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du Languédoc, qui les appellent valberes, du nom d’une herbe qui passe chez eux pour produire dans le corps beaucoup de vermine. Voyez Borel, observ. de phys. & de médec. Il est à remarquer que ces vers sont blancs, & non rouges ; ce qui paroît d’abord extraordinaire, puisqu’ils semble qu’ils devroient être de la couleur du sang, mais ce qui les rend blancs, est qu’ils se nourrissent de chyle, & non de sang ; car quoique le sang paroisse tout rouge, il est rempli d’une infinité de parties blanches & chyleuses, qui n’ont pas encore eu le tems de se changer en sang : or ce sont sans doute ces petites parties dont les vers se nourrissent.

Les vesiculaires. Ils se trouvent dans la vessie & dans les reins, & sortent avec l’urine. Il y en a de plusieurs figures différentes. Tulpius parle d’un ver qui fut rendu par la vessie, lequel étoit long & rond comme ceux des intestins, & rouge comme du sang. Il y en a d’autres où l’on découvre un nombre presque innombrable de piés, une queue pointue, marquée d’un point noir au bout, & une tête large, avec deux petites éminences aux deux côtés, le dessus du corps rond & lisse, & le ventre raboteux. Un médecin d’Amsterdam, dont parle Tulpius, en jetta douze de cette sorte en urinant, leur figure ressembloit à celle des cloportes. Louis Duret, après une longue maladie, en rendit par les urines de semblables, comme le rapporte Ambroise Paré. On en voit d’autres qui n’ont que six piés, trois de chaque côté vers la tête, & qui du reste sont tout blancs & assez semblables à des mites de fromage. Il y en a d’autres qui ressemblent à des sangsues, à cela près qu’ils ont deux têtes comme les chenilles, l’une à un bout, l’autre à l’autre. Ces vers vivent quelquefois assez long tems après être sortis, pourvu qu’on les tienne dans de l’eau tiede, comme on fit celui dont parle Balduinus Ronseus, lequel fut conservé vivant plus de sept mois par ce moyen. Il y en a d’autres qui sont faits comme des especes de sauterelles. Le comte Charles de Mansfeld, malade d’une fievre continue à l’hôtel de Guise, en jetta par les urines un semblable. Il y a des personnes en santé dont les urines sont toutes pleines de vers.

Les spermatiques : ils existent dans la semence ; mais il ne faut pas les confondre avec les destructeurs de notre corps, puisqu’ils sont au contraire les principes de nos semblables & le germe de la propagation. Voyez Génération.

Les helcophages : ils naissent dans les ulceres, dans les tumeurs, dans les apostumes. Les grains de la petite verole en sont quelquefois tout remplis. Les charbons, les bubons pestilentiels en contiennent un grand nombre ; les chairs gangrenées en sont toutes pleines. Hauptman rapporte qu’un de ces vers ayant été mis sur du papier, après avoir été tiré d’une partie gangrenée, en produisit sur le champ cinquante autres, ainsi qu’on le remarqua par le microscope. Ambroise Paré parle d’un ver velu qui avoit deux yeux & deux cornes avec une petite queue fourchue, lequel fut trouvé dans une apostume à la cuisse d’un jeune homme. Le fameux Jacques Guillemeau tira lui-même ce ver, & le donna à Ambroise Paré, qui le conserva vivant plus d’un mois, sans lui rien donner à manger.

Les cutanés : ils naissent sous la peau entre cuir & chair. Il y en a de plusieurs sortes : les principaux sont les crinons, les cirons, les bouviers, les soies & les toms. Les crinons sont ainsi appellés, parce que quand ils sortent, ils ressemblent à de petits pelotons de crin. Ces vers viennent aux bras, aux jambes, & principalement au dos des petits enfans, & font sécher leur corps de maigreur, en consumant le suc qui est porté aux parties. Divers modernes font mention de ces vers qui ont été inconnus aux an-

