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routine malheureusement encore trop suivie fait si souvent réitérer, au point que dans la plûpart des fievres aiguës on purge tous les deux jours. Le dévoiement est, comme on a pu le remarquer, une excrétion très-désavantageuse dans les extinctions de voix.

Aux trois dérangemens de voix que nous avons parcourus, il me semble qu’on en pourroit ajouter un quatrieme, savoir l’augmentation de la voix. J’ai souvent observé que les malades qui étoient sur le point de délirer, ou qui étoient même déja dans un délire obscur, avoient la voix grosse, brusque, plus ferme & plus nette, &, si je puis ainsi parler, plus arrondie. (m)

Voix maladies de la, (Médec.) l’air reçu dans les poumons, & qui en est chassé par la compression de la poitrine, venant à passer par la fente du larynx légérement rétrécie, rend un son, qui ensuite par la modulation de la langue & des autres parties de la bouche, forme la voix ; mais comme plusieurs choses concourent à cette formation, savoir la poitrine, le diaphragme, le poumon, le larynx, le gosier, la luette, le palais, la langue & la mucosité qui enduit ces parties ; comme toutes sont sujettes à grand nombre de maladies aiguës & chroniques, il ne s’agit pas ici de les rapporter, mais seulement de parcourir les principaux accidens de la voix en général ; ceux qui viennent de naissance, sont incurables.

Dans les maladies inflammatoires, lorsque la voix vient à manquer, qu’elle est foible, aiguë (ce qui désigne ou la débilité des forces, ou bien une métastase sur les organes de la voix, & quelquefois une constriction spasmodique), c’est toujours un mauvais présage.

Quand ces accidens arrivent dans les maladies chroniques, la convulsion, la passion hystérique, la mobilité des esprits, c’est une marque d’un resserrement spasmodique, qu’il faut traiter par les remedes opposés aux causes.

Dans les pituiteux, les hydropiques, les maladies soporeuses, les apoplectiques, dans l’engourdissement & la catalepsie, le défaut de voix tire son origine de la surabondance ou vices de la pituite, ou de la compression du cerveau ; cet accident présage tantôt la longueur, tantôt le danger de la maladie ; il faut employer dans le traitement, les résolutifs externes & les dérivatifs.

Si la voix se supprime dans la céphalalgie, le délire, la phrénésie, comme cette suppression marque l’affaissement du cerveau, le péril est encore plus grand ; cependant on ne doit pas recourir à un traitement palliatif, c’est le mal même qu’il faut guérir.

Lorsque la voix est supprimée dans la péripneumonie, la pleurésie, l’empyème, l’hydropisie de poitrine, l’asthme humoral, c’est un symptome dangereux, parce qu’il doit sa naissance à la réplétion ou à l’oppression du poumon. Il faut en chercher le remede dans l’évacuation ou la dérivation de cette matiere dont le poumon est abreuvé.

L’enflure inflammatoire, érésipélateuse, œdémateuse, catharreuse du palais, de la luette, de la langue, du larynx, suivie de la suppression de la voix, comme les aphthes & les croûtes varioliques, n’exige pas seulement les remedes généraux propres à ces maladies, mais en outre l’application des topiques internes au gosier & externes sur le col, de même que dans les angines. (D. J.)

Voix, s. f. en Musique. La voix d’un homme est la collection de tous les sons qu’il peut tirer, en chantant, de son organe ; ainsi on doit appliquer à la voix tout ce que nous avons dit du son en général. Voyez Son.

On peut considérer la voix selon différentes qualités. Voix forte, est celle dont les sons sont forts & bruyans : grande voix, est celle qui a beaucoup d’étendue : une belle voix, est celle dont les sons sont

nets, justes & harmonieux. Il y a dans tout cela des mesures communes dont les voix ordinaires ne s’écartent pas beaucoup. Par exemple, j’ai trouvé que généralement l’étendue d’une voix médiocre qui chante sans s’efforcer, est d’une tierce par-dessus l’octave, c’est-à-dire, d’une dixieme.

Des voix de même étendue n’auront pas pour cela le même diapason, mais l’une sera plus haute, l’autre plus basse, selon le caractere particulier de chaque voix.

A cet égard, on distingue génériquement les voix en deux classes, sçavoir ; voix aiguës ou féminines, & voix graves ou masculines, & l’on a trouvé que la différence générale des unes & des autres, étoit à-peu-près d’une octave, ce qui fait que les voix aiguës chantent réellement à l’octave des voix graves, quand elles paroissent chanter à leur unisson.

Les voix graves sont celles qui sont ordinaires aux hommes faits ; les voix aiguës sont celles des femmes ; les eunuques & les enfans ont aussi à-peu-près le diapason des voix féminines. Les hommes même en peuvent approcher en chantant le fausset ; mais de toutes ces voix aiguës, je ne crains point de dire, malgré la prévention des Italiens, qu’il n’y en a nulle d’espece comparable à celle des femmes, ni pour l’étendue, ni pour la beauté du timbre ; la voix des enfans a peu de consistance, & n’a point de bas ; celle des eunuques n’est supportable non plus que dans le haut ; & pour le fausset, c’est le plus désagréable de tous les timbres de la voix humaine. Pour bien juger de cela, il suffit d’écouter les chœurs du concert spirituel de Paris, & d’en comparer les dessus avec ceux de l’opéra.

Tous ces diapasons différens réunis forment une étendue génerale d’à-peu-près trois octaves qu’on a divisées en quatre parties, dont trois appellées haute-contre, taille & basse appartiennent aux voix masculines, & la quatrieme seulement qu’on appelle dessus est assignée aux voix aiguës, sur quoi se trouvent plusieurs remarques à faire.

1°. Selon la portée des voix ordinaires qu’on peut fixer à-peu-près à une dixieme majeure, en mettant deux tons d’intervalles entre chaque espece de voix, & celle qui la suit, ce qui est toute la différence réelle qui s’y trouve ; le système général des voix qu’on fait passer trois octaves ne devroit renfermer que deux octaves & deux tons ; c’étoit en effet à cette étendue générale que se bornerent les quatre parties de la musique, long-tems après l’invention du contre point, comme on le voit dans les compositions du quatorzieme siecle, où la même clé sur quatre positions successives de ligne en ligne sert pour la basse qu’ils appelloient tenor, pour la taille qu’ils appelloient contra-tenor, pour la haute-contre qu’ils appelloient motetus, & pour le dessus qu’ils appelloient triplum, comme je l’ai découvert dans l’examen des manuscrits de ce tems-là. Cette distribution devoit rendre à la vérité la composition plus difficile, mais en même tems l’harmonie plus serrée & plus agréable.

2°. Pour pousser le système vocal à l’étendue de trois octaves avec la gradation dont je viens de parler, il faudroit six parties au-lieu de quatre, & rien ne seroit si naturel que cette division, non par rapport à l’harmonie qui ne comporte pas tant de sons différens, mais par rapport à la nature des voix qui sont actuellement assez mal distribuées. En effet, pourquoi trois parties dans les voix d’hommes, & une seule dans les voix de femmes ; si l’universalité de celles-ci renferme une aussi grande étendue que l’universalité des autres ? Qu’on mesure l’intervalle des sons les plus aigus des plus aiguës voix de femmes aux sons les plus graves des voix de femmes les plus graves ; qu’on fasse la même chose pour les voix d’hommes ; je m’assure