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sont d’un verd-brun, il faut les rejetter.

On plante la vigne de plusieurs manieres. Les uns prennent une pioche ou une bèche, avec laquelle, le long d’un cordeau qu’ils ont tendu de la piece de terre qu’ils veulent mettre en vigne, ils font une raie de terre d’un bout à l’autre, & ensuite un autre en continuant jusqu’à ce que la terre soit toute tracée. Il suffit dans une terre seche & sablonneuse de donner à ces raies deux piés six pouces de distance ; mais dans une terre plus substancielle, ces raies doivent avoir entre elles plus de trois piés.

Ces raies étant faites, ils creusent un rayon d’un pié & demi en quarré, & autant en profondeur, & dont le côté droit a pour bornes à droite ligne la moitié de la raie, le long de laquelle on creuse le rayon. Cela fait, ils prennent deux crossettes ou deux marcotes, ils les posent en biaisant, l’une à un des coins du rayon, & l’autre à l’autre ; puis couvrant aussi-tôt ces crossettes, ils abattent dans le rayon la superficie de la terre voisine ; ce rayon n’est pas plutôt rempli qu’ils en commencent un autre, & continuent ainsi jusqu’à la fin. Cette maniere de planter s’appelle planter à l’angelot.

Pour avoir de bon plant enraciné, il suffit qu’il paroisse à chacun trois ou quatre racines. Si l’on veut que ce plant reprenne heureusement, il faut le planter avec tous les soins possibles ; mais on se sert plutôt de crossettes pour faire un grand plan de vigne que de marcottes. Il est des pays où ces crossettes sont appellés chapons, quand il y a du bois de l’année précédente, & poules quand il n’y a que du bois de l’année.

On a une autre maniere de planter la vigne, qu’on appelle planter au-bas ; voici comment elle se pratique. Après que le vigneron a trouvé son alignement, qui est ce qui le dirige & ce qu’il ne doit point perdre de vue, il creuse grossierement un trou de seize ou dix-sept pouces, qui se termine en se retrécissant dans le fond, & dont l’entaille du côté & le long de la raie est taillée avec art. Ce trou étant fait, on prend une crossette, on l’y met en biaisant ; puis mettant le pié dessus, on abat la terre dedans ce trou qu’on remplit grossierement, après cela on porte devant le pié qu’on avoit derriere ; puis creusant un autre trou, on y plante encore une autre crossette de même qu’on vient de le dire, ainsi du reste jusqu’à la fin de l’alignement, & jusqu’à ce que toute la piece de terre soit plantée.

On peut commencer à planter dès le mois de Novembre, principalement dans les terres légeres & sablonneuses. Pour les terres fortes, on ne commencera, si l’on veut, qu’à la fin de Février, & lorsque l’eau de ces terres sera un peu retirée.

Rien n’est plus aisé que de marcotter la vigne. Pour y réussir, il faut choisir une branche de vigne qui sorte directement de la souche avant que la vigne commence à pousser. On fait en terre un trou profond de treize à quatorze pouces, dans lequel on couche doucement cette branche sans l’éclater, de maniere que la plus grande partie étant enterrée, l’extremité d’en-haut en sorte de la longueur de quatre ou cinq pouces seulement. La partie qui est enterrée est celle qui prend racine ; lorsqu’on est assûré que la marcotte est enracinée, on la sépare de la souche, ce qui se fait au mois de Mars de l’année suivante. On se sert de marcottes pour planter ailleurs & garnir quelques places vuides, & on marcotte ordinairement les muscats, les chasselas & autres raisins curieux.

Il y a encore un autre moyen de multiplier la vigne qui se fait par les provins, c’est-à-dire en couchant le sep entier dans une fosse qu’on fait au pié ; puis on en choisit les sarmens les plus beaux qu’on épluche bien. On les place tout de suite le long du bord de

la fosse qui s’aligne aux autres seps. Cela fait, & tous ces sarmens étant bien couchés, on les couvre de terre, & on laisse passer l’extrémité environ à six ou huit pouces de haut. C’est par les bourgeons qui y sont qu’on voit le bon ou mauvais succès de son travail. On peut provigner la vigne depuis la S. Martin jusqu’au mois de Mai.

Soit que la vigne soit plantée de crossettes ou autrement, on ne lui laisse point manquer de façons ordinaires. On commence d’abord par la tailler. Rien n’est plus nécessaire & utile à la vigne que la taille ; sans elle le fruit que cette plante produiroit n’auroit pas la grosseur ni la qualité de celui dont la taille auroit été faite comme il faut. Voici ce qu’on peut observer sur la taille de la vigne.

Il faut d’abord en examiner le plus ou moins de force, afin de la tailler plus ou moins court. On doit charger les seps qui ont beaucoup de gros bois, c’est-à-dire, leur laisser deux corsons ou recours, ou vietes, comme on dit en certains pays. Il faut que cette charge ne cause point de confusion, & comme il faut que les seps vigoureux soient taillés de cette maniere, aussi doit-on laisser moins de coursons aux seps qui ont moins de force.

Quand on taille la vigne, il ne faut asseoir sa taille que sur les beaux sarmens qu’elle a poussés ; le tems de faire ce travail est le mois de Février, ou plutôt même si le tems le permet. La vigne doit être taillée quinze jours avant qu’elle commence à pousser.

Sous le mot de vigne, on entend ici celle qu’on cultive dans les jardins, ainsi que celles qu’on plante dans la campagne. Les premieres principalement, quand elles sont exposées au midi, veulent être taillées au plutôt. Il y a des vignerons qui commencent à tailler leurs vignes avant la fin de l’hiver. Ils laissent pour cela tout de leur longueur les sarmens sur lesquels ils veulent asseoir leur taille, sauf après l’hiver à les couper convenablement ; cette méthode avance leur travail.

Il faut quand on taille la vigne, laisser environ deux doigts de bois au-dessus du dernier bourgeon, & faire ensorte que l’entaille soit du côté opposé à ce bourgeon, de crainte que les larmes qui sortent par cette plaie ne la noient. On doit retrancher toutes les menues branches qui croisent sur un sep, elles n’y font qu’apporter de la confusion.

On doit en taillant la vigne ôter du pié les seps de bois qui lui sont inutiles, & que la paresse du vigneron y auroit laissé l’année précédente, dans le tems de l’ébourgeonnement. Lorsque le tronc d’une vigne est bien nettoyé, il est plus aisé à tailler que quand il ne l’est pas. Dans la plus grande partie de la Bourgogne on met en perches les vignes quand elles ont quatre ans, qui est ordinairement le tems qu’elles commencent à donner du fruit en abondance.

Lorsque la vigne ne fait que commencer à pousser, & qu’elle vient à geler en bourre, on peut espérer qu’elle pourra produire huit ou dix jours après (si l’air s’échauffe), quelques arrieres bourgeons, dans chacun desquels il y aura un ou deux raisins ; c’est pourquoi on se donnera bien de garde de couper d’abord le bois de cette vigne gelée, ni d’y donner aucun labour. Il n’y faudra toucher que lorsque le tems sera adouci.

Mais quand la vigne a été tout-à-fait gelée, & qu’il n’y a plus d’espérance qu’elle donne d’arrieres-bourgeons, il faut couper tout le bois ancien & nouveau, & ne laisser seulement que les souches. Cette opération renouvelle entierement une vigne ; si cependant la gelée vient fort tard, c’est-à-dire, depuis la fin de Mai jusqu’au 15 de Juin, on ne coupera aucun bois, parce que la saison étant pour lors avancée,