Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 17.djvu/209

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à la sortie naturelle de l’urine ; enfin le malade se rétablit au bout de sept semaines.

La seconde observation heureuse d’une guérison de plaie de la vessie est de M. Morand. Un soldat des invalides ayant reçu un coup de fusil à l’hypogastre, qui perçoit le fond de la vessie, y porta long-tems la balle perdue ; après la guérison parfaite de sa plaie, il vint à être incommodé d’une grande difficulté d’uriner, on le sonda & on lui trouva la pierre. Il fut taillé au grand appareil, & on lui tira une assez grosse pierre, qui avoit pour noyau la bale entrée par la plaie du fond de la vessie, & autour de laquelle s’étoient incrustées les matieres fournies par les urines. Le malade néanmoins guérit très-bien. Il a donc eu deux cicatrices à la vessie, une à son fond par le coup de feu, l’autre à son col par l’opération de la taille, & les deux plaies par conséquent se sont également bien fermées. C’est sur de semblables observations que l’on a entrepris de faire l’opération de la pierre au haut appareil, différent du grand appareil, comme savent les gens du métier. (D. J.)

Vessie aérienne des poissons, (Ichthyographie.) les poissons se soutiennent dans l’eau & descendent au fond par le moyen d’une vessie pleine d’air destinée à cet usage. Ils ont leur queue & leurs nageoires composées de peau soutenues de longues arrêtes, ensorte qu’elles peuvent se resserrer & s’élargir pour frapper davantage d’eau d’un sens que d’un autre ; ce mouvement leur sert à avancer & à se tourner de tous les côtés ; mais comme la légéreté de leur corps qui les soutient, pourroit les empêcher de descendre au fond de l’eau quand il est nécessaire, la nature a trouvé un expédient admirable ; elle leur a donné le moyen de rendre leur corps léger ou pesant, à proportion qu’il le doit être pour descendre au fond, ou pour remonter au-dessus de l’eau ; leur corps étant capable de devenir plus ample par la dilatation, ou moins ample par la compression, il est rendu ou plus léger ou plus pesant ; par la raison que les corps descendent dans l’eau quand leur volume a plus de pesanteur que l’eau n’en a dans un pareil volume ; il est même étonnant combien il faut peu d’augmentation ou de diminution au volume pour produire cet effet.

On peut néanmoins comprendre aisément ce phénomène par l’exemple d’une machine hydraulique connue, dans laquelle une figure d’émail monte & descend dans un tuyau de verre rempli d’eau, selon que l’on comprime plus ou moins l’eau, en appuyant dessus avec le pouce ; car cette petite figure étant creuse & pleine d’air, & ayant moins de pesanteur que l’eau n’en a dans un pareil volume, elle nage sur l’eau, & ne descend au fond que quand par le pressement on fait entrer l’eau dans la petite figure par un trou qu’on y a laissé ; alors l’eau, qui est un corps qui n’est pas capable de se resserrer, comprimant l’air qui est enfermé dans la petite figure, diminue le volume de toute la petite figure dont cet air enfermé fait une partie ; & lorsqu’on cesse de comprimer l’eau, cet air resserré dans la cavité de la petite figure, reprend son premier volume par la vertu de son ressort. Or il est certain que cette diminution de volume de la petite figure, causée par ce qu’on peut y faire entrer d’eau par la compression du pouce, est très-peu de chose, & cependant est capable de la faire descendre.

On sait par expérience que l’homme nage plus aisément sur le dos que sur le ventre ; & il n’est pas difficile de juger que cela n’arrive que parce que lorsqu’on nage sur le ventre, on est obligé de tenir hors de l’eau toute la tête, qui pese par sa matiere & ne soutient pas par son volume, comme quand on nage sur le dos. Par la même raison, l’eau ne soutient pas si bien les animaux maigres que ceux qui sont gras

& charnus, parce que la chair & la graisse sont des corps qui n’ont pas tant de pesanteur, à proportion de leur volume, que les os & la peau. Ainsi le corps des femmes doit ordinairement nager plus aisément sur l’eau que celui des hommes.

