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que des animaux, ou des choses auxquelles ces animaux ont communiqué leur venin ; & vénéneux ne se dit ordinairement que des plantes ; la chenille est venimeuse ; la ciguë est vénéneuse. (D. J.)

VENIR, v. n. (Gram.) se transporter d’un lieu où l’on est dans un autre. Voilà son acception la plus commune. Il en est beaucoup d’autres, comme il paroît par les exemples suivans. Venir se dit d’un lieu où l’on n’est pas, à celui où l’on est, & aller se dit du lieu où l’on est au lieu où l’on n’est pas. Viendrez-vous à notre campagne. Venez à la promenade avec nous. L’orage vient de ce côté. Il vient du vent par cette ouverture. Il lui est venu mal aux yeux. Il en est venu à-bout, quoique la chose fût difficile. Je ne sais comment cette pensée me vint. Cette affaire vint aux oreilles du prince. La mort, la mort, il en faut venir-là. Il en vint à un tel point d’insolence, qu’il fallut la réprimer. Je viens de chez lui. Il vient de me parler. Il vient d’être expédié. Cela vient à vue d’œil. On vient au monde avec la pente au mal. Cet ouvrage est bien venu. La mode en vient. Les blés viennent mal en cet endroit. La raison ne lui viendra jamais. Cette nouvelle vient de bon lieu. Il m’est venu un bon lot. Il vient à mourir au moment où l’on en avoit besoin. Venez au fait. Il en vinrent aux mains. Ce secours me vient à-propos, &c.

VENISE, (Géog. mod.) ville d’Italie, capitale de la république, & sur le golfe de même nom, au centre des Lagunes, à 1 lieue de la Terre-ferme, à 33 de Ravenne, à 40 au nord-est de Florence, à 50 au levant de Milan, à 87 au nord de Rome, & à 95 de Vienne en Autriche. Long. suivant Cassini, 30. 11. 30. lat. 45. 25. & Long. suivant Manfredi, 30. 12. 45. lat. 45. 33.

Elle doit sa naissance aux malheurs dont l’Italie fut affligée dans le cinquieme siecle, par les ravages des Goths & des Visigoths. Quelques familles de Padoue se retirerent à Rialto : les autres iles des Lagunes devinrent ensuite le refuge de ceux qui se deroberent aux fureurs d’Attila dans le sac d’Aquilée, & de quelques villes des environs, que le roi des Huns détruisit ; les misérables restes de toutes ces villes peuplerent les îles des Lagunes, & y bâtirent des cabanes, qui furent les fondemens de la superbe Venise, aujourd’hui l’une des plus belles, des plus considérables, & des plus puissantes villes de l’Europe.

De quelque endroit qu’on y aborde, soit du côté de la terre-ferme, soit du côte de la mer, l’aspect en est toujours également singulier. On commence à l’appercevoir de quelques milles de loin, comme si elle flottoit sur la surface de la mer, & environnée d’une forêt de mâts de vaisseaux & de barques, qui laissent peu-à-peu distinguer ses principaux édifices, & en particulier ceux du palais & de la place de saint Marc.

Cette ville est toute bâtie sur pilotis, & a été fondée non-seulement dans les endroits où la mer parut au commencement découverte, mais encore où l’eau avoit beaucoup de profondeur, afin qu’en rapprochant par ce moyen un grand nombre de petites îles qui environnoient celle de Rialto, qui étoit la principale, & les joignant par des ponts, on pût en former le vaste corps de la ville, dont la grandeur, la situation & la majesté extérieure font un effet admirable. Tout le monde connoît les beaux vers de Sannazar à la gloire de Venise, & elle a eu raison de les graver sur le marbre.

Viderat Adriacis Venctam Neptunus in undis
Stare urbem, & toto dicere jura mari :
I, nunc tarpeias, quantùmvis Jupiter arces
Objice, & illa tui moenia Martis, ait.

Si Tiberim Pelago confers, urbem aspice utramque,
Illam homines dices, hanc posuisse deos.

Quoique Venise soit ouverte de toutes parts, sans portes, sans murailles, sans fortifications, sans citadelle & sans garnison ; elle est cependant une des plus fortes places de l’Europe. On y compte environ cent cinquante mille habitans, soixante-douze paroisses dont les églises sont fort petites, une trentaine de couvens de religieux, & au-moins autant de monasteres de religieuses, outre plusieurs confrairies de pénitens, qu’on appelle écoles. Elle contient un assemblage prodigieux des plus beaux tableaux de la peinture ; elle possede tous ceux de Tintoret, de Paul Véronese, & les plus précieux ouvrages du Titien.

Un très-grand nombre de canaux qui donnent de toutes parts entrée dans la ville, & la traversent de tous les sens, la divisent en une si grande quantité d’iles, qu’il y a des maisons seules entourées, d’eau des quatre côtés ; mais s’il n’y a point d’endroits à Venise où l’on ne puisse aborder en gondole, il n’y en a guere aussi ou l’on ne puisse aller à pié, par le moyen de plus de quatre cens ponts, qui procurent la communication d’un grand nombre de petites rues qui percent la ville, & de plusieurs quais qui bordent les canaux.

Il est vrai que la plûpart de ces quais sont si peu larges, que deux personnes ont de la peine à passer de front ; les plûs spacieux n’ont ni appui, ni balustrades, & sont coupés vis-à-vis de chaque maison par des marches qui desçendent dans les canaux, afin de pouvoir entrer commodément dans les gondoles, & en sortir.

Ces fréquentes descentes qu’on appelle des rives, étrécissent si fort ces quais, que les passans sont obligés, sur-tout pendant la nuit, de se ranger près des maisons, pour ne pas s’exposer à tomber dans l’eau. La profondeur du grand canal est considérable ; mais celle des autres canaux n’est que de 5 à 6 piés, lorsque par la marée l’eau est à sa plus grande hauteur.

A l’égard des ponts, la plupart sont de pierre & de brique, & ils sont si délicatement bâtis, que l’arche n’a ordinairement que 8 pouces d’épaisseur. Les bords & le milieu sont de chaînes de pierre dure, & assez élevés pour donner passage aux gondoles & aux grandes barques, qui vont incessamment par les canaux. On y monte de chaque côté par quatre ou cinq marches d’une pierre blanche, qui approche de la nature du marbre, & qui devient si glissante, que pendant la pluie & la gelée, il est difficile de s’empêcher de tomber ; & comme ces ponts n’ont point de garde-fous, la chûte n’est pas peu dangereuse.

Rien ne contribue davantage à la beauté de Venise, que son grand canal, qui a près de 2 milles de longueur, & 50 à 60 pas de largeur. Comme il fait plusieurs retours dans le milieu de la ville, on le traverse souvent deux à trois fois pour aller en gondole par le chemin le plus court d’un côté de la ville à l’autre. Son eau est toujours assez belle à cause de sa profondeur, & du courant du flux & du reflux : les galeres & les grandes barques chargées y trouvent assez de fonds. Il est bordé des plus beaux palais ; mais outre qu’il lui manque un quai continué d’un bout à l’autre, les palais qui le bordent sont entremêlés de petites maisons qui les déparent.

Ce grand canal qui partage Venise en deux parties presque égales, n’a que le seul pont de Rialto qui se trouve au centre de la ville ; c’est un pont fort large, & tout bâti de pierres de taille aussi dures que le marbre ; il a couté 250000 ducats ; mais comme l’incommodité seroit trop grande pour les habitans, si l’on étoit obligé d’aller chercher le pont toutes les fois qu’on veut passer d’un côté de la ville à l’autre ; il