ciens. Etmuller en a donné une description étendue

& des figures exactes. Ces vers, selon qu’ils paroissent dans le microscope, ont de grandes queues, & le corps gros. Les crinons n’attaquent guere que les enfans à la mamelle. Ils s’engendrent d’une humeur excrémenteuse arrêtée dans les pores de la peau, & qui est assez ordinaire à cet âge. Le ciron est un ver qui passe pour le plus petit des animaux, & on le nomme ainsi, parce que la cire est sujette à être mangée de cet animal, quand elle est vieille. Le ciron se traîne sous la peau, qu’il ronge peu-à-peu ; il y cause de grandes démangeaisons & de petites ampoules, sous lesquelles on le trouve caché quand on le pique. On a découvert par le microscope toutes les parties du ciron ; il a six piés placés deux-à-deux près de la tête, avec lequel il fait de longs sillons sous la peau. Ce ver a été connu des anciens, & Aristote en parle Hist. anim. l. V. c. xxxj. Les bouviers sont ainsi nommés, parce que les bœufs y sont quelquefois sujets. Ces vers se traînent sous la peau comme les cirons ; mais ils sont plus gros, & causent des démangeaisons presque universelles. Ils sortent souvent d’eux-mêmes, & percent la peau en divers endroits. La maladie qu’il cause, s’appelle passio bovina ; elle a besoin d’un prompt secours, sans quoi il en peut arriver de fâcheux accidens.

Les soies sont des vers qui ne se voient point dans ces pays, mais qui sont communs dans l’Ethiopie & dans les Indes : ils ressemblent à de petits cordons de soie torse, & naissent ordinairement dans les jambes & aux cuisses. Ils sont d’une longueur extraordinaire, les uns ayant une aune, les autres deux, les autres trois, & quelquefois quatre. Les negres d’Afrique y sont fort sujets, & les Américains contractent cette maladie par la contagion des negres qu’ils fréquentent : elle se communique même souvent à ceux qui ne sont ni américains, ni africains. Ces vers causent des douleurs de tête & des vomissemens ; mais quand on en est délivré, on se porte bien. Lorsqu’ils sont en état d’être tirés, on le connoît par une petite apostume, qui se forme à l’endroit où aboutit une des extrémités du ver ; on perce alors cette apostume, & puis on prend un petit morceau de bois rond, long de la moitié du doigt & fort menu, auquel on tortille d’abord ce qui se présente, ensuite on tourne ce bois comme une bobine, & le corps du ver se roule à l’entour comme du fil qu’on devideroit. On s’y prend de la sorte de peur de le rompre, parce que ce ver est fort délié, & qu’il y a du danger à ne le pas tirer en entier ; car la partie qui reste, cause des fievres dangereuses. Ce ver a deux têtes, l’une à un bout, l’autre à l’autre, comme certaines chenilles ; & ce qui est remarquable, c’est qu’il y a toujours une de ces deux têtes qui est comme morte, tandis que l’autre paroît vivante. Il vient à la cuisse des chardonnerets un ver presque semblable. Spigelius dit en avoir vu un à la cuisse d’un de ces oiseaux, lequel avoit un pié de long. Cette étendue paroît incroyable ; mais la maniere dont le ver étoit situé doit ôter tout étonnement, savoir en zig-zag. C’est ainsi que Spigelius l’a remarqué, & c’est à-peu-près de la même maniere que sont disposés ceux qui viennent aux jambes des Ethiopiens. Celui des chardonnerets est mince, comme une petite corde de luth : lorsqu’il est parfait & qu’il commence à se mouvoir, il perce la peau, & sort quelquefois de lui-même ; le plus souvent l’oiseau le tire avec son bec. Enfin les toms sont de petits vers qui viennent aux piés, où ils causent des tumeurs douloureuses, grosses comme des feves. On n’en voit que dans cette partie de l’Amérique, qui est aux Indes occidentales. Thevet rapporte, dans son histoire de l’Amérique, que lorsque les Espagnols furent dans ce pays-là, ils devinrent fort malades de ces sortes de vers par plusieurs tu-