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la vigne ne manque pas de repousser quantité de nouveaux bourgeons, qui cependant ne donnent que du bois pour cette année.

La vigne étant taillée & échaladée, on songe à lui donner les labours qui lui conviennent, plus dans les terres fortes que dans les terres légeres, & selon l’usage du pays. Le premier labour dans les terres fortes se donne depuis la mi-Mars, jusqu’à la mi-Avril, lorsque la terre permet de le faire ; & dans les terres pierreuses & légeres, on donne ce premier labour 15 jours plus tard.

Le second labour, qu’on appelle biner, doit se donner par un beau tems, s’il est possible, & avant que la vigne soit en fleur, ou on attendra qu’elle soit tout-à-fait dehors. Le troisieme labour qu’on appelle rebiner ou tiercer, ne se doit donner que lorsque le verjus est tout formé, & des plus gros. Dans les vignes auxquelles on donne quatre labours, il faut commencer plutôt qu’on a dit à donner le premier, & suivre après, selon que la terre l’exigera, & que les mauvaises herbes pousseront.

Il y a des pays où l’on n’échalade les vignes qu’après le premier labour ; d’autres où cela se fait incontinent après la taille ; puis on baisse le sarment, c’est-à-dire, on attache le sarment à l’échalas en le courbant.

Il ne suffit pas de donner à la vigne tout le travail dont on vient de parler, il faut encore l’ébourgeonner, l’accoler, l’amender, & la rueller. Quand on fera l’ébourgeonnement, il faut abattre en pié tous les nouveaux bois qu’on juge pouvoir être préjudiciables au sep. Si le sep est jeune, & qu’il ait poussé fort peu sur la tête, on a lieu d’espérer que l’année suivante il y aura de gros bois ; c’est pourquoi il faut abattre toute la nouvelle production. Si le sep est vieux, il faut ôter tous les jets qui y sont, à la réserve de la plus belle branche qu’on laissera.

En Bourgogne, où les vignes sont en perches, on les ébourgeonne jusqu’au coude du sep, c’est-à-dire, jusqu’à l’endroit où nait le bois qui produit le fruit. Il ne faut pas manquer à la fin de Juin d’accoler les sarmens que la vigne a poussés ; si on ne les accoloit pas, le moindre vent qui dans la suite viendroit à souffler, les feroit presque tous casser, outre que cela causeroit de la confusion dans la vigne, & empêcheroit de la labourer.

Quand la vigne est accolée, on en coupe l’extrémité des sarmens à la hauteur de l’échalas. Ce travail est très-utile, puisqu’il empêche que la seve ne se consomme en pure perte.

Outre tous les travaux dont on vient de parler, & qu’on doit donner à la vigne, il est bon encore de l’amender, pour la faire pousser avec vigueur ; on l’amende avec du fumier. Un autre expédient qui n’est pas moins utile, est de terrer la vigne. Voyez Terrer.

C’est ordinairement depuis le mois de Novembre jusqu’en Février que ce travail se fait, tant que le tems permet qu’on puisse entrer dans les vignes. La nouvelle terre mise au pié des seps les fait pousser avec vigueur, à cause que le génie de la vigne étant toujours de prendre racine du côté de la superficie de la terre, il arrive qu’à mesure qu’elle en prend, la terre devient rare dessus, & s’épuise des sels qui doivent former son suc nourricier. On connoît qu’une vigne a besoin d’être terrée & fumée quand elle commence à jaunir, & qu’elle ne donne que de chetives productions.

Ce n’est pas tout, il faut avoir soin de provigner la vigne, c’est-à-dire, de la renouveller de tems en tems par de nouveaux provins, quand on y voit des places vuides. On sait qu’on nomme provins une branche de vigne qu’on couche & qu’on couvre de terre, afin qu’elle prenne racine, & donne des nouvelles souches.

Pour réussir à provigner la vigne, deux choses sont essentielles : premierement la bonne espece de raisin & le beau bois, sans quoi il vaut autant laisser les places vuides, que se servir pour les remplir d’un sep qui n’auroit pas ces deux avantages, ou qui manqueroit de l’une ou de l’autre.

Après le choix d’un sep tel qu’il est à souhaiter, on l’épluche de toutes les branches chifones qui ont pu y croître, & des vrilles qui y viennent ordinairement ; puis faisant une fosse en quarré, à commencer tout près le sep qu’on veut provigner, plus ou moins longue, selon que le permettent les branches de la vigne, ou selon qu’on veut que cette fosse s’étende, eu égard toujours à la longueur des branches & à la largeur du vuide qui est à remplir. Cette fosse étant creusée d’un pié & demi environ dans terre, on ébranle tout doucement le sep en le mettant du côté de la fosse, où il faut qu’il soit couché avec ses branches : cela se fait après plusieurs légeres secousses sans endommager les racines, non pas cependant sans quelque torture de la part du sep, qu’on courbe malgré lui.

Quand cette branche est couchée où on veut qu’elle soit, si c’est une vigne moyenne, on range dans cette fosse tellement les branches de ce sep, qu’elles regardent toujours à droite ligne les seps qui sont au-dessous & au-dessus d’elles : puis étant placées ainsi, soit en les ayant courbées pour les forcer de venir où on les desire, soit en les ayant mises comme d’elles-mêmes, on remplit le trou où elles sont de la superficie de la terre. Cela fait, on taille l’extrémité des branches à deux yeux au-dessus de la terre, puis on les laisse là jusqu’à ce qu’ils poussent. Tel ouvrage n’est pas celui d’un apprentif vigneron, puisque même les plus habiles tombent quelquefois dans l’inconvénient de perdre entierement leur sep, quelque précaution dont ils aient usé en faisant cette opération.

Dans les terres fortes, terres légeres ou pierreuses, les provins s’y peuvent faire depuis le mois de Novembre jusqu’au mois d’Avril. Dans les terres humides ils réussissent mieux, lorsqu’on ne les fait qu’au commencement du printems jusqu’à la fin d’Avril.

Si c’est dans un jardin qu’on plante la vigne, on n’y met guere que des raisins choisis & rares, comme les muscats, les chasselas, & autres ; quand on peut en avoir de beaux, bons & hâtifs, il faut planter au midi quelques marcottes contre le mur, entre quelques arbres fruitiers en maniere d’espalier, les tailler & cultiver.

Il convient d’observer pour avoir de bons muscats, qu’il ne faut pas les fumer, vu que l’engrais donne trop de vigueur à la vigne, & qu’elle produiroit le raisin plus verd & moins hâtif. On observe aussi de mettre plutôt en mur exposé au levant qu’au couchant les vignes qui viennent des pays étrangers, & dont les fruits ont peine à mûrir en France, parce qu’ils sont meilleurs, & qu’ils mûrissent plutôt que lorsqu’ils sont au midi ; pour la taille de ces vignes, on la fait après la saint Martin aussi-tôt que le fruit est cueilli.

Si on est curieux des raisins qui soient rares, on peut greffer la vigne en fente, ce qui se fait comme aux arbres, excepté qu’il faut mettre la greffe dans la terre, chercher le bel endroit du pié de la vigne, & le couper trois ou quatre pouces au-dessous de la superficie de la terre, afin que se collant à son pié, elle prenne en même tems racine du collet ; enfin pour avoir d’excellens raisins, il faut les greffer sur muscats, dont la seve est plus douce & plus relevée. Le bon tems de greffer la vigne, est lorsqu’elle est en seve. Si le pié de la vigne est gros, on peut y mettre deux greffes bord-à bord, & quand le pié est jeune,