Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 17.djvu/509

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

continuellement à mesure qu’elle se sépare, comme dans l’incontinence d’urine ; ce qui vient d’un relâchement total du sphincter, ou par intervalles, ayant eu le tems de se ramasser en certaine quantité ; alors la continuité du fil de l’urine est pour l’ordinaire rompue par des obstructions placées à la naissance de l’uretre, & par le rétrécissement du col de la vessie.

La premiere espece de strangurie qui a les symptomes & les principes communs avec la dysurie, fournit à-peu-près le même prognostic, & exige les remedes absolument semblables ; elle est un peu plus incommode, & même comme elle approche plus de l’ischurie, elle en devient aussi plus dangereuse. Hippocrate a remarqué que si la passion iliaque survenoit à la strangurie, les malades mourroient dans sept jours, à moins que la fievre ne fût excitée & suivie d’un flux abondant d’urines. (Aphor. 44. lib. VI.) Mais le même auteur a observé que la strangurie étoit quelquefois dans les maladies aiguës un signe très favorable, une affection critique & salutaire. (Epidem. lib. I. stat. 2. &c.) Voyez Urine. (Séméiotiq.)

La seconde espece de strangurie très-familiere aux vieillards, n’est qu’incommode ; elle n’exige aucun remede, & élude l’efficacité de ceux qu’on verroit les plus appropriés ; ainsi, il faut les laisser vivre avec cette incommodité, plutôt que de les fatiguer inutilement par des drogues détestables, ou même les faire mourir plutôt, en prétendant les en délivrer. Que de cas semblables se rencontrent dans la pratique où le médecin le plus officieux est souvent désagréable & quelquefois nuisible !

Diabetes ou flux abondant & colliquatif. Voyez Diabetes.

Incontinence d’urine. Cette maladie consiste dans une excrétion plus ou moins fréquente d’urine, faite sans aucun effort, & involontairement ; il y a des cas où l’urine s’échappe ainsi de la vessie, à mesure qu’elle y découle par les ureteres ; cette secrétion se fait goutte à goutte, & forme une espece de strangurie ; il y en a d’autres où l’urine après s’être ramassée pendant quelque tems, sort d’elle-même sans que le malade puisse la retenir, & sans qu’il ait le tems de prendre les précautions convenables ; il y en a enfin, & c’est le cas ordinaire des enfans, où l’excrétion d’urine involontaire ne se fait que pendant le sommeil.

Dans l’état de santé l’urine ne se ramasse dans la vessie que parce que son orifice est garni d’un sphincter, qui par sa contraction le ferme exactement, & bouche tout-à-fait l’issue à l’urine ; jusqu’à ce que la vessie soit distendue à un certain point par la quantité d’urine, & irritée par son acrimonie plus ou moins vive dans les différens sujets & les diverses circonstances, le muscle excréteur reste sans force & sans action. Pour qu’il se contracte il faut une certaine irritation, qui dans l’état naturel dépend plus de la quantité que de l’âcreté de l’urine ; alors la vessie diminue en capacité, les forces, par la disposition des fibres musculaires, sont toutes dirigées vers l’orifice de la vessie ; elles sont aidées dans cette action par les muscles abdominaux contractés ; mais tous ces efforts seroient vains, si en même tems le sphincter relâché n’ouvroit le passage à l’urine, qui sort alors avec plus ou moins d’impétuosité ; mais tel est l’admirable structure de ces parties, que les mêmes efforts qui font contracter le muscle excréteur, procurent le relâchement du sphincter de la vessie ; quoique leur méchanisme, leur maniere d’agir nous soient tout-à-fait inconnues, quoique nous ne sachions pas ce qu’il faut faire, & la façon dont il faut s’y prendre pour uriner : les efforts que nous faisons n’en sont pas moins soumis à l’empire de la volonté, il nous est libre de ne pas obéir pendant un plus ou moins long espace de tems au stimulus qui les exige

& les détermine ; les femmes en général, y résistent moins long-tems que les hommes, elles sont obligés de satisfaire plus souvent à ce besoin ; elles sont aussi beaucoup plus sujettes qu’eux à l’incontinence d’urine.

