Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 17.djvu/665

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

che, sous laquelle on voit un petit champignon rouge qui naît de la peau, qui parvient insensiblement à différentes grandeurs ; les plus considérables égalent les plus grosses mûres auxquelles ils ressemblent d’ailleurs beaucoup par la figure, & paroissent être comme elles un amas de petits grains. Pendant que ces champignons croissent à ce point, les poils noirs qui se trouvent sur les parties attaquées du yaw, perdent leur couleur, deviennent blancs & transparens comme les cheveux de vieillards. Ces champignons qu’on appelle aussi les yaws, viennent indifféremment sur toutes les parties du corps, mais le plus grand nombre & les plus gros se trouvent ordinairement aux aines, autour des parties externes de la génération, sous les aisselles & au visage. Leur nombre est en raison inverse de leur grosseur. Les negres robustes bien nourris, chargés d’embonpoint ont leurs yaws ou champignons plus gros & beaucoup plutôt fermés que ceux qui étoient maigres, affoiblis, & qui n’avoient que de mauvaise nourriture.

On n’assigne point d’autre cause de cette maladie que la contagion ; les excès dans aucun genre, ne paroissent capables ni de la produire ni de l’augmenter. Elle se communique par le voisinage, la cohabitation, le coït, l’allaitement ; elle se transmet aussi avec la vie des parens aux enfans, & sans doute que le germe de cette maladie, ou la disposition qu’ont ces peuples à en être attaqués, est un héritage funeste qui passe de génération en génération à la postérité la plus reculée. Le yaw paroît en cela avoir quelque rapport avec la lepre des anciens, & les maladies vénériennes. Il a aussi par son endémicité, & par l’universalité de ses ravages, quelque analogie avec la petite vérole ; mais il faudroit beaucoup d’observations qui nous manquent, pour constater l’identité de ces deux maladies ; du-reste elles ont encore cette ressemblance que la nature de l’une & de l’autre est entierement inconnue.

Les malades qui ont le yaw paroissent jouir d’ailleurs d’une bonne santé, ils mangent avec appétit, dorment très-bien, ne ressentent aucune douleur, & n’ont en un mot que l’incommodité qu’entrainent nécessairement la saleté, & quelquefois la puanteur de ces ulceres ; ils ne courent aucun danger si on les traite à tems, & d’une maniere méthodique, ils n’ont alors ni rechute ni accident étranger à craindre ; mais cette maladie est longue, difficile à guérir, & souvent incurable chez ceux qui ont déja pris intérieurement du mercure, surtout si la dose en a été assez forte pour exciter la salivation, chez ceux aussi qui ont retombé une ou plusieurs fois ; la complication du yaw avec la vérole, peut en augmenter le danger, soit en excitant des symptomes graves, soit en trompant le médecin sur la cause de ces symptomes, & lui fournissant des indications fautives qui l’engagent à donner des remedes peu convenables. Cette erreur est plus fréquente, & d’une plus grande conséquence sur les suites de ces maladies, parce qu’il n’est pas aisé de distinguer à quelle des deux elles appartiennent, & qu’il est dangereux d’insister trop sur les remedes qui ont paru les plus appropriés, & qui alors conviennent plus à une maladie qu’à l’autre. Lorsqu’on a mal traité le yaw, il survient des douleurs dans les os, des exostoses, des caries ; il est très-douteux si ces accidens surviendroient en cas qu’on s’abstint entierement de remedes ; il peut se faire que la maladie cessât par le desséchement des champignons.

