Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 17.djvu/528

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

seul, ou que les lois civiles le réduisent à quelque chose de moins ; le droit de l’ancien maître est entierement détruit ; tout ce qu’il y a, c’est que comme le possesseur de bonne foi qui a prescrit, est l’occasion, quoique innocente, de ce que l’autre se voit désormais débouté de toutes ses prétentions, il doit, s’il peut, lui aider à tirer raison de l’injustice du tiers qui a transféré un bien qu’il savoit n’être pas à lui, & donné lieu ainsi à la prescription.

Du reste, quoiqu’ici la bonne foi soit toujours nécessaire pour mettre la conscience en repos, cela n’empêche pas que les lois humaines ne puissent négliger cette condition, ou en tout ou en partie, pour éviter un grand nombre de procès. Il semble même que pour parvenir à leur but, il soit plus à propos de ne point exiger de bonne foi dans les prescriptions auxquelles elles fixent un fort long terme, ou de ne la demander du moins qu’au commencement de la possession ; & ainsi la maxime du droit civil est mieux fondée que celle du droit canon.

L’artifice du clergé ne consiste pas tant en ce que les décisions des papes exigent une bonne foi perpétuelle dans celui qui doit prescrire, qu’en ce qu’elles font regarder les biens d’église comme inaliénables, ou absolument, ou sous certaines conditions qui donnent lieu d’éluder à l’infini la prescription.

Pour ce qui est des principes dont parle M. Thomasius, ils prétendent que le domaine de la couronne ne peut jamais être aliéné validement, & que la prescription n’a point de lieu entre ceux qui vivent les uns par rapport aux autres dans l’indépendance de l’état de nature. Voyez Puffendorf, liv. IV. ch. xiij. & liv. VIII. ch. v. si l’aliénation du royaume, ou de quelqu’une de ses parties, est au pouvoir du prince. (D. J.)

USUFRUCTUAIRE, adj. (Gram. & Jurisprud.) se dit de ce qui appartient à l’usufruit.

Par exemple, les réparations usufructuaires, sont celles qui sont à la charge de l’usufruitier. Voyez Réparations.

Quelquefois usufructuaire se dit pour usufruitier, comme on lit dans différens actes que Gaston, frere du roi Louis XIII. fut souverain usufructuaire de la principauté de Dombes, jusqu’à l’émancipation de mademoiselle de Montpensier sa fille. Voyez Usufruit, Usufruitier. (A)

USUFRUIT, s. m. (Gram. & Jurisprud.) est le droit de jouir indéfiniment d’une chose appartenante à autrui, sans en diminuer la substance.

L’usufruit differe de l’usage, en ce que l’usufruitier fait tous les fruits siens, même au-delà de son nécessaire, il peut vendre, louer ou céder son usufruit à un autre ; au lieu que celui qui n’a que l’usage d’une chose, ne peut en user que pour lui personnellement & pour sa famille, & ne peut vendre, louer ni céder son droit à un autre.

On peut constituer un usufruit de toutes sortes de choses mobiliaires ou immobiliaires, même des choses qui se diminuent & se consument par l’usage.

Celui qui a l’usufruit d’animaux, peut non-seulement en tirer le service dont ils sont capables, mais aussi les fruits qu’ils produisent ; par exemple, si ce sont des vaches, en tirer le lait, les veaux ; & si ce sont des moutons, la laine, &c.

L’usufruitier est seulement tenu de conserver le même nombre d’animaux qu’il a reçu, & de remplacer ceux qui manquent ; mais s’ils ne produisent pas de quoi remplacer, l’usufruitier n’est pas tenu de le faire, pourvu que la diminution ne soit pas arrivée par sa faute.

L’usufruit des choses qui se consument par l’usage, comme du grain, des liqueurs, en emporte en quelque sorte la propriété, puisque l’on ne peut en user qu’en les consumant ; mais l’usufruitier ou ceux qui

le représentent, sont tenus après la fin de l’usufruit de rendre selon les conditions du titre, ou une pareille qualité & quantité de grains ou autres choses semblables, ou la valeur des choses au tems que l’usufruit a commencé.

La jouissance de l’usufruitier doit se régler suivant les lois & suivant son titre ; il peut vendre, louer ou céder sa jouissance à un autre ; mais il ne doit point changer la destination des choses, ni rien faire de préjudiciable, & en général il doit en user comme un bon pere de famille.

Il doit faire un inventaire des choses mobiliaires sujettes à son usufruit, ou si c’est un immeuble, faire un état des lieux, donner caution pour la restitution des choses ou lieux en bon état.

Toutes les réparations qui surviennent pendant son usufruit sont à sa charge, à l’exception des grosses réparations.

Il doit aussi acquitter les autres charges réelles & annuelles des fonds, si mieux il n’aime abandonner son usufruit pour être quitte des charges.

Le propriétaire de sa part doit laisser jouir l’usufruitier librement de tout ce qui dépend de l’usufruit, il ne peut changer l’état des lieux à son préjudice ; il doit même faire cesser les obstacles qui le regardent, faire les grosses réparations.

S’il y a un bois de haute-futaye, le propriétaire peut l’abattre, en laissant les arbres de lisiere pour la décoration des allées ; & dans ce cas l’usufruit est augmenté par la jouissance du taillis, qui pousse au lieu de la futaye. Voyez au digeste, au code & aux institutes les titres de usufructu, & ci-devant les mots Habitations, Jouissance, Usage. (A)

USUFRUITIER, s. m. (Gram. & Jusriprud.) est celui qui a la jouissance d’une chose par usufruit, soit pendant sa vie, soit pendant un certain tems limité par son titre.

Usufruitier, se dit aussi de ce qui appartiendra à l’usufruit, comme les réparations usufruitieres, c’est-à-dire, celles qui sont à la charge de l’usufruitier. Voyez Usufruit. (A)

USURA, (Droit romain & Littérat.) en françois usure. Il convient dans ce Dictionnaire d’expliquer le mot latin, & tous ceux qui s’y rapportent, sans quoi l’on ne sauroit entendre, je ne dis pas seulement les lois romaines, mais les historiens & les poëtes.

Je remarquerai d’abord que les Latins ont dit nomen, pour signifier une dette, parce que celui qui empruntoit donnoit à celui qui lui prêtoit, une reconnoissance signée de son nom. Les lois défendoient de prêter aux enfans de famille, aux mineurs & à ceux qui étoient au dessous de vingt-cinq ans : c’est pourquoi les usuriers n’ayant point action contr’eux, ne leur prêtoient qu’à un gros denier, afin de s’indemniser du risque où il s’exposoient de perdre leur argent.

Horace, sat. 2. l. I. dit : « Fuffidius, si riche en fonds de terre & en bons contrats, craint d’avoir la réputation d’un dissipateur & d’un débauché ; il donne son argent à cinq pour cent par mois, & se paye par avance, il exige même un intérêt plus fort des personnes qui se trouvent dans un plus grand besoin ; il aime sur-tout à prêter aux enfans de famille qui commencent à entrer dans le monde, & qui ont des peres trop ménagers ».

Fuffidius vappæ famam timet ac nebulonis ;
Dives agris, dives positis in fœnore nummis :
Quinas hic capiti mercedes exsecat : atque
Quanto perditior quisque est, tanto acrius urget.
Nomina sectatur, modo sumptâ veste virili,
Sub patribus duris tironum.

Caput, est ce qu’on appelloit autrement sors, le capital, le principal, la somme que l’on plaçoit à