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qualité de compagnon, & qu’il ne prenne chef-d’œuvre des jurés, à la réserve des fils de maîtres, qui sont dispensés de ces formalités, & qui sont admis sur une simple expérience.

Les veuves jouissent de tous les privileges des maîtres, tant qu’elles sont en viduité, à l’exception des apprentifs qu’elles ne peuvent point obliger.

Les ouvrages & marchandises que les maîtres vinaigriers peuvent faire & vendre, exclusivement à tous les maîtres des autres communautés, sont les vinaigres de toutes sortes, le verjus, la moutarde & les lies seches & liquides. A l’égard des eaux-de-vie & esprit-de-vin qu’il leur est permis de distiller, elles leur sont communes avec les distillateurs, limonadiers & autres.

Vinaigrier, s. m. (Orfévrerie, Verrerie, &c.) c’est une sorte de petit vase de vermeil doré, d’argent, d’étain, de fayance, de crystal, &c. où l’on met du vinaigre qu’on sert sur table. Il est composé d’un corps, d’un couvercle, d’une anse, d’un biberon & d’un pié. (D. J.)

VINALES, s. f. pl. (Hist. anc.) fêtes très-célebres instituées par les anciens latins, & qu’on faisoit à Rome deux fois l’année en l’honneur de Jupiter, pour obtenir une vendange abondante.

La premiere se célébroit au commencement de Mai, & la seconde le 19 d’Août. Celle-ci s’appelloit vinalia rustica. Elle avoit été instituée à l’occasion de la guerre des Latins contre Mezence, dans le cours de laquelle ce peuple voua à Jupiter une libation de tout le vin qu’on recueilleroit cette année là. Comme au tems de la seconde on célébroit aussi à Rome la dédicace d’un temple de Vénus, quelques auteurs ont prétendu que les vinales se faisoient aussi en l’honneur de cette déesse ; mais Varron, liv. V. & Festus sur le mot rustica, distinguent ces deux cérémonies, & disent expressément que les vinales étoient un jour consacré à Jupiter & non à Vénus.

On prenoit grand soin de les célébrer dans tout le Latium. En certains endroits c’étoient les prêtres qui faisoient d’abord publiquement les vendanges. Le flamen dialis commençoit la vendange, & après avoir donné ordre qu’on recueillît le vin, il sacrifioit à Jupiter un agneau femelle. Dans le tems qui se passoit depuis que la victime étoit découpée, & que les entrailles étoient données au prêtre pour les poser sur l’autel, le flamen commençoit à recueillir le vin. Les lois sacrées tusculanes défendoient de voiturer du vin dans la ville avant qu’on eût observé toutes ces cérémonies. Enfin on ne goûtoit point de vin nouveau, qu’on n’en eût fait auparavant des libations à Jupiter.

VINASSE, s. f. (Arts.) terme d’arts ; on appelle vinasse une liqueur trouble qui provient d’un vin à demi-aigre, & en même tems privé de sa couleur & de son odeur spiritueuse ; cette liqueur trouble sert à la préparation du verd-de-gris. La vinasse récente distillée dans une cornue de verre au feu de sable, fournit un esprit ardent en moindre quantité que le vin, & un acide qui rougit assez promptement la teinture de violettes. La vinasse vieille, qui a servi à la préparation des rafles, pour faire du verd-de-gris, & qu’on rejette ensuite comme inutile, ne donne presque plus d’esprit ardent, & fournit un acide plus foible que la vinasse récente. (D. J.)

VINCENNES, (Géog. mod.) maison royale, dans l’île de France, à une lieue de Paris, du côté de l’orient, avec un parc qui a plus de 1400 arpens d’étendue, & qui est en face du château.

