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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 17.djvu/254

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tems dans l’état de mariage, que dans le célibat. Le nombre des garçons qui sont morts depuis l’âge de 20 ans, est un peu plus de la moitié de la somme des hommes mariés & veufs morts depuis le même âge de 20 ans, il n’y a cependant que six garçons qui aient passé l’âge de 90 ans, & il y a quarante-trois hommes mariés ou veufs qui ont passé le même âge. Le nombre de filles qui sont mortes depuis l’âge de 20 ans, est presque le quart de la somme des femmes mariées ou veuves mortes depuis le même âge ; il n’y a cependant que quatorze filles qui aient passé l’âge de 90 ans, & il y a cent douze femmes mariées ou veuves qui ont été au-delà du même âge.

» Pendant les 30 mêmes années, il a été baptisé dans la paroisse de S. Sulpice 69600 enfans, dont 35531 garçons, & 34069 filles ; ce qui est à très-peu de chose près, comme 24 est à 23.

» Depuis 1720 il a été baptisé à Londres année commune, 17600 enfans par an, ou environ ; & il est mort 26800 personnes. Là le nombre des morts surpasse de beaucoup celui des naissances ; & au contraire il y a Paris plus de baptêmes que de morts ; car année commune il a été baptisé dans la paroisse de S. Sulpice 2320 enfans, & il n’y est mort que 1618 personnes. Il est vrai que par l’état général qu’on imprime tous les ans pour toutes les paroisses de Paris, on ne trouve pas une si grande différence ; mais il y a toujours plus de naissances que de morts, puisque selon ces états on baptise à Paris, année commune, 18300 enfans ou environ, & il n’y meurt que 18200 personnes. Au reste, ces états ont été faits avec trop peu de soin pour qu’on doive y compter ».

On peut voir un plus grand détail dans l’ouvrage que M. de Parcieux nous a donné sur ce sujet, & auquel nous renvoyons nos lecteurs, après en avoir extrait tout ce qui précede. L’auteur a donné une suite de cet ouvrage en 1760, dans laquelle on trouve encore d’autres tables de mortalité ; l’une d’après les registres d’une paroisse de campagne, & l’autre d’après les dénombremens faits en Suede. M. Dupré de S. Maur, de l’académie françoise, fait actuellement sur ce sujet de grandes recherches qu’il se propose, dit-on, de publier un jour ; & c’est d’après ces recherches déjà commencées depuis plusieurs années, que M. de Buffon nous a aussi donné une table de mortalité dans le III. vol. in-4o. de son Hist. naturelle, qui est entre les mains de tout le monde. C’est pour cela que nous ne transcrivons pas ici cette table. Voyez Mortalité & Arithmétique politique.

Vie morale, (Philosoph.) on appelle vie morale, celle qui s’étend avec gloire au-delà du tombeau.

La comparaison de la briéveté de cette vie mortelle, avec l’éternité d’une vie morale dans le souvenir des hommes, étoit familiere aux Romains, & a été chez eux la source des plus grandes actions. Le christianisme mal entendu, a contribué à faire perdre ce noble motif, si utile à la société. Il est pourtant vrai que l’idée de vivre glorieusement dans la mémoire de la postérité, est une chose qui flatte beaucoup dans le tems qu’on vit réellement. C’est une espece de consolation & de dédommagement de la mort naturelle à laquelle nous sommes tous condamnés. Ce ministre d’état, ce riche financier, ce seigneur de la cour, périront entierement lorsque la mort les enlevera. A peine se souviendra-t-on d’eux au bout de quelques mois ? A peine leur nom sera-t-il prononcé ? Un homme célebre au contraire, soit à la guere, soit dans la magistrature, soit dans les sciences & les beaux arts, n’est point oublié. Les grands du monde qui n’ont que leur grandeur pour apanage, ne vivent que peu d’années. Les grands écrivains du mon-

de au contraire, sont immortels ; leur substance est par conséquent bien supérieure à celle de toutes les créatures périssables. Quo mihi rectius videtur, dit Salluste, ingenii quam virium opibus glorium quærere, & quoniam vita ipsa qua fruimur brevis est, memoriam nostri quàm maxime longam efficere. Telle est aussi la pensée de Virgile.

Stat sua cuique dies : breve & irreparabile tempus
Omnibus est vitæ ; sed famam extendere factis,
Hoc virtutis opus !


(D. J.)

Vie, (Morale.) ce mot se prend en morale pour la vie civile & les devoirs de la société, pour les mœurs, pour la durée de notre existence, &c.

La vie civile est un commerce d’offices naturels, où le plus honnête homme met davantage ; en procurant le bonheur des autres, on assure le sien.

L’ordre des devoirs de la société est de savoir se conduire avec ses supérieurs, ses égaux, ses inférieurs ; il faut plaire à ses supérieurs sans bassesse ; montrer de l’estime & de l’amitié à ses égaux ; ne point faire sentir le poids de son rang ou de sa fortune à ses inférieurs.

Les mœurs douces, pures, honnêtes entretiennent la santé, donnent des nuits paisibles, & conduisent à la fin de la carriere par un sentier semé de fleurs.

La durée de notre existence est courte, il ne faut pas l’abréger par notre déréglement, ni l’empoisonner par les frayeurs de la superstition. Conduits par la raison, & tranquilles par nos vertus :


Attendons que la Parque
Tranche d’un coup de ciseau
Le fil du même fuseau,
Qui devide les jours du peuple & du monarque ;
Lors satisfaits du tems que nous aurons vécu,
Rendons graces à la nature,
Et remettons-lui sans murmure,
Ce que nous en avons reçu.

Quand l’ame n’est pas ébranlée par un grand nombre de sensations, elle s’envole avec moins de regret ; le corps reste sans mouvement, on jette de la terre dessus, & en voilà pour une éternité. (D. J.)

Vie privée des Romains, (Hist. romaine.) nous entendons par ce mot la vie commune que les particuliers au-dessus du peuple menoient à Rome pendant le cours de la journée. La vie privée de ce peuple a été un point un peu négligé par les compilateurs des antiquités romaines, tandis qu’ils ont beaucoup écrit sur tous les autres sujets.

Les mœurs des Romains ont changé avec leur fortune. Ils vivoient au commencement dans une grande simplicité. L’envie de dominer dans les patriciens, l’amour de l’indépendance dans les plébéiens occupa les Romains de grands objets sous la république ; mais dans les intervalles de tranquillité, ils se donnoient tout entiers à l’agriculture. Les illustres familles ont tiré leurs surnoms de la partie de la vie rustique qu’ils ont cultivée avec le plus de succès, & la coutume de faire son principal séjour à la campagne prit si fort le dessus, qu’on institua des officiers subalternes nommés viateurs, dont l’unique emploi étoit d’aller annoncer aux sénateurs les jours d’assemblée extraordinaire. La plûpart des citoyens ne venoient à la ville que pour leurs besoins & les affaires du gouvernement.

Leur commerce avec les Asiatiques corrompit dans la suite leurs mœurs, introduisit le luxe dans Rome, & les assujettit aux vices d’un peuple qu’ils venoient d’assujettir à leur empire. Quand la digue fut une fois rompue, on tomba dans des excès qui ne firent qu’augmenter avec le tems ; les esclaves fu-