Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 17.djvu/508

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

considérable, rapporté au col de la vessie & tout le long de l’uretre, d’où lui est aussi venu la dénomination familiere d’ardeur d’urine.

Pour que la dysurie ait lieu, il faut ou que l’urine devienne plus irritante, ou que la sensibilité des parties par où elle passe augmente. Le premier vice mérite d’être accusé, 1°. lorsque le phlegme de l’urine se trouve en très-petite quantité & insuffisant pour délayer les parties huileuses & salines, qui seules sont capables d’irriter, c’est ce qui arrive surtout dans les hydropisies & dans les fievres ardentes bilieuses ; 2°. lorsque l’urine se trouve chargée de molécules étrangeres, de petits corps pointus anguleux, comme des graviers, du sable, des débris de calcul, un sédiment trop épais, & suivant l’observation de Sennert, une matiere blanchâtre & laiteuse qu’on a pris mal-à-propos pour du pus, & dont la quantité est souvent si considérable, qu’elle remplit la moitié du pot-de-chambre.

Les causes qui rendent l’uretre & le col de la vessie plus sensibles, plus irritables, sont l’inflammation, l’exulcération, la tension excessive de ces parties ; la légere sensation, que faisoit auparavant l’urine sur ces parties dans l’état naturel, devient alors si forte, si vive, qu’elle en est douloureuse. La douleur n’est le plus souvent qu’une sensation agréable portée à l’excès, de même que le vice n’est fréquemment qu’une vertu qui a dépassé les bornes qui lui étoient prescrites. Cet état morbifique des parties mentionnées, est la suite & l’effet ordinaire des gonorrhées virulentes ; aussi la dysurie en est un symptome constant ; elle est moins forte dans les femmes que dans les hommes, parce que dans ceux-ci, c’est l’uretre, & sur-tout la partie intérieure, que traverse l’urine, qui est affectée, qui est le siege de l’ulcere & de l’inflammation ; aulieu que dans les femmes, la gonorrhée occupe les divers glandes du vagin quelquefois loin de l’uretre, mais jamais l’intérieur de ce canal. Souvent la dysurie succede aux gonorrhées, c’est sur-tout lorsqu’un chirurgien imprudent s’est servi pour arrêter l’écoulement d’injections astringentes, ou lorsqu’il reste des carnosités dans l’uretre. Un calcul raboteux engagé dans le col de la vessie peut aussi l’irriter, l’enflammer & l’ulcérer ; enfin, les cantharides appliquées à l’extérieur, ou prises intérieurement, exercent spécialement leur action sur les voies urinaires, sur la vessie, & augmentent considérablement la tension & la sensibilité, & sont aussi une cause très-fréquente de dysurie, lorsqu’on les laisse trop longtems appliquées à l’extérieur, qu’elles mordent trop, ou qu’on en prend intérieurement une dose considérable, & qu’on insiste long-tems sur l’usage.

Cette maladie est pour l’ordinaire plus incommode que dangereuse ; rarement contribue-t-elle a accélérer la mort de ceux qui l’éprouvent, lorsqu’elle survient aux vieillards, sur-tout à ceux qui ont fait un grand usage du vin & des liqueurs spiritueuses ; elle n’est pas susceptible de guérison, & les accompagne jusqu’au tombeau. La dysurie, qui dépend d’autres causes, peut se guérir assez sûrement, quelquefois même avec assez de facilité.

Le traitement qui convient à la dysurie, ne sauroit être uniforme & toujours le même dans les différents cas, il doit varier relativement aux causes auxquelles elle doit être attribuée ; il faut user d’autres remedes quand l’urine est viciée, que quand c’est le vice des parties solides qu’il faut accuser, & les diversifier encore suivant les causes particulieres. Ainsi, 1°. la dysurie qui dépend d’une altération d’urine que nous avons dit se rencontrer dans les fievres ardentes & les hydropisies, doit être combattue par des remedes qui déterminent à la vessie une plus grande abondance de sérosité. Les remedes qui remplissent cette indication dans le premier cas, sont les diuré-

tiques froids, les émulsions, les boissons abondantes,

les tisanes acides nitreuses émulsionnées, le petit-lait, l’eau de poulet, &c. Dans le second, ce sont les diurétiques chauds, les sels lixiviels neutres ou alkalis, les insectes, &c. Voyez Ischurie.

