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vuidée. Elle est élargie & applatie par la suppression, ce que montre l’ouverture de ceux qui sont morts de cette maladie. De plus, la vieillesse seule ou la foiblesse de constitution suffisent pour donner cette figure à la vessie. Dans la suppression, les malades sentent qu’elle est poussée avec force contre les anneaux par les muscles du bas-ventre & de la poitrine. Quand on urine dans l’état naturel, la vessie rapproche ses parois du côté de son col par la contraction de ses fibres charnues ; mais dans l’état contre nature, les fibres qui ont perdu leur ressort ne peuvent plus replacer la vessie de cette maniere, ni détruire la figure qu’elle a prise, ou l’effet de l’impulsion qu’elle a reçue vers les anneaux. D’ailleurs les anneaux sont affoiblis par la grande dilatation que la suppression d’urine a causée à toute cette région, & par conséquent ils sont moins en état de s’opposer à la vessie qui tend à y entrer. Tous ces accidens souvent renouvellés peuvent produire la hernie dont il s’agit.

La portion de la vessie engagée dans un anneau & qui forme la hernie, est toujours nécessairement au-dessus de la portion qui reste à-peu-près en sa place naturelle, & les deux communiquent ensemble. Si la communication est libre, toute la tumeur se vuide quand le malade urine, & elle se vuide sans bruit, parce qu’il n’y a point d’air dans la vessie, comme il y en a dans les intestins. Si la communication n’est pas libre, c’est-à-dire s’il y a étranglement, le malade n’a qu’à presser sa tumeur avec la main, toute l’urine contenue dans la portion supérieure de la vessie se vuide dans l’inférieure, & toute la tumeur disparoît, ce qui est un signe certain de cette sorte de hernie.

Elle est donc caractérisée par les difficultés d’uriner ; on rend alors par l’uretre une partie de l’urine, & un moment après il en sort autant ; on prend différentes situations pour s’en délivrer, & l’on est souvent obligé de presser la tumeur & de la relever en-haut, afin d’uriner plus commodément.

Toutes ces différentes manieres de se soulager du poids de l’urine ne viennent que par l’étranglement de la vessie, qui la partage comme en deux : tout aussi-tôt que la premiere s’est vuidée, il faut changer de situation, ou presser la seconde tumeur, pour faciliter l’écoulement de l’urine qu’elle contient, & l’engager à sortir par l’uretre.

Dans la hernie d’intestin où il y a étranglement, la cause du retour des matieres contenues dans les intestins vers l’estomac, & par conséquent du vomissement, est fort évidente. Dans la hernie de vessie avec étranglement, le vomissement est rare, foible, & ne vient que tard. M. Petit a remarqué qu’il est suivi du hoquet, au-lieu que dans l’autre hernie il en est précédé.

La fluctuation & la transparence doivent être des signes communs à la hernie de vessie & à l’hydrocele, puisque de part & d’autre c’est de l’eau renfermée dans un sac membraneux.

Les grossesses fréquentes peuvent aussi être une cause de la hernie de vessie. On sait que dans les derniers mois l’enfant appuie sa tête contre le fond de la vessie, qui ne pouvant plus, lorsqu’elle se remplit d’urine, s’élever du côté de l’ombilic, est obligée de s’étendre à droite & à gauche, & de former deux especes de cornes disposées à s’introduire dans les anneaux, d’autant plus facilement qu’ils sont affoiblis par l’extension violente que souffrent toutes les parties du bas-ventre ; les faits qui fondent cette idée sont vérifiés par les cadavres de femmes qui sont mortes avancées dans leur grossesse, ou peu de tems après l’accouchement.

La hernie de vessie peut être compliquée avec celle d’intestin ou d’épiploon, & il est même assez naturel

que la premiere, quand elle est forte, produise la seconde ; car alors la vessie, engagée fort avant dans un anneau, tire après elle la portion de la tunique interne du péritoine qui la couvre par derriere, & cette portion forme un cul-de-sac où l’intestin & l’épiploon peuvent ensuite s’engager facilement.

En voilà assez pour faire appercevoir à ceux qui y feront réflexion, & sur-tout aux anatomistes, tout ce qui appartient à la hernie de vessie, soit simple, soit compliquée, & même pour leur donner lieu d’imaginer les précautions & les attentions que demandera l’opération chirurgicale. M. Petit a poussé tout cela dans de plus grands détails qu’il n’est pas possible de suivre ici. (D. J.)

Vessie, plaies de la, (Chirurgie.) quoiqu’Hippocrate ait regardé les plaies de la vessie comme mortelles, & qu’il ait dit, tract. de morb. l. I. c. iij. qu’elles ne pouvoient point se refermer, nous sommes aujourd’hui convaincus que la vessie que l’on incise dans l’opération de la pierre se referme & se guérit.

Nous savons aussi qu’elle peut être percée par une balle d’arme à feu, sans que le malade périsse. Si, par bonheur dans ce moment, la vessie se trouve pleine d’urine, la guérison est encore plus heureuse. On a vu des personnes heureusement rétablies chez qui la balle & autres corps étrangers étoient restés dans la vessie, ce qui est presque une preuve qu’elle étoit alors pleine d’urine. Dans ce cas, après avoir fait à la plaie extérieure ce qui y convient, M. le Dran pense qu’il n’est pas hors de propos de mettre un algali par l’uretre, afin que l’urine s’écoule sans cesse ; car si la vessie se remplit, cela écartera ses parois & les levres de la plaie ; alors l’urine pourra s’infiltrer dans le tissu cellulaire qui l’entoure, ce qui peut y causer des abscès & autres accidens ; au-lieu que l’état sain de ce tissu cellulaire est ce qui contribue le plus à faire la réunion de la vessie.

De tous les malades à qui il étoit resté des corps étrangers dans la vessie, les uns les ont rendus par l’uretre avec l’urine avant qu’ils se fussent incrustés de gravier, & les autres ont eu la pierre qu’il a fallu dans la suite extraire par l’opération ordinaire. Alors on a trouvé que ces corps étrangers, comme balles, morceaux d’étoffe, &c. faisoient le noyau de la pierre.

Mais quoique les plaies de la vessie & même celles du fond de cet organe ne soient pas absolument mortelles, les observations heureuses sur ce sujet sont néanmoins fort rares, & cette considération nous engage d’en citer deux exemples rapportés dans l’histoire de l’académie des Sciences, année 1725 ; l’un de ces faits a été envoyé de Suisse avec des attestations.

Un maçon de Lausane, âgé de 25 ans, reçut en 1724 un coup de fusil dans le bas-ventre ; la balle, qui pesoit une once, entra dans la partie gauche de l’abdomen, à un pouce de l’os pubis & à deux doigts de la ligne blanche, perçant le bas du muscle droit, l’artere épigastrique, le fond de la vessie & de l’os sacrum dans leurs parties latérales gauches, & elle sortit à trois doigts à côté & au-dessus de l’anus. Les tuniques des vaisseaux spermatiques du côté gauche furent blessées, ce qui attira une inflammation au testicule gauche & au scrotum. Le déchirement de la vessie fut considérable, puisque l’urine ne coula plus que par les plaies. Il n’y eut cependant aucun intestin d’offensé, ni aucun gros nerf ; mais le malade eut de grandes hémorrhagies pendant quelques jours, vomissemens, diarrhées, insomnies, délire, fievre continue ; en un mot, tant de fâcheux symptomes qu’on craignoit à chaque instant pour sa vie. On fit des remedes internes & externes, & en particulier des injections dans la vessie ; ces injections procurerent la dissolution d’un sang coagulé, qui s’opposoit