L’usage du mercure dans cette maladie est un remede très-ancien & très-efficace, pourvû qu’il soit administré avec circonspection, & d’une maniere convenable ; on se servoit autrefois du sublimé corrosif, dont on faisoit dissoudre deux gros dans huit onces d’eau de barbade ; on donnoit le matin au ma-

lade, dès que sa peau se couvroit de champignons,

vingt cinq gouttes de cette dissolution, observant de faire boire beaucoup d’eau chaude toutes les fois qu’il avoit des nausées ; ce remede le faisoit vomir & cracher tout le matin ; on le réitéroit de même pendant plusieurs jours, en augmentant seulement de cinq gouttes chaque jour ; par ce moyen le malade se trouvoit en peu de tems beaucoup mieux ; mais on a remarqué que les excroissances fongueuses reparoissoient à la plupart de ceux qui avoient été traités par cette méthode, ou qu’il leur survenoit des douleurs insupportables dans les os, ou des ulceres en différentes parties du corps ; la maladie dans la rechute étoit trop longtems à parvenir à son dernier période, & il falloit donner du mercure pendant un tems considérable pour nettoyer la peau, & quelquefois après tous ces remedes, ils avoient deux ou trois rechûtes. L’auteur qui a communiqué à la société d’Edimbourg le mémoire que nous abrégeons ici, assure avoir guéri plusieurs de ces malades attaqués d’ulceres au moyen de la salivation qu’il excitoit par un long usage d’æthiops minéral, avec la décoction des bois sudorifiques dans l’eau de chaux ; il avoue qu’à quelques-uns ces remedes n’ont rien fait, & que d’autres ont été beaucoup plus malades après les avoir pris. Tels sont ceux principalement qui avoient des douleurs rongeantes dans les os, suivies de nodus, d’exostoses & de carie, & dans qui les os des bras & des jambes se rompoient sans cause manifeste. Il est très vraisemblable que cette préparation de mercure fort analogue à celle qu’a proposée Vanswieten, n’avoit ces suites funestes, qu’à cause de la trop petite quantité de liqueur spiritueuse, relativement à la dose du sublimé corrosif, de façon que ce poison actif étoit donné presque inaltéré, & à très-haute dose.

La méthode que suit l’auteur que nous venons de citer. est de séparer d’abord le negre infecté du yaw des autres, pour empêcher la communication de la maladie, & de le tenir enfermé dans une maison où il soit seul ; & lorsque l’éruption caractérise bien le yaw, il donne tous les soirs, pendant quinze jours ou trois semaines, ou jusqu’à ce que les yaws soient parvenus à un état fixe sans augmenter, un bol fait avec flor. sulphur. ℈. j. camph. inspirit. vin solut. gr. v. theriac. andcomach. ʒ. j. syrup. croci, m. s. m. f. bol. Après cela il passe tout-de-suite, sans préparation aux remedes mercuriaux, dans la vue d’exciter une legere salivation. Il se sert du mercure doux, qu’il donne à petite dose, afin qu’il ne purge ni par en-haut, ni par en-bas ; il n’en donne jamais plus de cinq grains, qu’il réitere deux ou trois fois par jour, selon que le malade paroît en état de le supporter ; ne pousse jamais la salivation au-delà d’une pinte par jour ; & lorsqu’elle a été portée à ce point, il arrive souvent que les champignons se couvrent d’une croute écailleuse & seche, ce qui présente un spectacle très-désagréable ; ces écailles tombent peu-à-peu, & dans dix ou douze jours la peau reste unie & nette ; il faut alors cesser l’usage du mercure doux, & laisser tomber la salivation d’elle-même, après quoi l’on fait suer le malade deux ou trois fois, par le moyen de la lampe à l’esprit-de-vin, & on leur fait prendre l’electuaire suivant. ♃. æthiop. mineral. ℥ j. s. gumm. guayac, ℥ s. olei sassafr. gtt. xx. theriac. andromach. conserv. ros. rub. ana, ℥. j. syrup : croci. q. s. m. f. elect. cap. æg. ʒ. xj. manè & sero. L’auteur ordonne encore la décoction de gayac & de sassafras fermenté avec le syrop de sucre pour toute boisson, pendant l’usage de l’électuaire, & la fait continuer huit ou quinze jours après.

Quelquefois après que tous les champignons ou yaws ont disparu, que la peau est nette, & que la salivation est tombée, il en reste un gros, dont les grains sont fort saillans, & qui est rouge & humide,