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les reviennent de tems en temps ; les pulsations qui se font sentir dans ces intervalles, sont plus développées, assez égales, & un peu sautillantes ; on peut voir dans les recherches sur le pouls, & dans un recueil d’observations de M. Michel, plusieurs exemples d’excrétions critiques d’urines, précédées & annoncées par le pouls ; il n’est pas rare de le voir compliqué avec celui qui est l’avant coureur & le signe du dévoiement ; aussi est-il très ordinaire de voir ces deux excrétions se rencontrer, se suppléer ou se succéder mutuellement ; il n’arrive presque jamais que le flux d’urines soit seul suffisant pour terminer les maladies.

III. On peut s’appercevoir aisément par le détail que nous venons de donner des qualités salutaires de l’urine, quelles sont celles qui doivent servir à établir un pronostic fâcheux ; savoir, celles qui sont opposées, car en général on regarde comme mauvaises les urines qui restent long-tems crues sans nuage, énéoreme ou sédiment. Hippocrate condamne les urines qui renferment un sédiment semblable à de la grosse farine, plus encore celles qui sont laminées, πεταλώδεες, qui contiennent de petites lames ou écailles, ou des matieres comme du son. Les urines blanches, ténues, limpides, sont très-mauvaises surtout dans les phrénésies ; les nuages rouges ou noirâtres, sont un mauvais signe ; tant que l’urine reste rouge & ténue, c’est un signe que la coction n’est pas faite, & si l’urine persiste long-tems dans cet état, il est à craindre que le malade ne succombe avant qu’elle ait pris un meilleur caractere. Les matieres graisseuses qui nagent dans l’urine, en forme de toile d’araignées, sont aussi d’un sinistre augure ; mais les urines les plus mauvaises sont celles qui sont extrémement fetides, aqueuses, noires & épaisses ; dans les adultes, les noires sont plus à craindre, & les aqueuses dans les enfans. (prog. l. II. n°. 25. 51.) Dans la classe des urines dangereuses, il faut ranger celle qui est bilieuse ; dans les maladies aiguës, celle qui sans être rougeâtre contient des matieres farineuses, avec un sédiment blanc, qui est d’une couleur changeante, de même que le sédiment, sur-tout dans les fluxions de la tête ; celle qui de noire devient bilieuse & tenue, qui se sépare du sédiment, ou qui en renferme un livide semblable à du limon formé par l’adunation des nuages : l’hypochondre, & surtout le droit, est dans ce cas ordinairement douloureux, les malades deviennent d’une pâleur verdâtre, & il se forme des abscès aux oreilles, le dévoiement survenant dans ces entrefaites, est très-pernicieux. Les urines qui paroissent cuites peu-à-peu & sans raison, sont mauvaises, de même que toute coction qui se fait hors de propos ; les urines rougeâtres dans lesquelles il se forme un peu de verd-de-gris, celles qui sont rendues d’abord après avoir bû, sur-tout dans les pleurétiques & les péripneumoniques, celles qui sont huileuses avant le frisson, celles qui sont dans les maladies aiguës verdâtres jusqu’au fond, celles qui sont noires ou ont un sédiment noir, qui contiennent de petits grains épars, semblables à de la semence, & qui sont en même tems douloureuses ; celles qui sont rendues à l’insçu du malade, ou dont il ne se souvient pas ; celles qui dans le cours des fluxions de poitrine sont d’abord cuites & s’attenuent ensuite après le quatrieme jour ; celles qui sont très-blanches dans les fievres ardentes, &c. toutes ces especes d’urine doivent être mises au nombre des signes pernicieux. (coac. prænot. cap. xxvij. n°. 8. 42.) L’interception de l’urine est extrémement fâcheuse, lorsqu’elle survient dans les fievres aiguës à la suite d’un frisson, surtout si elle est précédée d’assoupissement ; elle est pour l’ordinaire l’effet d’un état convulsif de la vessie ; ce symptôme est mortel dans les maladies bilieuses, il est souvent produit par le frisson, & annoncé par des horripilations

