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avoient établi une fabrique de fer-blanc qui méritoit beaucoup d’attention & de protection ; mais on l’a négligée, & elle ne subsiste plus. Long. 22. 30. latit. 45. 33.

Vienne déja célebre du tems de Jules César, connue de Strabon, de Pomponius Méla, de Ptolomée, de Velleius Paterculus, de Pline & de presque tous les historiens, n’est plus rien aujourd’hui. On prétend que Tibere y envoya une colonie nombreuse, que l’empereur Claude y établit une espece de sénat, qui étoit apparemment le prétoire du vicaire des Gaules, d’où elle prit le nom de sénatorienne que lui donnent quelques auteurs. On sait aussi que sous Dioclétien elle devint la métropole de cette partie des Gaules, qui de son nom fut appellée Gaule viennoise. Enfin les Romains l’avoient extrèmement embellie. Mais soit par les guerres, soit par le zele destructeur des premiers chrétiens, il n’y a point de ville dont les hommes aient moins respecté les monumens, & dans laquelle le bouleversement paroisse plus complet. On ne fouille guere la terre sans découvrir des richesses affligeantes par le peu d’instructions qu’on en retire, & Chorier lui-même en convient.

Le monument que l’on voit dans la plaine en sortant de la ville de Vienne pour aller en Provence, est le seul qui se soit en partie conservé ; il mérite l’attention des curieux par sa forme & par sa bâtisse. C’est une pyramide située entre le Rhône & le grand chemin ; l’architecture n’en est point correcte, mais la construction en est singuliere. Cette pyramide est élevée sur un massif construit solidement en grandes pierres dures de la qualité de celles qu’on tire aujourd’hui des carrieres du Bugey, sur les bords du Rhône. Cette fondation supporte un corps d’architecture quarrée, dont chaque angle est orné d’une colonne engagée, & chaque face est percée d’une arcade. Les murs couronnés d’un entablement peu correct, supportent la pyramide, dont la hauteur est d’environ quarante-deux piés ; mais on ne sait point en l’honneur de qui ce monument a été érigé.

Rufinus (Trebonius) qui florissoit sous l’empire de Trajan, naquit à Vienne, où il exerça le duumvirat. Pline le jeune en parle comme d’un homme très-distingué. Il abolit dans sa patrie les jeux où les athlètes s’exerçoient tous nuds à la lutte. On lui en fit un crime, & l’affaire fut portée à Rome devant l’empereur ; mais Rufin plaida sa cause avec autant de succés que d’éloquence.

Je connois entre les modernes nés à Vienne, Nicolas Chorier, avocat, mort l’an 1692, à 83 ans. On estime l’histoire générale du Dauphiné qu’il a publiée en deux volumes in-fol. Mais il n’a respecté ni le public ni lui-même, en composant & en publiant le livre infame, de arcanis amoris & Veneris, dont le prétendu original espagnol passe sous le nom d’Aloisia Sigaea. La vie de Chorier n’a que trop répondu aux maximes qu’il a débitées dans cet ouvrage également obscène & odieux.

Gentillet (Innocent) né dans la même ville au xvj. siecle, fit du bruit par l’ouvrage qu’il intitula le bureau du concile de Trente, auquel est montré qu’en plusieurs points icelui concile est contraire aux anciens conciles & canons, & à l’autorité du roi. Cet ouvrage parut l’an 1586 in-8°, & a été reimprimé plusieurs fois depuis.

La Faye (Jean-Elie Leriget de) naquit à Vienne l’an 1671, entra au service, & mourut capitaine aux gardes l’an 1718, âgé de 47 ans. Il s’étoit attaché à l’étude de la méchanique, & fut reçu à l’académie royale des Sciences en 1716. L’année suivante il lui donna deux mémoires imprimés dans le volume de 1717, & qui roulent sur la formation des pierres de Florence, tableaux naturels de plantes, de buissons,

quelquefois de clochers & de châteaux.

