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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 17.djvu/275

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& de l’église ancienne, de faire partie criminelle pour la doctrine de l’Ecriture ou pour questions procédantes d’icelle. Cela se montre premierement aux actes des apôtres, chap. xviij. & xix. où tels accusateurs sont déboutes & renvoyés aux églises, quand n’y a autre crime que questions de la religion. Pareillement, du tems de l’empereur Constantin le grand, où il y avoit grandes hérésies des Ariens, & accusations criminelles, tant du côté de Athanasius, que du côté de Arrius, ledit empereur, par son conseil, & conseil de toutes les églises, arresta que suyvant la ancienne doctrine, teles accusations n’aviont point de lieu, voyre quand on seroyt un hérétique comme estoyt Arrius. Mais que toutes leurs questions seriont décidées par les églises, & que cetila que seroit convencu ou condamné par icelles, si ne se voloyt réduire, par repentance, seroyt banni. La quiele punition a esté de touttemps observée en l’ancienne église contre les hérétiques, comme se preuve par mille aultres histoires & authorités des docteurs. Pourquoy, messeigneurs, suivant la doctrine des apôtres & disciples, qui ne permirent oncques tieles accusations, & suyvant la doctrine de l’ancienne église, en laquiele teles accusations ne estiont poynt admises, requiert ledict suppliant être mis dehors de la accusation criminelle.

» Secondement, messeigneurs, vous supplie considérer, que n’a point offensé en vostre terre ni ailleurs, n’a point été sédicieux ni perturbateur. Car les questions que lui tracte, sont difficiles, & seulement dirigées à gens sçavans, & que de tout le temps que a été en Allemagne, n’a jamais parlé de ces questions que à Oecolampadius, Bucerus, & Capito. Aussi en France n’en ha jamais parlé à home. En voltre que les Anabaptistes sédicieux contre les magistrats, & que voliont faire les choses communes, il les a toujours répreuvé & répreuve. Dont il conclut, que pour avoir sans sédicion aulcune, mises en-avant certaines questions des anciens docteurs de l’Eglise, que pour cela ne doyt aulcunement être detenu en accusation criminelle.

» Tiersemant, messeigneurs, pour ce qu’il est étranger, & ne sait les costumes de ce pays, ni comme il faut parler, & procede en jugement, vous supplie humblement lui donner un procureur, lequiel parle pour luy. Ce fesant, farez bien, & nôtre seigneur prospérera votre république : fait en votre cité de Genève, le 22 d’Aost 1553 ». Michel Servetus de Villeneufve en sa cause propre.

Sans discuter les faits que Servet allegue contre les lois pénales, & qui sont d’une grande force, il est certain qu’il avoit raison de se plaindre de ce qu’on l’avoit emprisonné à Genève ; il n’étoit point sujet de la république ; il n’avoit point violé les lois, & par conséquent messieurs de Genève n’avoient aucun droit sur lui : ce qu’il avoit fait ailleurs, n’étoit pas de leur ressort ; & ils ne pouvoient sans injustice arrêter un étranger qui passoit par leur ville, & qui s’y tenoit tranquille ; enfin, il étoit équitable d’accorder à un tel prisonnier un avocat pour défendre sa cause. On connoît les vers suivans & nouveaux d’un génevois sur les opinions de Servet, & la conduite du magistrat de Genève qui le fit brûler :

Servet eut tort, il fut un sot
D’oser dans un siecle falot
S’avouer anti-Trinitaire ;
Mais notre illustre atrabilaire
Eut tort d’employer le fagot
Pour convaincre son adversaire,
Et tort notre antique sénat
D’avoir prêté son ministere
A ce dangereux coup d’état.

Quelle barbare inconséquence ;
O malheureux siecle ignorant !
On condamnoit l’intolérance
Qui désoloit toute la France
Et l’on étoit intolérant.

Voici les ouvrages de Servet ; son Ptolomée parut à Lyon en 1535, en un volume in-folio ; il y a fait des corrections importantes dans la version de Pirckheymher, avec le secours des anciens manuscrits ; mais il n’a pas revu avec le même soin les descriptions qui accompagnent les cartes géographiques. Il donna une seconde édition de son Ptolomée en 1541 ; cette seconde édition qui est ensevelie dans l’oubli, a été imprimée à Vienne par Gaspard Trechsel, & l’auteur la dédia à Pierre Palmier, archevêque de cette ville, qui l’honoroit de sa protection ; cette seconde édition est magnifique, mais rare.

Il fit imprimer à Paris, syruporum universaratio, ad Galeni censuram diligenter exposita, &c. Michaele Villanovano autore, 1537. in-8°. Venise, 1545, & Lyon, 1546.

En 1542, il prit soin à Lyon de l’édition d’une bible imprimée par Hugues de la Porte, à la quelle il joignit des notes marginales, & mit une préface sous le nom de Villa Novanus. Cette bible est très rare, & a pour titre : Biblia sacra, ex sanctis Paguini translatione, sed & ad hebraïce linguæ amussim ita recognita, & scholiis illustrata, ut planè nova editio videri possit, Lugduni, 1542, in-fol. On voit dans la préface que Servet estimoit que les prophéties ont leur sens propre & direct dans l’histoire du tems où elles ont été prononcées, & qu’elles ne regardent Jesus-Christ, qu’autant que les faits historiques qui y sont marqués, figuroient les actions de notre Sauveur ; ou même que ces prophéties ne pouvoient s’appliquer à Jesus-Christ que dans un sens sublime & relevé. Il prétend aussi que le fameux oracle des lxx. semaines de Daniel, regarde Cyrus, ses successeurs, & Antiochus.

Servet avoit publié en 1531, un petit ouvrage sur la Trinité ; & l’année suivante, il en mit au jour un second sur la même matiere. Ces deux ouvrages se trouvent encore joints dans quelques exemplaires qui en restent ; le premier étoit intitulé : de Trinitatis erroribus, libri septem, per Michaelem Serveto, alias Reves, ab Aragonid Hispanum, année 1531. Il contient 119 feuillets in-8°. le lieu de l’impression n’est pas marqué ; mais on sait que c’est Haguenau. Cet ouvrage est fort rare, parce qu’on travailla partout à le supprimer, & qu’on en brûla quantité d’exemplaires à Franctort, & ailleurs. En recueillant ceux qui restent encore aujourd’hui dans les bibliotheques de l’Europe, je crois qu’on n’en trouveroit guere plus de douze.

En 1532, Servet fit imprimer à Haguenau son second traité contre la Trinité, sous ce titre : Dialogorum de Trinitate, libri duo ; de Justitiâ regni Christi, capitula quatuor, per Michaelem Serveto, alias Reves, ab Aragoniâ, Hispanum, 1532. Ce traité ne contient que six feuilles in-8°. il retracte dans l’avertissement plusieurs choses qu’il avoit dites dans son premier traité : ce n’est pas qu’il ait changé d’avis sur la doctrine de la Trinité ; mais c’est qu’il trouvoit son premier ouvrage très-imparfait : Non quia alia sunt, dit il, sed quia imperfecta… Quod autem ita barbarus, confusus, & incorrectus prior liber prodierit, imperitiæ meæ, & typographi incuria adscribendum sit. Cependant ceux qui ont vu ce second ouvrage, conviennent qu’il n’est pas mieux écrit, ni plus clair, ni plus méthodique que le premier. L’opinion de Servet, sur la doctrine de la Trinité, est obscure, mal digérée, peu intelligible, & fort différente de celle de Lælius Socin, & de ses disciples.

Son ouvrage intitulé, Christianismi restitutio, parut