fréquentes dans le dos, & qui reviennent promptement. (coac. prænot. cap. j. & xxvij. prorrhet. lib. I. sect. j.) La difficulté d’uriner est presque toujours un symptôme facheux, le pissement de sang l’est aussi pour l’ordinaire, sur-tout dans les défaillances accompagnées de douleurs de tête qui succedent au frisson. (ibid. cap. j. n°. 22. & prorrhet. l. I. sect. xj. n°. 23.) Il en est de même des urines très-blanches & écumeuses dans les maladies aiguës, bilieuses. (ibid. n°. 17.) Dans les hydropisies seches, la strangurie ou l’excrétion d’urine goutte à goutte, & l’urine qui ne renferme que très-peu de sédiment, sont très mauvaises ; & on a aussi tout sujet de craindre pour un hydropique à qui la fievre est survenue, & dont les urines sont troubles & peu abondantes. (coac. præn. cap. xix. n°. 2 & 5.)

IV. Hippocrate ne s’est pas borné à exposer en général les différens états de l’urine qui donnent lieu à un pronostic fâcheux, il est souvent descendu dans l’énumération plus détaillée de la nature, de l’espece des accidens, ou des symptômes auxquels l’on devoit s’attendre après telle ou telle urine : ainsi, suivant cet habile séméioticien, les convulsions sont annoncées par des urines recouvertes d’une pellicule, chargées de sédiment, & accompagnées de frisson, par celles qui renferment un sédiment semblable à de la farine grossiere, ou des membranes ; s’il survient en même tems des réfroidissemens au col, au dos, ou même par tout le corps, par la suppression d’urine, avec frisson & assoupissement ; on peut aussi espérer dans ce cas un abscès aux oreilles ; par des urines écumeuses jointes au réfroidissement du dos & du col, aux défaillances & à l’obscurcissement de la vue ; par les urines rendues involontairement pendant le sommeil, précédées de frissons qui augmentent la nuit, de veilles & de beaucoup d’agitations ; ordinairement alors l’assoupissement se joint aux convulsions ; dans les maladies convulsives, le retour du paroxisme est indiqué par l’excrétion abondante d’urines ténues & limpides. (coac. prænot. prorrhet. passim.) La même qualité des urines annonce, suivant l’observation de Sydenham, l’invasion d’une attaque d’hystéricité, de colique néphrétique, &c. les urines deviennent aussi ténues & limpides au commencement des accès des fievres intermittentes, des redoublemens ; le frisson par lequel ils commencent ordinairement, est marqué par des urines ténues, dans lesquelles on observe aussi des légers nuages ou des énéoremes, quelquefois aussi par des urines dont le sédiment est semblable à de la salive ou de la matiere des crachats πτυαλώδεα, ou à du limon ; d’autres fois l’urine qui renferme un sédiment, & qui étant troublée, dépose ensuite, annonce un frisson pour tout le tems de la crise, dans les fievres tierces des nuages noirâtres, sont des signes d’horripilation vague. (coac. prænot. cap. xxvij. n°. 22. 29.) L’urine dont le sédiment contient de la graine, dénote la fievre ; celle qui contient un sédiment, & qui étant troublée, dépose de nouveau, annonce quelquefois le passage d’une fievre aiguë, en tierce ou en quarte, & les nuages noirs dans les fievres erratiques, sont un signe qu’elles vont se fixer en quarte. (ibid. n°. 24. 27. 29.) Suivant quelques auteurs, une excrétion d’urine très-abondante dans les fievres d’accès, indique leur dégénération en hectique. L’urine dont la couleur approche de l’ochre ou de la brique, abondante & épaisse, avec un sédiment couleur de rose, est une marque que les fievres lentes deviennent hectiques. On peut juger par l’urine sanguinolente rendue au commencement d’une maladie aiguë qu’elle sera longue : l’urine verte qui contient un sédiment roux semblable à de la farine grossiere, fournit le même présage, mais annonce en même tems que la maladie sera dangereuse. (ibid. n°. 23. 32.)