Cette maladie aura donc lieu lorsque le sphincter laissera ouvert l’orifice de la vessie, lorsqu’il cédera sans la participation de la volonté, à la simple pesanteur de l’urine, ou à la légere contraction du muscle excréteur ; ce qui arrivera lorsqu’il sera détruit totalement ou en partie par des ulceres, des déchiremens, lorsqu’il sera relâché, paralytique, ou simplement privé de sa force, & de son ton ordinaire & naturel. Les ulceres qui détruisent le sphincter de la vessie, sont ordinairement vénériens, il peut s’en trouver dépendans d’autres causes, & survenus à la suite d’une inflammation & d’une rétention d’urine. Les déchiremens de cette partie ont principalement lieu chez les femmes ; les accouchemens laborieux, ou la maladresse du chirurgien, en sont les causes les plus fréquentes ; la paralysie & le relâchement de ce muscle sont quelquefois produits par une chute sur le dos, comme l’ont observé Amatus Lusitanus, Benivenius, & Alphonsus Rhonius ; d’autresfois par les causes ordinaires de paralysie & de relâchement, dont l’action se porte principalement sur cette partie. J’ai vu, dans une femme, ce vice occasionné par la présence d’un calcul d’une grosseur prodigieuse dans la vessie, sans doute il avoit produit cet effet en pesant continuellement sur le sphincter ; mais après que, par un de ces efforts surprenans de la nature, dont on voit peu d’exemples, la malade eut pour ainsi dire accouché avec les plus cuisantes douleurs, de cet énorme calcul, l’incontinence d’urine fut encore plus considérable ; le sphincter ayant été extrémement dilaté, perdit absolument son ton & sa contractilité ; enfin la foiblesse du sphincter est un effet très-ordinaire de l’âge trop ou trop peu avancé ; les vieillards sont très-sujets à l’incontinence d’urine, & il est peu d’enfant qui dans les premieres années de sa vie n’éprouve cette incommodité ; la foiblesse du sphincter qui l’occasionne n’étant pas porté à l’excès chez la plûpart, il arrive que l’excrétion involontaire de l’urine, ne se fait que pendant le sommeil ; comme il s’en sépare beaucoup à cet âge, la vessie est bientôt surchargée, l’enfant profondément endormi ne sent pas l’aiguillon qui l’avertit de satisfaire à ce besoin ; le muscle excréteur trop distendu se contracte, le sphincter ne peut pas resister à cet effort & au poids de l’urine, il se relâche, l’urine sort à grands flots, inonde le lit de ce pauvre innocent, & lui prépare des châtimens d’autant plus cruels qu’ils ne sont pas mérités. Meres injustes, qui venez la main armée de verges visiter avec une exactitude inquiete le berceau de ces tendre victimes, & qui vous préparez à leur faire expier sous les coups leur prétendue faute, suspendez pour un moment ces coups, apprenez qu’il ne peut y avoir de faute sans la participation de la volonté, que ce qui vous en paroît une, est une action très-indifférente, que c’est le symptome d’une maladie que l’enfant ne peut pas plus empêcher, qu’un accès de fievre ou de colique, & qui loin d’attirer votre courroux & vos châtimens, doit exciter votre tendresse & vos soins ; prenez garde d’ailleurs que ce ne soit pas l’avarice ou le déplaisir de voir gâter les meubles qui servent au lit de votre enfant, qui arme votre main, déguisé sous le prétexte plausible d’une correction nécessaire ; mais sur-tout pensez que si quelqu’un est coupable, c’est vous qui nourrissez trop mollement votre enfant, qui le gorgez de boissons aqueuses, qui ne lui laissez pas faire l’exercice convenable, & qui enfin négligez de lui procurer les remedes appropriés.

L’incontinence d’urine n’est point une maladie gra-