Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 17.djvu/439

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des idées aussi pures que nous par rapport au vol, puisqu’ils pensoient que certaines divinités présidoient aux voleurs, telles que la déesse Laverna & Mercure.

Il y avoit chez les Egyptiens une loi qui régloit le métier de ceux qui vouloient être voleurs ; ils devoient se faire inscrire chez le chef apud sorum principum, lui rendre compte chaque jour de tous leurs vols dont il devoit tenir registre. Ceux qui avoient été volés s’adressoient à lui, on leur communiquoit le registre, & si le vol s’y trouvoit, on le leur rendoit en retenant seulement un quart pour les voleurs, étant, disoit cette loi, plus avantageux, ne pouvant abolir totalement le mauvais usage des vols, d’en retirer une partie par cette discipline, que de perdre le tour.

Plutarque, dans la vie de Lycurgue, rapporte que les Lacédémoniens ne donnoient rien ou très peu de chose à manger à leurs enfans, qu’ils ne l’eussent dérobé dans les jardins ou lieux d’assemblée ; mais quand ils se laissoient prendre, on les fouettoit très-rudement. L’idée de ces peuples étoit de rendre leurs enfans subtils & adroits, il ne manquoit que de les exercer à cela par des voies plus légitimes.

Pource qui est des Romains, suivant le code Papyrien, celui qui étoit attaqué par un voleur pendant la nuit, pouvoit le tuer sans encourir aucune peine.

Lorsque le vol étoit fait de jour, & que le voleur étoit pris sur le fait, il étoit fustigé & devenoit l’esclave de celui qu’il avoit volé. Si ce voleur étoit déja esclave, on le fustigeoit & ensuite on le précipitoit du haut du capitole ; mais si le voleur étoit un enfant qui n’eût pas encore atteint l’âge de puberté, il étoit châtié selon la volonté du préteur, & l’on dédommageoit la partie civile.

Quand les voleurs attaquoient avec des armes, si celui qui avoit été attaqué avoit crié & imploré du secours, il n’étoit pas puni s’il tuoit quelqu’un des voleurs.

Pour les vols non manifestes, c’est-à-dire cachés, on condamnoit le voleur à payer le double de la chose volée.

Si après une recherche faite en la forme prescrite par les lois, on trouvoit dans une maison la chose volée, le vol étoit mis au rang des vols manifestes, & étoit puni de même.

Celui qui coupoit des arbres qui n’étoient pas à lui, étoit tenu de payer 25 as d’airain pour chaque pié d’arbre.

Il étoit permis au voleur & à la personne volée de transiger ensemble & de s’accommoder ; & s’il y avoit une fois une transaction faite, la personne volée n’étoit plus en droit de poursuivre le voleur.

Enfin, un bien volé ne pouvoit jamais être prescrit.

Telles sont les lois qui nous restent du code Papyrien, au sujet des vols sur lesquels M. Terrasson en son histoire de la Jurisprudence romaine, a fait des notes très-curieuses.

Suivant les lois du digeste & du code, le vol connu sous le terme furtum étoit mis au nombre des délits privés.

Cependant, à cause des conséquences dangereuses qu’il pouvoit avoir dans la société, l’on étoit obligé, même suivant l’ancien droit, de le poursuivre en la même forme que les crimes publics.

Cette poursuite se faisoit par la voie de la revendication, lorsqu’il s’agissoit de meubles qui étoient encore en nature, ou par l’action appellée condictio fustra, lorsque la chose n’étoit plus en nature ; enfin, s’il s’agissoit d’immeubles, on en poursuivoit la restitution par une action appellée interdictum recuperandæ possessionis, desorte que l’usurpation d’un héritage étoit aussi considérée comme un vol.

L’on distinguoit, quant à la peine, le vol en manifeste & non manifeste ; au premier cas, savoir, lorsque le voleur avoit été surpris en flagrant délit, ou du moins dans le lieu où il venoit de commettre le vol, la peine étoit du quadruple ; au second, c’est-à-dire lorsque le vol avoit été fait secrétement, & que l’on avoit la trace du vol, la peine étoit seulement du double ; mais dans ce double, ni dans le quadruple, n’étoit point compris la chose ou le prix.

La rapine, rapina, étoit considérée comme un délit particulier que l’on distinguoit du vol, en ce qu’elle se faisoit toujours avec violence & malgré le propriétaire, au lieu que le vol furtum étoit censé fait sans violence, & en l’absence du propriétaire, quoiqu’il pût arriver qu’il y fût présent.

La peine de la rapine étoit toujours du quadruple, y compris la chose volée ; ce délit étoit pourtant plus grave que le vol manifeste qui se commettoit sans violence ; mais aussi ce vol n’étoit jamais puni que par des peines pécnniaires, comme les autres délits privés, au lieu que ceux qui commettoient la rapine pouvoient, outre la peine du quadruple, être encore condamnés à d’autres peines extraordinaires, en vertu de l’action publique qui résultoit de la loi julia de vi publicâ seu privatâ.

En France, on comprend sous le terme de vol les deux délits que les Romains distinguoient par les termes furtum & rapina.

Les termes de vol & de voleur tirent leur étymologie de ce qu’anciennement le larcin se commettoit le plus souvent dans les bois & sur les grands chemins ; ceux qui attendoient les passans pour leur dérober ce qu’ils avoient, avoient ordinairement quelqu’oiseau de proie qu’ils portoient sur le poing, & qu’ils faisoient voler lorsqu’ils voyoient venir quelqu’un, afin qu’on les prît pour des chasseurs, & que les passans ne se défiant pas d’eux, en approchassent plus facilement, ensorte que le terme de vol ne s’appliquoit dans l’origine qu’à ceux qui étoient commis sur les grands chemins ; les autres étoient appellés larcin. Cependant sous le terme de vol, on comprend présentement tout enlevement frauduleux d’une chose mobiliaire.

Un impubere n’étant pas encore capable de discerner le mal, ne peut être puni comme voleur ; néanmoins s’il approche de la puberté, il ne doit point être entiérement exempt de peine.

De même aussi celui qui prend par nécessité, & uniquement pour s’empêcher de mourir de faim, ne tombe point dans le crime de vol, il peut seulement être poursuivi extraordinairement pour raison de la voie de fait, & être condamné en des peines pécuniaires.

Il en est de même de celui qui prend la chose d’autrui à laquelle il prétend avoir quelque droit, soit actuel ou éventuel, ou en compensation de celle qu’on lui retient ; ce n’est alors qu’une simple voie de fait qui peut bien donner lieu à la voie extraordinaire, comme étant défendue par les lois à cause des désordres qui en peuvent résulter, mais la condamnation se résout en dommages & intérêts, avec défense de récidiver.

On distingue deux sortes de vol ; savoir, le vol simple & le vol qualifié ; celui-ci se subdivise en plusieurs especes, selon les circonstances qui les caractérisent.

La peine du vol est plus ou moins rigoureuse, selon la qualité du délit, ce qui seroit trop long à détailler ici : on peut voir là-dessus la déclaration du 4 Mars 1724.

L’auteur de l’esprit des Lois observe à cette occasion que les crimes sont plus ou moins communs dans chaque pays, selon qu’ils y sont punis, plus ou moins