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ment les vaisseaux qui les renfermoient, quoiqu’ils ne fussent qu’à demi-pleins. Il est aisé d’imaginer, après ce que nous avons dit au commencement de cet article, que la fermentation n’est arrêtée alors, que parce que l’air renfermé dans les vaisseaux à demi-pleins, perd trop de son élasticité par les vapeurs de la liqueur qui fermente, pour pouvoir en favoriser long-tems la fermentation. Ce qui est encore plus clair, si l’on fait attention à un fait rapporté par Hoffman, dissert. de nat. vini rhen. n°. 23. que le soufre & l’esprit-de-vin ne peuvent s’enflammer dans un air qui séjourne dans un tonneau, où il est corrompu & chargé des exhalaisons d’un vin éventé.

On ne s’attend pas que nous rapportions tous les usages pharmaceutiques du vin & de l’esprit-de vin ; on peut trouver une longue liste de ces usages dans la table des médicamens simples, qui est à la tête de la pharmacopée de Paris : nous nous arrêterons seulement aux usages diététiques de ces liqueurs.

On peut consulter sur ceux de l’esprit-de-vin, l’article Liqueurs spiritueuses, en observant toutefois que dans ces liqueurs, sans compter la correction du sucre, il est à peine par sa dilation en état d’eau-de-vie ; le kyrisch wasser cependant est presque un esprit-de-vin pur. Les liqueurs qu’on appelle laffia, rum, rach, &c. sont des esprits-de-vin ; tous les esprits ardens sont les mêmes lorsqu’ils sont bien dépurés, soit qu’on les retire du vin, du sarment, du sucre, &c. ainsi esprit-de-vin est synonyme à esprit ardent.

M. Hales explique la nature pernicieuse des liqueurs fortes distillées, parce qu’il a observé que la viande crue se durcit dans ces liqueurs ; effet, qu’il attribue à des sels caustiques & mal-faisans qui ont une polarité particuliere ; ne seroit-ce point, pour le dire en passant, à ces parties salines de l’esprit de-vin, qu’il faudroit attribuer l’augmentation de chaleur indiquée par le thermometre, qui résulte du mêlange de l’eau avec l’esprit-de-vin, suivant les observations de Boerhaave & de Schevenké ?

Vin, (Diete & Matiere médicale.) Hoffman a donné à la fin de sa dissertation de præst. vini rhen. in med. de détails très-instructifs sur l’utilité du vin dans plusieurs maladies. Il a enseigné même en plus d’un endroit à varier l’espece du vin, que l’on prescrit, suivant la nature des maladies qu’on a à traiter.

On sait que le vin étoit la panacée d’Asclépiade, & que cet enthousiaste aussi célebre qu’ignorant, ordonnoit également l’usage du vin aux phrénétiques pour les endormir, & aux léthargiques pour les réveiller ; quelque mépris que mérite Asclépiade, on ne peut qu’approuver un précepte que Galien nous a conserve de ce médecin, T. V. éd. gr. Bas. pag. 323. c’est de donner du vin pour dissiper les roideurs qui se font sentir après les grandes évacuations. C’étoit dans la même vue qu’Hippocrate conseilloit de boire du vin pour de tems-en-tems, & même avec quelque excês, pour se remettre d’une grande fatigue.

Dioscoride & Avicenne après Hippocrate, ont dit, qu’il étoit utile pour la santé de boire quelquefois jusqu’à s’enivrer ; il est assez naturel de penser, que pour affermir sa constitution, on pourroit se permettre, quoique rarement, des excès autant dans le boire que dans le manger, si l’on ne considéroit ces déréglemens que d’un coup d’œil philosophique ; la secte rigide des Stoïciens regardoit l’ivresse comme nécessaire pour remédier à l’abattement & aux chagrins, qui sont des maladies de l’ame.

