Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 17.djvu/37

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Vénus Uranie, (Mythologie.) ou la Vénus céleste, étoit fille du Ciel & de la Lumiere ; c’est elle, selon les anciens, qui animoit toute la nature.

Lucrece l’invoque au commencement de son ouvrage, & en fait un portrait qui contient toutes ses qualités.

Æneadum genitrix, hominum divûmque voluptas
Alma Venus, cœli subter labentia signa
Concelebras, per te queniam genus omne animantûm
Concipitur, visuque exortum lumina solis,
&c.

Cette Vénus Uranie n’inspiroit que des amours chastes, au-lieu que la Vénus terrestre présidoit aux plaisirs sensuels.

On voit à Cythere, dit Pausanias, un temple de Vénus Uranie, qui passe pour le plus ancien & le plus célebre de tous les temples que Vénus ait dans la Grece. Elle avoit à Elis un autre temple de sa statue d’or & d’ivoire, ouvrage de Phidias. On représentoit cette déesse ayant un pié sur une tortue pour remarquer la modestie qui lui étoit propre, car, selon Plutarque, la tortue étoit le symbole de la retraite. Les Perses, au rapport d’Hérodote, tenoient des Assyriens & des Arabes le culte qu’ils rendoient à Uranie, c’étoit la lune ; les Arabes l’adoroient sous le nom de Melitta, & leur Dyonisius étoit le soleil. (D. J.)

Vénus de Médicis, (Sculpt. antiq.) statue antique de marbre blanc, haute de cinq piés. Elle a pris son nom de Cosme de Médicis, qui fit l’acquisition de ce chef-d’œuvre de l’art.

C’est, disent les curieux qui l’ont vue dans le palais ducal de Florence, le plus beau corps & le plus bel ouvrage du monde. Cette incomparable statue a la tête un peu tournée vers l’épaule gauche ; elle porte la main droite au-devant de son sein, mais à quelque distance ; de l’autre main elle cache, & cependant sans y toucher, ce qui fait la distinction des deux sexes. Elle se panche doucement, & semble avancer le genou droit, afin de se cacher mieux s’il lui est possible. La pudeur & la modestie sont peintes sur son visage avec une douceur, un air de jeunesse, une beauté & une délicatesse inexprimables. Son bras rond & tendre s’unit insensiblement à sa belle main. Sa gorge est admirable, &, pour tout dire, si le vermillon & la voix ne manquoient à cette statue, ce seroit une parfaite imitation de la plus belle nature. (D. J.)

Vénus, fétes de, (Antiq. rom.) les fêtes de Vénus commençoient le premier jour du mois d’Avril, qui pour cela se nommoit mensis Veneris. Les jeunes filles faisoient des veillées pendant trois nuits consécutives ; elles se partageoient en plusieurs bandes, & l’on formoit dans chaque bande plusieurs chœurs. Le tems s’y passoit à danser & à chanter des hymnes en l’honneur de la déesse. Un ancien a dit en parlant de ces fêtes :

Jam tribus choros videres
      Feriatos noctibus
Congreges inter catervas
      Ire per saltus tuos,
Floreas inter coronas
      Myrteas inter casas.


« Vous verriez pendant trois nuits une aimable jeunesse, libre de tout autre soin, se partager en plusieurs bandes, y former des chœurs, se répandre dans vos bocages, se couronner de guirlandes de fleurs, s’assembler sous des cabanes ombragées de myrte ». Le même auteur y fait trouver aussi les graces & les nymphes : mais Horace semble avoir mis de la distinction dans les fonctions de toutes ces déesses. Les nymphes & les graces entrent dans les danses ; mais Vénus qui est, pour ainsi dire, la reine

du bal, ouvre la fête, forme l’assemblée, distribue la jeunesse en différens chœurs, & leur donne le mouvement, choros ducit. Les fleurs nouvelles, & sur-tout le myrte consacré à la déesse, y étoient employés. L’ancienne hymne en fait mention en plusieurs endroits.

Cras amorum copulatrix
     Inter umbras arborum
Implicat casas virentes
     E flagello myrteo.


« Demain Vénus doit réunir les amours. Elle dressera des tentes de verdure avec des branches de myrte.

Ipsa nympha diva lucos
     Jussit ire myrteos.


» Vénus assemble les nymphes dans les bosquets de myrte.

Floreas inter coronas,
     Myrteas inter casas.


» Parmi des guirlandes de fleurs, sous des cabanes ombragées de myrte ». Voilà comme on célébroit les fêtes de Vénus. (D. J.)

Vénus, (Art numismat.) les médailles nous présentent deux Vénus ; la céleste & celle Paphos. La Vénus céleste ou uranie, figure sur les médailles avec son astre, ou avec le soleil, dans une posture modeste ; l’inscription est Venus cœlestis. Les courtisanes qui vouloient contrefaire les sages, se défendoient par Vénus uranie ; mais c’est sous la figure de Venus paphienne que Julia, fille de Titus, & Faustine la jeune se trouvent représentées sur quelques-unes de nos médailles. Dans les médailles de cette espece, Vénus est dépeinte presque nue, appuyée sur une colonne, avec le casque, & les armes de Mars dans les mains. L’inscription porte Veneri victrici ou Veneri genitrici.

Il y a dans Athénée des vers de Philémon, comique grec, où il explique la raison qui porta Solon, à permettre des courtisanes à Athènes, & à faire bâtir un temple à Vénus la populaire, avec l’inscription Ἀφροδίτῃ τῇ πανδήμῳ ; ce n’est pas ncanmoins la seule mere des amours qui fut appellée du nom de πάνδημος ; le pere & le roi du ciel eut aussi cette épithete, mais dans un sens plus noble & plus digne d’un dieu. (D. J.)

Vénus, (Jeux de hasard des Romains.) les Latins nommoient aux osselets vénus ou venerius jactus le coup qui arrivoit quand toutes les faces des osselets étoient différentes. Ce coup déclaroit le roi du festin ; c’est pour cela qu’Horace dit, ode VII. lib. II.

Quem venus arbitrum
Dicet bibendi.

Voyons au sort celui que vénus établira roi de la table. Le même coup étoit appellé basilicus, coïes & suppus. (D. J.)

Vénus, pierre de, (Hist. nat.) gemma veneris, nom donné par quelques auteurs à l’améthyste. Voyez cet article.

Vénus, (Chimie.) les Chimistes ont souvent désigné le cuivre par le mot de vénus, c’est ainsi qu’on dit du vitriol de vénus, au-lieu de dire du vitriol cuivreux, &c. Voyez Cuivre.

Vénus, (Medecine.) le plaisir de vénus pris à propos ou à contre-tems, n’est point indifférent pour affermir ou pour détruire la santé ; car il est certain, par l’expérience, que la semence retenue cause dans le corps un engourdissement, & produit quelquefois des désordres terribles dans le système nerveux. D’ailleurs la semence doit être bien ménagée, étant la partie la plus subtile du sang. L’éjection de la semence demande un tempérament sain & vigoureux,