Vincennes est nommé Vicenæ, Vicena, Vicennæ par les écrivains du xij. siecle ; ensuite on a dit Vulceniæ ; l’étymologie de tous ces mots est inconnue. Les uns prétendent que ce séjour favori de Charles V. avoit été appellé Vicenæ, parce qu’il étoit éloigné de vingt

stades de Paris, quòd vicenis, seu viginti stadiis abessee ab urbe Lutetia. D’autres disent que Vincennes vient de la bonté de l’air qui rend la vie saine ; & comme quelqu’un pourroit croire que cette étymologie n’est qu’une froide allusion de quelque écrivain moderne, nous remarquerons que le nom vie-saine, au lieu de Vincenes, se trouve dans un abrégé manuscrit de l’histoire de France composé en 1498, & c’est le manuscrit de la bibliotheque du roi n°. 2154 in-4°.

Des l’an 1270, il y avoit à Vincennes une maison royale, manerium regale, bâtie vraissemblablement par Philippe Auguste. La tour de Vincennes fut commencée sous Philippe de Valois l’an 1337, & Charles V. l’acheva. François l. & Henri II. firent élever une autre tour vis-à-vis le donjon. Enfin Louis XIII. commença le nouveau bâtiment, qui ne fut achevé qu’au commencement du regne de Louis XIV. Le tout est composé de plusieurs tours quarrées, dont la plus haute appellée le donjon, destinée aux prisonniers d’état, a son fossé particulier & son pont-levis.

Quelques-uns de nos rois, Louis X. dit Huttin, Charles le bel, Charles V. & Charles IX. ont fini leurs jours au château de Vincennes.

Louis dit Huttin y mourut le 5 Juin 1316, soit de poison, soit pour avoir bu à la glace après s’être échauffé. Il ne regna que deux ans, étant parvenu à la couronne l’an 1314, âgé de 23 ou 25 ans (car on n’est pas d’accord sur cette date). Le mot hutin est un vieux mot qui signifie mutin & querelleur. Je ne sais pas pourquoi on donna cette épithéte à ce prince. Il fit une loi bien importante, & qui lui est glorieuse : il défendit, sous quelque prétexte que ce pût être, & sous la peine du quadruple & d’infamie, de troubler les laboureurs dans leurs travaux, de s’emparer de leur bien, de leurs personnes, de leurs instrumens de labourage, de leurs bœufs, &c.

Charles IV. dit le bel mourut aussi dans le château de Vincennes au mois de Février 1328, âgé de 33 ans, après six ans de regne. C’est le premier roi de France qui ait accordé les décimes au pape. Ce prince, dit du Tillet, a été sévere justicier, en gardant le droit à un chacun ; mais il n’eut jamais de talent pour les hautes entreprises, & de même que ses freres, sans avoir rien fait ni pour ses peuples, ni pour la gloire, il laissa l’état accablé de dettes.

Charles V. finit sa carriere le 16 Septembre 1380, au château de Beauté dans le bois de Vincennes, âgé de 44 ans, après seize ans de regne. On dit qu’il mourut d’un poison lent ; mais sa mauvaise constitution étoit le véritable poison qui le tua. Sa prudence ou sa dexterité lui fit donner le surnom de sage, & la valeur de du Guesclin fit réussir les armes de ce monarque. Son regne est une époque mémorable dans l’histoire des lettres. « Ce prince, dit Christine de Pisan, avoit été instruit en lettres moult suffisamment ». Ce fut vers son regne, selon Pasquier, que les chants royaux, balades, rondeaux & pastorales commencerent d’avoir cours ; c’est en effet à son tems que commence, pour ne plus s’interrompre, la chaîne de nos poëtes françois. Froissart faisoit des vers sous le regne de ce prince ; Charles d’Orléans, pere de Louis XII. nous a laissé un recueil manuscrït de ses poésies ; à sa mort François Villon avoit 33 ans, & Jean Marot, pere de Clément, étoit né. Henault.

Au reste on fait monter les trésors qu’amassa Charles V. jusqu’à la somme de dix sept millions de livres de son tems. Il est certain qu’il avoit prodigieusement accumulé, & que tout le fruit de son économie fut ravi & dissipé par son frere le duc d’Anjou, dans sa malheureuse expédition de Naples.

Charles IX. finit aussi ses jours au château de Vincennes le 30 Mai 1574, âgé de 24 ans. M. de Cipierre