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moi, & je guérirois la plûpart de ceux qui suivroient mes ordonnances. Je crois bien, mon bon docteur, que vous pourriez réussir sur plusieurs gens, lui répliqua la princesse ; mais personne ne peut guérir mon mal que le prince de Portugal, mon légitime époux, qu’on tient éloigné de moi contre tout droit, & par la plus grande tyrannie du monde, puisque je suis une personne libre, d’un âge mûr, & qui ne dépends de personne. J’ai choisi un époux qui ne déshonore point ma famille ; s’il a le malheur d’être privé de ce qui lui appartient, j’en suis contente, & je saurai me borner, jusqu’à ce qu’il plaise à Dieu d’en disposer autrement ; cependant voulant vous faire plaisir, je prendrai de la nourriture en attendant l’arrivée de mon frere, pour voir s’il en agira envers moi en frere, ou en tyran.

Il ne s’agit point ici de parler des suites de ce mariage d’amour, mais seulement des conseils d’Heurnius, qui réussirent effectivement à rétablir la princesse. Elle se retira à Genève l’an 1623, avec six filles qu’elle avoit, & l’année suivante elle y mourut de mélancholie. Voilà tout ce qu’en rapportent les auteurs ordinaires ; mais il faut lire l’historien hollandois, dont j’ai parlé, & qui est inconnu à ceux qui n’entendent pas la langue du pays. Cet historien est P. Bor, Ver volg van de Nederlantsche Oorlogen, l. XXXIV. fol. 22. & suiv.

Les œuvres médicinales de Jean Heurnius ont paru à Leyde en 1609, en deux volumes in-4o. à Amsterdam, en 1650, in-fol. & à Geneve, en 1657, in-fol. Il y a dans ce recueil une dissertation qui fait honneur à l’auteur ; elle regarde l’épreuve de l’eau pour ceux qui sont accusés de sortilége, & la décision de ce médecin fit abolir cette épreuve par la cour de Hollande.

Heurnius (Otto), fils de Jean, naquit à Utrecht en 1577. Il pratiqua la médecine avec honneur, & prit pour devise cito, tuto, jucunde, morbi curandi ; on doit guérir promptement, sûrement, & agréablement ; mais le tuto seul est une assez belle besogne. Heurnius le fils a mis au jour une histoire de la philosophie barbare, de barbaricâ philosophâ, libri duo. Leydæ 1600, in-12 ; cet ouvrage n’a pas eu l’approbation des connoisseurs ; il est rempli de choses communes ou étrangeres au sujet.

Leusden (Jean) naquit à Utrecht l’an 1624, & mourut en 1699, âgé de 75 ans. Il s’attacha particulierement à l’étude des langues orientales, & mit au jour un grand nombre d’ouvrages. Ses éditions de la Bible en hébreu, & du nouveau Testament en grec, sont estimées. Il a eu soin de l’édition du synopsis criticorum de Polus, faite à Utrecht ; il a partagé avec Villemandius la peine de l’édition des œuvres de Lightfoot ; sans parler du nouveau Testament syriaque imprimé à Leyde en 1708, en deux tomes in-4o. auquel il a travaillé conjointement avec Schaaf.

De Roy (Henri), en latin Regius, médecin & philosophe cartésien, naquit à Utrecht en 1598, & mourut en 1679. Il enseigna la nouvelle philosophie de Descartes, mais d’une maniere qui lui attira la haine des théologiens, & des partisans d’Aristote. Les curateurs de l’université furent obligés de se mêler de cette querelle, & eurent bien de la peine à l’appaiser. Regius eut encore des disputes avec Primerose & Silvius sur la circulation du sang qu’il admettoit ; cette question médicinale fut traitée de part & d’autre par des discours injurieux & outrageans ; aujourd’hui l’on rit des disputes élevées sur un fait aussi démontré.

Schoockius (Martin), littérateur, naquit à Utrecht en 1614, & mourut à Francfort-sur-l’Oder l’an 1665, âgé de 51 ans. Il a publié quantité de dissertations sur des sujets assez curieux ; par exemple, de naturâ soni ; de ovo & pullo ; de hellenistis ; de harengis ; de scepticismo ; de inundationibus ; de turfis, seù de cespitibus

bituminosis ; de butyro ; de ciconiis ; de extasi ; de cerevisiâ ; de sternutatione ; de lino ; de tulippis, &c. Voyez le pere Niceron, mém. des homm. illustres, tom. XII. p. 364. 388.