On peut regarder Hugues de Saint-Cher, dominiquain du xiij. siecle, comme né à Vienne ; car l’église collégiale qui lui est dédiée, est aux portes de cette ville, lieu de sa naissance. Il devint provincial de son ordre, fut nommé cardinal par Innocent IV. & mourut en 1263. Son principal ouvrage est une concordance de la bible, qui est la premiere que l’on ait ; & quoiqu’elle soit fort médiocre, on a cependant l’obligation à l’auteur d’avoir le premier imaginé le plan d’un ouvrage qu’on a perfectionné, & dont les théologiens ne peuvent se passer. (D. J.)

Vienne, la, (Géog. mod.) en latin Vingenna, riviere de France. Elle prend sa source aux confins du bas Limosin & de la Marche, traverse une partie du Poitou, sans y porter aucun avantage, n’est navigable qu’au-dessus de Châtelleraud, reçoit ensuite la Creuse dans son sein, & se jette dans la Loire, à Cande en Touraine. (D. J.)

Vienne, une, s. f. (terme de Fourbisseur.) espece de lame d’épée qu’on fait à Vienne en Dauphiné, & dont elle a retenu le nom ; les viennes ne sont pas si estimées que les olindes, parce qu’elles n’ont pas tant de vertu élastique, qu’elles ne sont pas si bien vuidées, & qu’elles restent dans le pli qu’on leur a donné ; mais aussi elles ne sont pas si sujettes à casser : il y a des gens qui à cause de cela préferent une vienne à une olinde, lorsqu’elle joint à une grande souplesse beaucoup de ressort. (D. J.)

VIENNOIS, le, (Géogr. mod.) pays de France, dans le Dauphiné, & qui prend son nom de Vienne sa capitale. Il est borné au nord par la Bresse & le Bugey, au midi par le Valentinois, au levant par la Savoie, & au couchant par le Rhône. Il comprend les bailliages particuliers de Vienne, de Grenoble, de Saint-Marcellin, & la jurisdiction de Romans. Le Viennois a eu autrefois des seigneurs particuliers qui possédoient le plat pays, & qui ont pris dans la suite le nom de dauphins. (D. J.)

VIENNOISE, (Etoffe.) cette étoffe nouvellement inventée differe du doubleté, en ce que le dessein contient des sujets plus grands, soit en feuilles, soit en fleurs. Le poil seul fait la figure de cette étoffe, parce qu’il n’y a que ce même poil qui soit passé dans le corps : ce qui fait qu’il faut qu’il soit ourdi relativement à la figure contenue dans le dessein. La chaine qui doit faire le corps de l’étoffe, est ourdie à l’ordinaire d’une quantité de 3200 fils, ce qui fait 40 portées simples ou doubles, suivant le degré de qualité que l’on veut donner à l’étoffe. Le poil est de 40 portées simples de différentes couleurs pour former des fleurs différentes. On passe deux fils à chaque maillon du corps, conséquemment il faut 1600 maillons pour contenir ces fils, qui sont disposés de façon que tous les deux fils de la chaine il s’en trouve deux de poil. Cette étoffe est ourdie également avec des fils de couleur, comme les taffetas rayés qui forment des bandes larges & étroites. Dans les bandes larges on fait serpenter une tige de fleurs & de feuilles larges d’une seule couleur, tandis que dans les petites raies le mélange des fils de poil différens forment de petits fleurons qui serpentent comme la tige des grandes fleurs. Or comme les fleurs & feuilles grandes ou petites ne sont passées dans aucune lisse, mais seulement dans le corps, & qu’elles ne sont composées que du poil, si une partie de fleur portoit un pouce, deux ou trois de hauteur, le poil qui la forme n’étant arrêté en aucune façon, badineroit sur l’étoffe, & formeroit une figure très-desagréable à l’endroit de l’étoffe, de même que le poil qui ne travailleroit pas par-dessous ou à-l’envers, parce que l’endroit ordinairement est dessus ; il faut que l’ouvrier ait le soin de faire tirer tous les huit ou dix coups tout le poil, qui par ce moyen se trouve lié dessous par le