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s’il en est besoin, réitérer plusieurs fois cette opération. Par ce moyen, chaque vitriol donnera des crystaux ou verds, ou bleus, ou blancs. Le vitriol martial sera en lozanges ou en rhomboïdes, dont les bords sont disposés en biseau ou en plans inclinés. Le vitriol bleu sera aussi en rhomboïdes, & la surface sera en dos d’âne. L’alun donne des crystaux hexagones à côtés inégaux. Le vitriol blanc donne des crystaux oblongs qui ont la forme d’une biere à enterrer les morts.

Toutes les fois qu’on dissout du vitriol martial, il se précipite au fond de la dissolution une terre jaune, qui est produite par la décomposition du fer qui est contenu dans ce sel. Cette terre jaune est ce qu’on appelle l’ochre factice ; si on la calcine, elle devient d’un rouge assez vif. On en fait le crayon rouge, & une couleur propre à servir aux peintres.

Le vitriol se calcine à l’air, & sur-tout au soleil, & s’y réduit en une poudre blanche, que l’on nomme vulgairement poudre de sympathie.

C’est par la distillation que l’on sépare du vitriol l’acide qui le constitue, & que l’on nomme acide vitriolique. Pour cet effet, on prend du vitriol calciné à blanc, soit au soleil, soit sur le feu ; on le met dans une cornue de grès bien lutée, que l’on place dans un fourneau de réverbere ; on y adapte un grand ballon percé d’un petit trou ; on lutte bien les jointures des vaisseaux ; on commence par donner d’abord un feu doux, de peur de briser les vaisseaux ; ensuite on donne un feu assez violent pour faire rougir la cornue que l’on tient dans cet état pendant trois jours & trois nuits. Par cette distillation on obtient d’abord une liqueur flegmatique, un peu acide, que l’on nomme quelquefois esprit de vitriol ; ensuite on obtient une liqueur pesante, qui est un acide, & que l’on a nommé très-improprement huile de vitriol, & qui est d’une couleur jaunâtre. Il reste dans la cornue une substance rouge, semblable à de la terre, que l’on nomme colcothar ; cette substance attire l’humidité de l’air, tant qu’elle contient quelques portions de l’acide, mais elle ne l’humecte point lorsqu’on en a chassé tout l’acide. En lavant ce colcothar, on en retire un sel blanc, que l’on nomme gilla vitrioli ; ce qui n’arrive que lorsque le vitriol, dont on s’est servi pour la distillation, contenoit de l’alun.

Si l’on veut concentrer & rendre plus actif l’acide vitriolique, ou ce qu’on appelle l’huile de vitriol, on n’aura qu’à la mettre dans une cornue de verre bien luttée, on la mettra dans un fourneau de réverbere, on y adaptera une alonge, au bout de laquelle on ajustera un ballon percé d’un petit trou. On aura soin de bien lutter les jointures des vaisseaux ; on commencera par donner un feu doux, & ensuite on le rendra assez fort pour faire bouillir l’acide vitriolique. Cette méthode est de M. Rouelle, qui est parvenu à obtenir un acide vitriolique très-concentré, & qui a le double du poids de l’eau. Pour cet effet, il prend du vitriol calciné jusqu’à rougeur ; il le met dans une cornue toute chaude, de peur qu’il n’attire l’humidité de l’air, & il distille à grand feu ; par ce moyen on obtient ce qu’on appelle huile glaciale de vitriol, c’est un acide aussi concentré qu’il est possible. L’acide vitriolique attire très-fortement l’humidité de l’air, & avec d’autant plus de force qu’il est plus concentré, & alors le mélange s’échauffe considérablement.

L’acide vitriolique dissout la craie ; & de leur combinaison, il résulte un sel que l’on nomme sélénite, qui exige, suivant M. Rouelle, trois cens soixante fois son poids d’eau pour être mis en dissolution. Voyez Sélénite.

