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que non-seulement on n’y trouvera pas une différence suffisante pour établir trois parties d’un côté, & une seule de l’autre, mais même que cette différence, si elle existe, se réduira à très-peu de chose. Pour juger sainement de cela, il ne faut pas se borner à l’examen des choses qui sont sous nos yeux ; mais il faut considérer que l’usage contribue beaucoup à former les voix sur le caractere qu’on veut leur donner : en France où l’on veut des basses & des hautes-contres, & où l’on ne fait aucun cas des bas-dessus, les voix d’hommes s’appliquent à différens caracteres, & les voix de femmes à un seul ; mais en Italie où l’on fait autant de cas d’un beau bas-dessus que de la voix la plus aiguë, il se trouve parmi les femmes de très-belles voix graves qu’ils appellent contr’alti, & de très-belles voix aiguës qu’ils appellent soprani ; mais en voix d’hommes récitantes ils n’ont que des tenori ; de sorte que s’il n’y a qu’un caractere de voix de femmes dans nos opéra, il n’y a dans les leurs qu’un caractere de voix d’hommes. A l’égard des chœurs, si généralement les parties en sont distribuées en Italie comme en France, c’est un usage universel mais arbitraire qui n’a point de fondement naturel. D’ailleurs n’admire-t-on pas en plusieurs lieux, & singulierement à Venise, des musiques à grand chœur exécutées uniquement par des jeunes filles ?

3°. Le trop grand éloignement des parties entre elles qui leur fait à toutes excéder leur portée, oblige souvent d’en diviser plusieurs en deux ; c’est ainsi qu’on divise les basses en basses-contres, basse-tailles, les tailles en hautes-tailles & concordans, les dessus en premiers & seconds ; mais dans tout cela on n’apperçoit rien de fixe, rien de déterminé par les regles. L’esprit général des compositeurs est toujours de faire crier toutes les voix, au-lieu de les faire chanter. C’est pour cela qu’on paroît se borner aujourd’hui aux basses & haute-contres. A l’égard de la taille, partie si naturelle à l’homme qu’on l’a appellée voix humaine par excellence, elle est déja bannie de nos opéra où l’on ne veut rien de naturel, & l’on peut juger que par la même raison elle ne tardera pas à l’être de toute la musique françoise.

On appelle plus particulierement voix, les parties vocales & récitantes pour lesquelles une piece de musique est composée ; ainsi on dit une cantate à voix seule, au-lieu de dire une cantate en récit, un motet à deux voix, au-lieu de dire un motet en duo. Voyez Duo, Trio, Quatuor, &c. (S)

Voix, s. f. (Gram.) c’est un terme propre au langage de quelques grammaires particulieres, par exemple, de la grammaire grecque & de la grammaire latine. On y distingue la voix active & la voix passive.

La voix active est la suite des inflexions & terminaisons entées sur une certaine racine, pour en former un verbe qui a la signification active.

La voix passive est une autre suite d’inflexions & de terminaisons entées sur la même racine, pour en former un autre verbe qui a la signification passive.

Par exemple, en latin, amo, amas, amat, &c. sont de la voix active ; amor, amaris, amatur, &c. sont de la voix passive : les unes & les autres de ces inflexions sont entées sur le même radical am, qui est le signe de ce sentiment de l’ame qui lie les hommes par la bienveillance : mais à la voix active, il est présenté comme un sentiment dont le sujet est le principe ; & à la voix passive, il est simplement montré comme un sentiment dont le sujet en est l’objet plutôt que le principe.

La génération de la voix active & de la voix passive en général, si on la rapporte au radical commun, appartient donc à la dérivation philosophique ; mais quand on tient une fois le premier radical

actif ou passif, la génération des autres formes de la même voix est du ressort de la dérivation grammaticale. Voyez Formation.

J’ai déja remarqué ailleurs que ce qu’on a coutume de regarder en hébreu comme différentes conjugaisons d’un même verbe, est plutôt une suite de différentes voix. La raison en est que ce sont autant de suites différentes des inflexions & terminaisons verbales entées sur un même radical, & différenciées entre elles par la diversité des sens accessoires ajoutées à celui de l’idée radicale commune.

Par exemple, מסר (mésar, en lisant selon Masclef,) tradidit ; נמסר (noumesar) traditus est ; המסיר (hémésir) tradere fecit ; המסר (hémesar) tradere factus est, selon l’interprétation de Masclef, laquelle veut dire effectum est ut traderetur ; התמסר (héthamésar, ou hethmésar) se ipsum tradidit.

« On voit, dit M. l’Abbé Ladvocat (Gramm. hebr. pag. 74.) que les conjugaisons en hébreu ne sont pas différentes, selon les différens verbes, comme en grec, en latin ou en françois ; mais qu’elles ne sont que le même verbe conjugué différemment, pour exprimer ses différentes significations, & qu’il n’y a en hébreu, à proprement parler, qu’une seule conjugaison sous sept formes ou manieres différentes d’exprimer la signification d’un même verbe ».

Il est donc évident que ces différentes formes différent entre elles, comme la forme active & la forme passive dans les verbes grecs ou latins ; & qu’on auroit pû, peut-être même qu’on auroit dû, donner également aux unes & aux autres le nom de voix. Si l’on avoit en outre caractérisé les voix hébraïques par des épithetes propres à désigner les idées accessoires qui les différencient ; on auroit eu une nomenclature plus utile & plus lumineuse que celle qui est usitée. (B. E. R. M.)

Voix, (Critique sacrée.) ce mot marque non-seulement la voix de l’homme, des animaux, mais aussi toutes sortes de sons, & le bruit même que font les choses inanimées. Ainsi l’abyme a fait éclater sa voix, Habacuc, iij. 10. le prophete veut dire, le son a retenti jusqu’au fond de l’abyme. De même dans l’Apoc. x. 41. les tonnerres proférerent leur voix, pour dire qu’on entendit le bruit du tonnere. Rien n’est plus commun dans l’Ecriture que ces expressions, la voix des eaux, la voix de la nue, la voix de la trompette. Ecouter la voix de quelqu’un, est un terme métaphorique, qui signifie lui obéir. Ecouter la voix de Dieu, c’est suivre ses commandemens. (D. J.)

Voix, (Jurisp.) signifie avis, suffrage. Dans toutes les compagnies les voix ou opinions ne se pesent point, mais se comptent à la pluralité.

En matiere civile, quand il y a égalité de voix, l’affaire est partagée ; une voix de plus d’un côté ou d’autre suffit pour empêcher le partage ou pour le départage.

En matiere criminelle, quand il y a égalité de voix, l’avis le plus doux prévaut ; une voix ne suffit pas en cette matiere, pour que l’avis le plus sévere prévale sur le plus doux ; il en faut au-moins deux de plus.

Celui qui préside la compagnie, recueille les voix, & donne la sienne le dernier ; il lui est libre ordinairement de se ranger à tel avis que bon lui semble. Néanmoins, selon la discipline de quelques compagnies, lorsqu’il y a une voix de plus d’un côté que de l’autre, il doit se joindre à la pluralité, afin que son a vis n’occasionne point de partage. Voyez Avis, Juges, Opinion, Suffrage.

Voix active en matiere d’élection, est la faculté que quelqu’un a d’élire. Voyez Voix passive.

Voix active & passive, est la faculté que quelqu’un a d’élire & d’être élu soi-même.