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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 17.djvu/570

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soit libre & bien conditionné pour seconder la rétine & propager le long de ses fibres jusqu’au sensorium commune, l’image entiere & parfaite des objets qui y sont dessinés.

A ce détail que j’ai tiré des écrits d’excellens physiciens modernes, & de M. de Buffon en particulier, le lecteur curieux d’approfondir les connoissances que l’Optique, la Dioptrique, & la Catoptrique, nous donnent sur le sens de la vue, doivent étudier les ouvrages de Newton, Gregori, Barrow, Molineux, Brighs, Smith, Hartsoeker, Musschenbroeck, S’gravesande, la Hire, Desaguliers, &c. (Le chevalier de Jaucourt.)

Vue, lésion de la, (Patholog.) la lésion de la vue peut arriver en une infinité de manieres. Mais quelque nombreux que soient les symptomes de cette lésion, on les distingue fort bien en faisant le dénombrement des causes qui affectent les différentes parties de l’organe de la vue ; car premierement les parties qui enferment & retiennent le globe de l’œil, sont pressées, enfoncées, poussées en-dehors, rongées par des tumeurs inflammatoires, par des aposthumes, des skirrhes, des cancers, des exostoses, par la carie des os qui forment l’orbite ; & delà la figure de l’œil, la nature, la circulation des humeurs, l’axe de la vue, la collection des rayons dans le lieu convenable, se dépravent.

Ensuite l’inflammation, la suppuration, l’enflure, la conglutination, la concrétion des paupieres, des grains qui s’y forment, troublent la vue, & cela par plusieurs causes ; mais le plus souvent par la mauvaise affection des glandes sébacées. En effet, les yeux se remplissent d’ordures, commencent à souffrir, à s’irriter, perdent leur vivacité, & finalement leurs humeurs se corrompent.

De plus, les larmes trop abondantes, âcres, épaisses, coulant par gouttes au bord des paupieres, & delà sur les joues, causent en cet endroit des humidités qui troublent la vue, des érosions inflammatoires, des offuscations, des sistules lacrymales ; maux qui arrivent par la trop grande laxité de la glande lacrymale, ou par l’acrimonie & le trop grand mouvement de la matiere des larmes. Peut-être aussi par la mauvaise disposition de la caroncule qui est placée à l’angle de l’œil, ou par la mauvaise & la différente disposition des points lacrymaux, & des tuyaux qui portent les larmes de ces points dans le sac lacrymal ; de plus, par l’éloignement quelconque où ce sac peut être de son état naturel, & par un vice du canal nasal, ou de la membrane qui tapisse intérieurement les narines, par un vice, dis-je, qui empêche la communication de ce canal dans la cavité du nez. Or, les causes dont on vient de donner le détail, viennent elles-mêmes d’un grand hombre d’autres causes.

La vue est encore dépravée, empêchée, détruite, par les différentes maladies de la cornée & de l’albuginée, telles que l’obscurcissement, le défaut de blancheur, l’épaississement, l’œdème, les phlictenes, l’inflammation, les tayes, les cicatrices, la nature cartilagineuse de ces tuniques ; & ces maux viennent ordinairement de plusieurs causes de différente nature.

Quand l’humeur aqueuse vient à manquer, la cornée se ride, l’œil s’éteint ; si elle est trop abondante, elle forme un œil d’éléphant ; croupit-elle faute d’être renouvellée, elle détruit toute la fabrique de l’œil par la putréfaction ; si elle se colore ou s’épaissit comme de la mucosité ou de la pituite, les yeux prennent une couleur étrangere ; des suffusions, des cataractes s’ensuivent : ces choses arrivent le plus souvent entre les parties internes de l’uvée & le crystallin, & leur cause est l’inflammation, la cacochymie, ou l’imprudente application de remedes trop coagulans.

Si l’uvée s’enflamme, il naît une ophthalmie fort douloureuse, & qui devient bientôt très-pernicieuse à la vue ; si elle suppure, on devient aveugle ; si elle devient immobile, & en même tems se resserre, l’héméralopie s’ensuit, genre de maladie qui survient aussi à l’occasion d’une petite cataracte, moins épaisse aux bords qu’au milieu. Mais si l’uvée immobile est en même tems fort ouverte, cela donne lieu à la nyctalopie.

Il arrive encore que l’opacité, l’inflammation, la suppuration l’hydropisie, la corruption, l’atrophie du crystallin, produisent le glaucôme, la cataracte, émoussent la vue, font naître l’aveuglement, l’amblyopie. Mais si ce même corps est lésé par rapport à sa figure, à sa masse, à sa consistance, à sa transparence, il s’ensuivra plusieurs accidens fâcheux à la vue, de différente nature, & souvent surprenans.

La figure trop sphérique de la partie du bulbe qui avance en-dehors, la petitesse même de la pupille, & plusieurs conditions qu’on n’a point encore assez bien examinées, par rapport à la longueur de l’œil, au crystallin même, à sa situation, pourront produire différentes especes de myopies ; comme au contraire, l’œil trop plat ou trop long, ainsi que la différente nature du crystallin, & sa diverse situation, peuvent donner lieu à la presbyopie.

Comme l’humeur vitrée est exposée aux mêmes vices dont on a fait mention, elle pourra souffrir & produire des maux à-peu-près semblables.

Les différens vaisseaux de la membrane appellée rétine, sont aussi sujets à souffrir & à produire divers maux. En effet, l’hydropisie, l’œdème, les phlictènes, l’inflammation, la compression de ces vaisseaux ; de pareils maux qui attaquent le nerf optique même, & les membranes qui l’enveloppent ; de plus une tumeur, un stéatome, un abscès, une hydatide, une pierre, l’inflammation, l’exténuation, l’érosion, la corruption, l’obstruction, affectant le cerveau, en sorte que la communication libre entre le nerf optique & son origine, dans la partie médullaire du cerveau, soit empêchée, ou tout à fait abolie ; toutes ces choses produisent de différentes manieres, des images, des floccons, des étincelles, & l’amaurose ou la goutte sérène.

La paralysie, ou le spasme des muscles moteurs de l’œil, leurs divers tiraillemens qui viennent des os, l’orbite mal affecté, ainsi que les plaies, les ulceres, l’inflammation, la pression, peuvent donner lieu à la rinoptie, au strabisme, à l’œil louche, au regard féroce, & à d’autres maux surprenans.

La choroïde, la tunique de Ruysch, l’uvée, qui sont remplies d’une très-grande quantité de vaisseaux sanguins, étant exposées par-là à l’inflammation & à la suppuration, peuvent produire l’upopie. De plus, selon que les diverses parties de l’œil seront diversement affectées, on sera très-fréquemment sujet à des hallucinations, à des erreurs, à des vues confuses, & à l’aveuglement. Boerrhaave. (D. J.)

Vue, seconde, (Hist. mod.) c’est une propriété extraordinaire que l’on attribue à plusieurs des habitans des îles occidentales de l’Ecosse. Le fait est attesté par un si grand nombre d’auteurs dignes de foi, que malgré le merveilleux de la chose, il paroît difficile de la révoquer en doute ; cependant il n’y faut pas manquer. Le plus moderne des auteurs qui font mention de cette singularité, est M. Martin, auteur de l’histoire naturelle de ces îles, & membre de la société Royale de Londres.

La seconde vue est donc une faculté de voir les choses qui arrivent, ou qui se font en des lieux fort éloignés de celui où elles sont apperçues. Elles se représentent à l’imagination comme si elles étoient devant les yeux, & actuellement visibles.

Ainsi, si un homme est mourant, ou sur le point