Ces mêmes remedes sont très-bien indiqués lorsque le sédiment de l’urine est trop épais & trop abondant ; mais lorsqu’il y a des graviers, il faut choisir les médicamens les plus appropriés pour les fondre, ou du moins pour les chasser, & en prévenir la formation : on les appelle lithontriptiques. Voyez ce mot. Dans cette classe, sont la verge d’or, la saxifrage, le bois néphrétique, la chaussetrape, la bouxerole, remede connu & usité depuis long-tems à Montpellier, & qu’on prétend donner aujourd’hui pour nouveau ; la térébenthine, les baumes, l’eau de chaux, dont j’ai éprouvé moi-même sur un malade calculeux l’efficacité, & j’ai appris qu’on ne doit point s’effrayer par la prétendue causticité que lui attribuent ceux qui ne l’ont jamais employée.

2°. La sensibilité de la vessie & de l’uretre portée à un trop haut point, indique en général les émolliens, calmans, anodins, narcotiques. On peut les employer extérieurement, intérieurement, & s’en servir en lavemens & pour matiere d’injections dans la vessie, qu’on fera avec beaucoup de circonspection : les plus efficaces de cette classe, sont le nymphæa, les semences froides, les racines d’althæa, le lait, les semences de psyllium, &c. & si les douleurs sont trop vives, on en vient aux narcotiques ; lorsqu’il y a inflammation, la saignée peut soulager. Dans les gonorrhées violentes, & sur-tout dans celles qu’on appelle cordées, où l’ardeur d’urine est excessive, on peut la diminuer un peu en plongeant la partie affectée dans l’eau, ou le lait tiedes. Les bains généraux sont aussi très-avantageux ; on tire du soulagement des émulsions prises en se couchant, auxquelles l’on ajoute du syrop de nymphæa, ou même de celui de pavot. Tous ces secours ne doivent point être négligés lorsque la dysurie est produite par un calcul anguleux qui irrite le col de la vessie ; mais ils ne peuvent que pallier le mal, ou en diminuer la violence : l’opération est le seul secours vraiment curatif. J’ai réussi avec l’eau de chaux à rendre cette excrétion plus facile & moins douloureuse dans un homme qui avoit la pierre : on pourroit aussi tenter le même remede avant de soumettre le malade à une opération cruelle & incertaine. Le lait est un remede spécifique dans la dysurie qui provient de l’application des cantharides : on peut donner le petit-lait, l’hydrogala, les liqueurs émulsives ; toutes ces préparations du lait sont constamment suivies du succès le plus prompt & le plus complet. Si la médecine possédoit beaucoup de remedes aussi efficaces, aussi sûrs que l’est le lait dans ce cas, le projet de l’immortalité deviendroit bien moins chimérique.

Strangurie ou excrétion d’urine goutte-à-goutte. Le nom de cette maladie en indique suffisamment la nature & le caractere ; on peut en compter deux especes relativement aux accidens qui s’y joignent ; quelquefois la strangurie est accompagnée de beaucoup d’ardeur & de douleur, & des autres symptomes qui sont propres à la dysurie, dont elle ne differe alors que par la maniere dont se fait l’excrétion. (Voyez ci-devant Dysurie.) Les causes sont à-peu-près les mêmes, les plus fréquentes sont un calcul engagé dans le col de la vessie, l’inflammation de cette partie & des carnosités dans l’uretre, qui se rencontrent avec une foiblesse, une atonie du sphincter ; cette espece de strangurie est assez comparable au tenesme. Dans les deux cas, des efforts continuels & douloureux ne produisent qu’une excrétion très-modique ; d’autres fois, l’urine sort sans gêne & sans douleur, ou