleil a déja passé, contient un air plus chaud & plus rarefié que l’hémisphere occidental ; c’est pourquoi cet air plus rarefié doit en se dilatant, pousser vers l’occident l’air qui le précede, ce qui produit un vent d’est.

C’est ainsi que le vent général d’orient en occident peut être formé dans l’air sur le grand Océan. Les particules de l’air agissant les unes sur les autres, s’entretiennent en mouvement jusqu’au retour du soleil, qui leur rend tout le mouvement qu’elles pouvoient avoir perdu, & produit ainsi la continuité de ce vent d’est.

Par le même principe, il s’ensuit que ce vent d’est doit tourner vers le nord dans les lieux qui sont au septentrion de l’équateur, & tourner au contraire vers le sud dans les lieux qui sont plus méridionaux que l’équateur ; car près de la ligne l’air est beaucoup plus rarefié qu’à une plus grande distance, à cause que le soleil y donne à plomb deux fois l’année, & qu’il ne s’éloigne jamais du zénith de plus de 23 degrés ; & à cette distance, la chaleur qui est comme le quarré du sinus de l’angle d’incidence n’est guere moindre, que lorsque les rayons sont verticaux. Au lieu que sous les tropiques, quoique le soleil y frappe plus long-tems verticalement, il y est un tems considérable à 47 degrés de distance du zénith, ce qui fait une sorte d’hiver dans lequel l’air se refroidit assez pour que la chaleur de l’été ne puisse pas lui donner le même degré de mouvement que sous l’équateur ; c’est pourquoi l’air qui est vers le nord & vers le sud étant moins rarefié, que celui qui est au milieu, il s’ensuit que des deux côtés, l’air doit tendre vers l’équateur. Voyez Chaleur.

La combinaison de ce mouvement avec le premier vent général d’est, suffit pour rendre raison des phénomenes des vents généraux alizés, lesquels souffleroient sans cesse & de la même maniere, autour de notre globe, si toute sa surface étoit couverte d’eau comme l’Océan atlantique & éthiopique. Mais comme la mer est entrecoupée par de grands continens, il faut avoir égard à la nature du sol & à la position des hautes montagnes. Car ce sont les deux principales causes qui peuvent altérer les regles générales des vents. Il suffit, par exemple, qu’un terrein soit plat, bas, sablonneux, tels qu’on nous rapporte que sont les deserts de Lybie, pour que les rayons du soleil s’y mêlent & échauffent l’air d’une maniere si prodigieuse, qu’il se fasse continuellement un courant d’air, c’est-à-dire, un vent de ce côté là.

On peut rapporter à cette cause, par exemple, le vent des côtes de Guinée, qui porte toujours vers la terre, & qui est ouest au lieu d’être est ; car on imagine bien quelle doit être la chaleur prodigieuse de l’intérieur de l’Afrique, puisque les seules parties septentrionales sont d’une chaleur si considérable, que les anciens avoient cru que tout l’espace renfermé entre les tropiques ne pouvoit pas être habité. Voyez Zone & Torride.

Il ne sera pas plus difficile d’expliquer les calmes constans qui regnent dans certaines parties de l’Océan atlantique vers le milieu ; car dans cet espace qui est également exposé aux vents d’ouest vers la côte de Guinée, & aux vents alizés d’est, l’air n’a pas plus de tendance d’un côté que de l’autre, & est par conséquent en équilibre. Quant aux pluies qui sont fréquentes dans ces mêmes lieux, elles sont encore aisées à expliquer, à cause que l’atmosphere diminuant de poids par l’opposition qui est entre les vents, l’air ne sauroit retenir les vapeurs qu’il reçoit. Voyez Pluie.

Comme l’air froid & dense doit à cause de son excès de pesanteur presser l’air chaud & raréfié, ce dernier doit s’élever par un courant continuel & proportionnel à sa raréfaction ; & après s’être ainsi élevé, il doit pour arriver à l’équilibre, se répandre & former un courant contraire ; en sorte que par une sorte de circulation le vent alizé de nord-est doit être suivi d’un vent de sud-ouest. Voyez Courant, Courant inférieur, &c.

Les changemens instantanés d’une direction à celle qui lui est opposée, qu’on voit arriver dans le vent lorsqu’on est dans les limites des vents alizés, semblent nous assûrer que l’hypothese précédente n’est pas une simple conjecture ; mais ce qui confirme le plus cette hypothese, c’est le phénomene des moussons qu’elle explique aisément, & qu’on ne sauroit guere comment expliquer sans son secours. Voyez Moussons.

Supposant donc la circulation dont nous venons de parler, il faut considérer que les terres qui touchent de tous les côtés à la mer septentrionale des Indes, telles que l’Arabie, la Perse, l’Inde, &c. sont pour la plûpart au-dessous de la latitude de 30d, & que dans ces terres, ainsi que dans celles de l’Afrique, qui sont voisines de la Méditerranée, il doit y avoir des chaleurs excessives, lorsque le soleil est dans le tropique du cancer ; qu’au contraire l’air doit y être assez tempéré lorsque le soleil s’approche de l’autre tropique, & que les montagnes voisines des côtes sont, suivant qu’on le rapporte, couvertes de neige, & capables par conséquent de refroidir considérablement l’air qui y passe. Or de-là il suit que l’air qui vient, suivant la regle générale du nord-est à la mer des Indes, est quelquefois plus chaud, & quelquefois plus froid que celui qui par cette circulation retourne au sud-ouest, & par conséquent il doit arriver tantôt que le vent, ou courant inférieur, vienne du nord-est, & tantôt du sud-ouest.

Les tems où les moussons soufflent, font voir suffisamment qu’ils ne sauroient avoir d’autre cause, que celle qu’on vient d’exposer ; car en Avril lorsque le soleil commence à réchauffer ces contrées vers le nord, les moussons sud-ouest se levent & durent tout le tems de la chaleur, c’est-à-dire, jusqu’en Octobre ; le soleil s’étant alors retiré, & l’air se refroidissant dans les parties du nord, tandis qu’il s’échauffe dans les parties du sud, les vents de nord-est commencent & soufflent pendant tout l’hiver jusqu’au retour du printems ; & c’est sans doute par la même raison, que dans les parties australes de la mer des Indes, les vents de nord-ouest succedent à ceux de sud est, lorsque le soleil approche du tropique du capricorne, Voyez Marée.