L’usage du vin & des liqueurs spiritueuses est beaucoup plus salutaire dans les climats chauds, que dans les pays froids. On a fort bien remarqué à l’article Climat, que les paysans des provinces méridiona-

les, qui sont occupés des travaux les plus pénibles,

ne trempent point leurs vins en été, mais seulement en hiver ; ce qui est contraire à la théorie reçue, qui prétend que les pertes que le sang fait, doivent être réparées par une boisson aqueuse. Il me semble qu’une théorie mieux fondée démontreroit que c’est à la chaleur du climat & de la saison qu’est dûe la disposition que les corps & le sang sur-tout ont par leur mixtion même à se putréfier ; que la boisson abondante de l’eau ne peut être alors que très-dangereuse, entant qu’elle favorise la fermentation putride ; mais que cette fermentation est puissamment prévenue par l’acide du vin.

Divers auteurs anciens avoient écrit des traités entiers sur l’article de préparer & d’améliorer les vins. Pour ne pas rendre cet article trop long, nous n’avons rien dit des moyens qu’ils employoient ; mais on pourra s’en instruire en lisant Columelle, Pline, & les Géoponiques ; on y trouvera des pratiques singulieres, propres à fournir des vues utiles, & même à confirmer la théorie de la fermentation vineuse.

Vin, (Hist. des boissons spiritueuses.) suc tiré du raisin après la fermentation. La qualité propre du vin, quand on en use moderément, est de réparer les esprits animaux, de fortifier l’estomac, de purifier le sang, de favoriser la transpiration, & d’aider à toutes les fonctions du corps & de l’esprit ; ces effets salutaires se font plus ou moins sentir, selon le caractere propre de chaque vin. La consistance, la couleur, l’odeur, le goût, l’âge, la séve, le pays, l’année, apportent ici des différences notables.

Des qualités des vins en consistance, couleur, odeur, saveur, âge, séve. 1°. Quant à la consistance, le vin est ou gros ou délicat, ou entre les deux ; le gros vin contient peu de phlegme, & beaucoup de soufre grossier, de terre & de sel fixe ; en sorte que les principes qui le composent, sont portés avec moins de facilité au cerveau, & s’en dégagent avec plus de peine, quand ils y sont parvenus. Cette sorte de vins convient à ceux qui suent facilement, ou qui font un grand exercice ; à ceux que le jeûne épuise, & qui ont peine à supporter l’abstinence.

Le vin délicat renferme beaucoup de phlegme, peu de soufre, & quelques sels volatils ; ce qui le rend moins nourissant, mais plus capable de délayer les sucs, de se distribuer aux différentes parties du corps, & d’exciter les évacuations nécessaires ; c’est pourquoi il est propre aux convalescens, & à ceux dont les visceres sont embarrassés par des obstructions ; pourvu toutefois que ce vin n’ait point trop de pointe, comme il arrive à quelques-uns.

Le vin qui tient le milieu entre le gros & le délicat, n’est ni trop nourrissant, ni trop diurétique, & il convient à un très-grand nombre de personnes.

2°. Quant à la couleur, le vin est ou blanc ou rouge, & le rouge est ou paillet ou couvert.

Les vins blancs contiennent un tartre plus fin ; les rouges en ont un plus grossier ; les premiers sont plus actifs ; les seconds le sont moins, & nourrissent davantage : en un mot, les vins blancs picotent plus que les autres ; ce qui est cause qu’ils poussent par les urines ; mais ils peuvent à la longue incommoder l’estomac & les intestins, en les dépouillant trop de leur enduit.

Il y a des vins rouges qui tirent sur le noir ; ceux-là renferment plus de tartre que d’esprit ; ils sont astringens & plus capables de resserrer que d’ouvrir ; le vin paillet ou clairet, tient beaucoup du vin blanc ; mais il est moins fumeux & plus stomacal.

3°. A l’égard de l’odeur, les vins qui en ont une agréable, qui est ce qu’on appelle sentir la framboise, sont plus spiritueux que les autres ; ils réparent plus promptement les forces, & contribuent plus effica-