L’acide vitriolique combiné avec un sel alkali fixe, produit un sel neutre, que l’on nomme tartre vitriolé : ce sel crystallise en hexagone, il ne se décom-

pose pas au plus grand feu, c’est un excellent purgatif.

En exposant de l’alkali fixe à l’air, il se forme un tartre vitriolé tout semblable.

Si on combine l’acide vitriolique avec un sel alkali volatil, on obtient un sel neutre, que l’on nomme sel ammoniacal secret de Glauber.

Cet acide combiné avec le principe inflammable, constitue le corps que l’on appelle soufre. Voyez Soufre.

En combinant l’acide vitriolique avec de l’huile essentielle de térébenthine, on produit une résine artificielle qui ressemble beaucoup à du bitume. Cet acide agit aussi sur les huiles tirées par expression.

L’acide vitriolique combiné avec l’esprit-de-vin bien déflegmé, donne l’acide vitriolique vineux volatil, connu sous le nom de liqueur éthérée de Frobenius ou d’éther. Voyez l’article Ether. On n’a rien à ajouter à ce qui a été dit dans cet article, sinon que M. le comte de Lauraguais a découvert depuis que l’éther est miscible avec l’eau ; mais pour qu’il y soit entierement mêlé, il faut joindre dix parties d’eau contre une d’éther.

L’acide vitriolique, sur-tout quand il est concentré, agit avec une très-grande force sur les substances animales & végétales qu’il décompose. Lorsqu’on en mêle avec une grande quantité d’eau & de sucre, on peut faire une espece de limonade très-agréable, & utile pour ceux qui font de longs voyages sur mer, & qui ne peuvent se procurer du citron. Cette liqueur est très-rafraîchissante, mais il faut observer de ne mettre que quelques gouttes de cet acide sur une pinte d’eau.

Les mémoires de l’académie royale de Suede nous apprennent un secret très-utile pour conserver les bois de charpente contre les vers, contre les injures de l’air & contre l’humidité ; il consiste à tremper ces bois dans une dissolution de vitriol faite dans l’eau ; lorsque le bois a été imprégné de vitriol à plusieurs reprises, on peut encore le couvrir de quelques couches de peinture à l’huile. On prétend que cette méthode est très-propre à conserver les bois pendant un très-grand nombre d’années ; elle seroit aussi applicable aux bois de construction pour les vaisseaux. (—)

VITRIOLIQUE, acide, (Chimie.) c’est de l’acide vitriolique que dérivent tous les autres, suivant le sentiment des chimistes qui ont voulu pénétrer par la théorie dans la connoissance des choses, lorsque l’expérience les abandonnoit. Quoiqu’ils le pensent, & qu’on soupçonne leur transmutation possible, on ne connoît aucun procédé par lequel on puisse produire les autres acides avec celui-ci.

Cet acide est le plus pesant de tous, répandu dans l’air ; il en a pris le nom d’universel. On le retire par la combustion du soufre, par la distillation & des procédés particuliers des sels neutres qu’il compose. Il dissout toutes les terres & métaux, si on excepte les vitrifiables & l’or. Il s’unit avec effervescence & chaleur à ces corps ; il fait de même en se mêlant à l’eau & à l’esprit-de-vin. Cette derniere liqueur le dulcifie, & le rend plus tempéré, plus astringent & moins rafraîchissant. Ce mélange distillé fournit la liqueur minérale anodine d’Hoffman, & l’éther. Ce même acide versé sur les huiles essentielles, les enflamme, & laisse après lui un charbon spongieux, appellé le champignon philosophique. Lorsqu’il est concentré, il attaque non-seulement les chaux & les verres métalliques, mais même le verre ordinaire, si on les fait bouillir ensemble. Ce qui nous fait croire qu’on pourroit décomposer le verre en versant dans une cornue du verre pulvérisé & cet acide, les soumettant à une violente distillation pour obtenir un tartre vitriolé ou un sel de Glauber, qui resteroient au fond de la cornue. Comme il a plus d’affi-