aucun remede, en est un grand témoignage. Les médecins s’aviserent enfin d’ouvrir le corps d’un malade, qui étoit mort de cette contagion, & ils lui trouverent dans la tête un petit ver vivant, tout rouge & fort court ; ils essayerent divers remedes sur ce ver, pour découvrir ce qui le pourroit tuer : tout fut inutile, excepté le vin de mauve, dans quoi on fit bouillir des raiforts ; on n’en eut pas plutôt jetté dessus que le ver mourut. On donna ensuite de ce remede à tous les autres malades, & ils échapperent presque tous.
Les rinaires ou nasicoles, s’engendrent dans la racine du nés. Ils sortent quelquefois d’eux-mêmes par les narines ; quelquefois ils font tomber en fureur les malades. Ceux qui ont lu Fernel, savent l’histoire de ce soldat, qui mourut le vingtieme jour de sa maladie, après être devenu furieux, & dans le nés duquel on trouva après sa mort deux vers velus, longs comme le doigt, qui s’y étoient engendrés. Ambroise Paré nous a donné la figure de ces vers. Kerkring, dans ses observat. anatomiq. donne encore la figure d’un ver velu & cornu, qui sortit du nés d’une femme à Amsterdam, le 21 Septembre 1668, & qu’il conserva vivant jusqu’au 3 Octobre, sans lui rien donner à manger. Il ajoute une chose remarquable, c’est que ce ver en produisit un autre avant que de mourir. Il sort aussi souvent par le nés des vers, qui n’ont point été engendrés dans cette partie, mais qui viennent des intestins, comme nous l’expliquerons après.
Les auriculaires s’engendrent dans les oreilles. Qu’il y en ait, c’est un fait dont l’expérience ne permet pas de douter, & dont M. Andry dit avoir vu plusieurs exemples. Une jeune fille âgée de dix ans, & malade d’écrouelles, avoit une douleur violente à l’oreille droite ; cette partie suppuroit de tems-en-tems, & quelquefois devenoit sourde. M. Andry y employa divers remedes, dont le peu de succès lui fit soupçonner qu’il y avoit des vers. L’événement justifia son soupçon ; car y ayant fait appliquer un onguent, qu’il fit composer à ce dessein, il en sortit un fort grand nombre de vers extrémement petits, dont plusieurs étoient vivans.
Ces vers étoient jaunes, un peu longs, & si menus, que sans la grande quantité qui les faisoit remarquer, à peine auroit-il pu les distinguer. Tharantanus dit avoir vu sortir de l’oreille d’un jeune homme malade d’une fievre aiguë, deux ou trois vers qui ressembloient à des graines de pin. Panarolus parle d’un malade, qui après avoir été tourmenté d’une violente douleur dans l’oreille, rendit par cette partie, ensuite d’une injection qui y fut faite avec du lait de femme, plusieurs vers semblables à des mites de fromage, après quoi la douleur cessa. Kerkring donne encore la figure de cinq vers, qu’un homme rendit par l’oreille, en 1663, dans un bourg nommé Quadich, lesquels sont faits comme des cloportes, si ce n’est qu’ils n’ont que dix piés.
Les dentaires qui s’engendrent aux dents, se forment d’ordinaire sous une croute amassée sur les dents par la malpropreté ; ce ver est extrèmement petit, & a une tête ronde, marquée d’un point noir, le reste du corps long & menu, à-peu-près comme ceux du vinaigre ; ce que M. Andry a observé par le microscope dans de petites écailles qu’un arracheur de dents enleva de dessus les dents d’une dame, en les lui nettoyant. Il n’y avoit presque point de ces écailles qui fût sans quelques vers. Ces vers rongent les dents peu-à-peu, y causent de la puanteur, mais ne font pas sentir de grandes douleurs ; car c’est une erreur de s’imaginer que les violens maux de dents soient causés par les vers.