La vessie qui se trouve remplie d’air dans beaucoup de poissons, est faite pour cet usage. Dans plusieurs poissons, comme dans l’alose, cette vessie a un conduit fort délié, qui s’attache au ventricule, & par lequel apparemment elle reçoit l’air dont elle est pleine. Dans d’autres poissons, comme dans la morue, cette vessie n’a point ce conduit ; mais on lui trouve en-dedans une chair glanduleuse, qui paroît être destinée à la séparation de l’air, ou à la raréfaction de quelque substance aérienne. L’une & l’autre espece de vessie a cela de commun, que l’air dont elle est enflée, n’en sort point, quelque compression qu’on fasse.

Pour ce qui est des poissons ou la vessie aérienne ne se trouve point, il faut croire qu’ils ont quelque air enfermé autre-part, qui étant resserré par la compression des muscles, fait diminuer le volume de tout le corps, & le fait aller à fond : & que cet air retournant à son premier état, redonne au corps son premier volume, & le fait monter sur l’eau ; cette conjecture est d’autant plus vraissemblable, que l’eau dans laquelle les poissons sont plongés, empêchant par sa froideur & par son épaisseur que leur corps ne transpire, peut aisément retenir de l’air enfermé dans des espaces qui rendent leur chair spongieuse.

Il y a des tortues qui vont dans l’eau & sur terre ; elles ont un poumon, qui outre l’usage général qu’il peut avoir dans d’autres animaux, a encore celui-ci dans les tortues, c’est qu’il leur tient lieu des vessies des poissons ; il en est pourtant différent, en ce que l’air enfermé dans les vessies des poissons, semble demeurer toujours en même quantité ; & il est constant que celui qui est dans les poumons des tortues, en sort & y entre, selon le besoin qu’elles peuvent avoir d’en augmenter ou d’en diminuer la quantité ; on a observé que quand les tortues entrent dans l’eau, elles poussent de l’air par leur gueule & par leurs narines, ainsi qu’il paroît par les bulles d’air qu’elles font sortir, dès que leur tête est plongée dans l’eau.

Il y a diverses sortes de poissons qui meurent assez vite dans le vuide ; mais les anguilles ne laissent pas d’y vivre assez long-tems ; la plûpart enflent, tombent sur le dos, les yeux leur sortent de la tête ; mais aussi-tôt qu’on fait rentrer l’air, elles tombent au fond de l’eau : cela vient de ce que les poissons qui peuvent nager en-haut & en-bas, ont dans leurs entrailles une petite vessie, que n’ont pas ceux qui se tiennent toujours au fond de l’eau, comme font les poissons plats, ou ceux qui sont couverts d’une écaille dure ou de quelque espece de croute cartilagineuse.

Il n’y a point de doute que cette petite vessie ne serve à tenir les poissons en équilibre avec l’eau, à quelque profondeur qu’ils se tiennent ; car dès que cette vessie devient plus petite, le poisson desenfle, & devient par conséquent plus pesant dans l’eau, de sorte qu’il peut alors y enfoncer & y rester en balance ; si au contraire cette petite vessie vient à se dilater, le poisson devient plus léger.

Lors donc que le poisson fait effort pour descendre au fond de l’eau, il peut faire sortir une petite bulle d’air, à l’aide d’un muscle qu’a la vessie, ou bien il peut resserrer la vessie par le moyen des muscles du ventre, de sorte que par-là il devient plus petit & plus pesant ; veut-il remonter, il dilate les muscles du ventre, & alors sa vessie se gonfle sur le champ, & il devient plus léger ; d’un autre côté, comme l’air qui est renfermé dans la vessie, rencontre continuellement moins de résistance de la part de l’eau, dont la hauteur & le poids diminuent, cet air