Mais les Tollius freres (Corneille, Jacques & Alexandre), se sont acquis dans la littérature une réputation fort supérieure à celle de Schoockius.

Tollius (Corneille), mort en 1662, a donné quelques ouvrages, & entr’autres, I. palæphat. de incredibilibus cùm notis, Amsterdam, 1649, in-12. II. Joannis Cinnami de rebus gestis imperat. Constantinop. comnenorum histor. l. IV. Utrecht, 1652, in-4o. Tollius a été le premier qui ait publié cet auteur avec une version latine ; mais du Fresne en a donné une magnifique édition à Paris, 1670, in fol. de l’imprimerie royale.

Tollius (Jacques) mena une vie fort errante, tantôt en Hollande, tantôt en Allemagne, tantôt en Italie ; enfin il mourut très-pauvre dans sa patrie en 1696 ; voici ses ouvrages. I. Une édition d’Ausone, Gondæ, 1668 ; II. Fortuita, Amsterdam, 1687, in-8o. L’auteur se propose de faire voir dans ce livre, que presque toute la mythologie de l’antiquité, ne contient que des mysteres de la chimie ; rien n’est comparable à cette folie, & à son entêtement pour la pierre philosophale. III. En 1694, il publia à Utrecht son Longin. in-4o. Cette édition est très-belle & très bonne. Tollius s’est servi d’un exemplaire collationné sur un ms. de la bibliotheque du roi à Paris, & des leçons des trois mss. de la bibliotheque du Vatican. La version latine est entierement de lui. En 1710, M. Hudson donna à Oxford une nouvelle édition de Longin, in-8o. dans laquelle il a conservé la version de Tollius corrigée en quelques endroits. L’année suivante Lchurtzfleisch publia une nouvelle édition de Longin, Wittebergæ, 1711, in-4o. & cette derniere mérite la préférence pour les choses sur celle d’Angleterre, mais l’impression en est détestable.

En 1696, Jacques Tollius donna un ouvrage de Bacchini, traduit de l’italien, de sistris, eoiumque figuris, cum notis, Utrecht, in-4o. inséré dans le trésor d’antiquités romaines de Grævius, tome VI. La même année notre savant publia : insignia itinerarii Italici, quibus continentur antiquitates sacræ, Utrecht, 1696. Ce volume contient cinq anciennes pieces importantes, tirées des bibliotheques de Vienne & de Léipzig. Quatre ans après sa mort, M. Henninius a donné au public la relation des voyages de Tollius sous ce titre : Jacobi Tollii epistolæ itinerariæ, Amsterdam, 1700, in-4o. Il y a bien des choses curieuses dans ces lettres, sur-tout dans la cinquieme, qui contient la relation du voyage de Hongrie.

Tollius (Alexandre), mort en 1675, est connu par son édition d’Appien : Appiani Alexandrini roman. histor. Amsterdam 1670, in-8o. deux volumes. Cette édition d’Appien est belle, & d’un caractere fort net.

Utenbogaert (Jean), célebre théologien parmi les remonstrans, naquit à Utrecht en 1557, & mourut à la Haye en 1644, dans la 88e année de son âge. C’étoit un homme très-savant, dont l’esprit, la conduite & les manieres gagnerent d’abord le cœur de Maurice ; mais ce prince finit par le maltraiter sans aucun sujet légitime, ainsi qu’il paroît en ce que Louise de Coligni, & Fréderic Henri son fils, eurent toujours une estime singuliere pour Utenbogaert, étant bien convaincus que le prince d’Orange lui avoit fait tort.

Utenbogaert écrivoit en sa langue avec beaucoup de sagesse & de précision ; c’est ce qui se prouve par son histoire des contreverses d’alors, par sa vie, & par plusieurs autres écrits hollandois qu’il publia. S’il n’avoit pas l’étendue & la pénétration de génie d’Episcopius, il le surpassoit peut-être en netteté & en simplicité de style. Mais ils eurent toute leur vie une