Les pulmonaires. Ces vers qui se forment dans les poumons sont rares, mais cependant il s’en trouve ; & Fernel dit en avoir vu des exemples. Ce qu’il y a
de certain, c’est que des malades en ont jetté quelquefois en toussant, qui étoient tellement enveloppés dans des crachats, qu’on ne pouvoit douter qu’ils vinssent d’ailleurs que de la poitrine, comme le remarque Brassavolus. De ces vers les uns ressemblent à des moucherons, d’autres sont faits comme des pignons, & d’autres comme de petites punaises.
Les hépatiques. Ils se trouvent dans le foie ; mais tous les médecins ne conviennent pas qu’ils s’y forment, parce que la bile du foie doit empêcher les vers de s’engendrer dans cette partie. Cependant comme le foie est sujet à des hydropisies dans lesquelles il est souvent plus plein d’eau que de fiel, il n’est pas impossible qu’il ne s’y engendre alors des vers, & ce n’est guere aussi que dans ces occasions qu’il est arrivé d’y en trouver.
Les cardiaires. Il y en a de deux sortes ; les cardiaires proprement dits, & les péricardiaires. Les premiers sont dans le cœur, & les autres dans le péricarde. Il y a eu des pestes où l’on trouvoit de ces vers dans la plûpart des corps qu’on ouvroit. Ils causent de grandes douleurs, & quelquefois des morts subites. Sphererius rapporte qu’un gentilhomme de Florence s’entretenant un jour avec un étranger dans le palais du grand-duc de Toscane, tomba mort tout-d’un-coup ; que comme on craignit qu’il n’eut été empoisonné, on l’ouvrit, & on lui trouva un ver vivant dans la capsule du cœur. On demandera peut-être comment il peut y avoir des vers dans une partie qui est dans un si grand mouvement que le cœur ; mais il suffit de faire reflexion à la structure de ce muscle, pour connoître que cela est très-facile. On sait qu’à la base du cœur sont deux cavités faites en cul-de sac, l’une à droite, l’autre à gauche, que l’on appelle les ventricules ; que ces ventricules sont remplis de petites colonnes charnues produites par les fibres droites du cœur, & ont plusieurs enfoncemens, & plusieurs petites fentes qui rendent la surface interne de ces mêmes ventricules rude & inégale. Or c’est dans ces inégalités que ces vers sont retenus, non-obstant le mouvement continuel du sang qui entre & qui sort.
Les sanguins. Ils se trouvent dans le sang, & sortent quelquefois par les saignées, comme l’assurent Rhodius, Riolens, Ettmuller, avec plusieurs autres auteurs. M. Andry dit aussi qu’il l’a vu arriver en deux occasions ; il rapporte que M. de Saint-Martin, fameux chirurgien à Paris, lui a attesté que saignant un malade, & le sang s’étant arrêté tout-à-coup, il remarqua, en écartant les levres de l’ouverture, un corps étranger, qui en bouchoit le passage ; qu’il fit faire aussi-tôt un léger détour au bras, & qu’en même tems il vit sortir avec le sang qui s’élança violemment, un ver cornu de la longueur d’un perce-oreille. M. Daval, docteur de la faculté de médecine de Paris, a aussi dit à M. Andry avoir vu plusieurs fois des vers sortir par les saignées. Les vers qui s’engendrent dans le sang, ne sont pas toujours de même figure ; cependant ceux qu’on y trouve le plus ordinairement, se ressemblent assez, & la maniere dont ils sont faits mérite bien d’être remarquée. Leur corps est figuré comme une feuille de mirthe, & tout parsemé de filamens semblables à ceux qu’on remarque sur les feuilles naissantes des arbres ; ils ont sur la tête une espece d’évent, comme en ont les baleines, par lequel ils rejettent le sang dont ils se sont gorgés. Ces même vers se remarquent dans le sang des autres animaux ; & pour les voir il faut prendre des foies de veaux ou de bœufs, tout récemment tirés des corps, les couper en petits morceaux, puis les jetter dans de l’eau & les y bien broyer avec la main ; on en verra sortir alors avec le sang, plusieurs vers, qui auront un mouvement fort sensible, si ces foies sont bien frais. Ces sortes de vers sont connus aux paysans