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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 17.djvu/7

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Il envoya en France en 1467, le cardinal d’Arras, pour faire vérifier au parlement les lettres-patentes, par lesquelles le roi Louis XI. avoit aboli la pragmatique-sanction ; mais le procureur général & l’université de Paris s’opposerent à cet enregistrement. C’est encore Paul II. qui par une bulle du 19 Avril 1470, réduisit le jubilé à 25 ans, en espérance, dit Du-Plessis Mornay, de jouir de cette foire l’an 1475 ; mais ce fut son successeur Sixte IV. qui en tira le profit.

Alexandre VIII. en son nom Pierre Ottoboni, succéda à 79 ans au pape Innocent XI. en 1689, & mourut deux ans après. Il avoit en mourant fait deux choses ; 1°. fulminé une bulle contre l’assemblée du clergé de France, tenue en 1682, & 2°. distribué à ses neveux tout ce qu’il avoit amassé d’argent. Ce dernier trait de sa vie fit dire à Pasquin, qu’il auroit mieux vallu pour l’Eglise être sa niece que sa fille.

Passons aux savans nés à Venise : je trouve d’abord les Barbaro ; & si leur famille n’est pas une des vingt-quatre nobles, elle est du-moins la plus illustre dans les Lettres.

Barbarus (François) réunit les sciences au maniment des affaires d’état ; en même tems qu’il rendit de grands services à sa patrie, il traduisit du grec la vie d’Aristide & de Caton, après avoir donné son ouvrage de re uxoriâ ; il mourut l’an 1454.

La même année naquit son petit-fils Barbarus (Hermolaüs) un des savans hommes de son siecle. Les emplois publics dont il fut chargé de très-bonne heure auprès de l’empereur Frédéric, & de Maximilien son fils, ne le détournerent point de l’étude. Il traduisit du grec plusieurs ouvrages d’Aristote, ainsi que Dioscoride, qu’il mit au jour avec un docte commentaire. Il étoit ambassadeur de Venise auprès d’innocent VIII. lorsque le patriarche d’Aquilée vint à mourir. Aussi-tôt le pape lui conféra cette place, qu’il eut l’imprudence d’accepter sans le consentement de ses supérieurs ; la république fut irritée, le bannit, & confisqua ses biens. Cependant il n’étudia jamais avec tant d’application que depuis que sa patrie l’eut maltraité. Sa disgrace nous a procuré le meilleur de ses ouvrages, son édition de Pline, publiée l’an 1492 ; il y corrigea près de cinq milles passages ; il a rompu la glace, & s’il a souvent fait des plaies à son auteur, il l’a aussi très-souvent rétabli ; il mourut à Rome l’an 1493.

Barbarus (Daniel) mort en 1569, à l’âge de 41 ans, avoit été ambassadeur en Angleterre, & fut un des peres du concile de Trente. Il a donné la prattica della perspectiva, Venise 1559 ; & il mit au jour dans la même ville l’an 1567, un commentaire sur Vitruve. Il étoit en même tems si prévenu pour Aristote, qu’il lui auroit volontiers prêté serment de fidélité, s’il n’avoit pas été chrétien.

Bembo (Pierre) en latin Bembus, noble vénitien, l’un des plus polis écrivains du xvj. siecle, naquit en 1470. Il parut beaucoup à la cour du duc de Ferrare, & à celle du duc d’Urbin, qui étoient alors le rendez-vous des plus beaux esprits. Léon X. le nomma son secrétaire avec Sadolet, avant que de sortir du conclave, où il fut promu à la papauté. Paul III. le créa cardinal en 1538, & lui donna un évêché ; il mourut l’an 1547, dans sa 77 année ; Jean de la Caza a écrit sa vie.

Son premier livre est un traité latin, de monte Ætna, qui parut l’an 1486 : à l’âge de vingt-six ans, il écrivit gli Azolani, qui sont des discours d’amour, ainsi nommés, parce qu’on suppose qu’ils furent faits dans le château d’Azolo. Ils ont été traduits en françois en 1545 ; on le blâme justement d’avoir donné cet ouvrage, & d’autres poésies encore plus licentieuses, que Scaliger appelloit elegantissimas obscenigates. Nous parlerons de son histoire de Venise à l’article de cette république.

Egnatio (Jean Baptiste) en latin Egnatius, célebre humaniste du xvj. siecle, étoit disciple d’Ange Politien. Il enseigna les Belles-Lettres dans Venise sa patrie avec une réputation extraordinaire, & n’obtint que dans une âge décrépit la démission de son emploi ; mais on lui conserva une pension de deux cens écus de rente, ducentos aureos nummos, & ses biens furent affranchis de toutes sortes d’impôts. Il laissa sa petite fortune, sa belle bibliotheque, son cabinet de médailles, & sa collection d’antiques, à trois illustres familles de Venise ; il mourut en 1553, âgé de 80 ans.

Ses ouvrages sont 1°. de romanis principibus vel Cæsaribus, libri tres. L’abbé de Marolles a traduit ce livre en françois l’an 1664, 2°. de Origine Turcarum, 3°. observationes in Ovidium ; 4°. Interpretamenta in familiares epistolas Ciceronis ; 5°. de exemplis illustrium virorum, &c. Mais il parloit mieux qu’il n’écrivoit, & ne mérite pas dans ses livres la qualité de cicéronien qu’on lui a donnée.

Corradus rapporte un fait assez curieux sur la facilité de son élocution. Egnatius étant sur le point de finir une harangue, vit entrer le nonce du pape dans l’auditoire ; il recommença son discours, le répéta tout différemment, & avec encore plus d’éloquence que la premiere fois ; de sorte que ses amis lui conseillerent de continuer ses harangues, ses leçons, & de ne plus écrire.

Paul & Alde Manuce, ont fait beaucoup d’honneur à leur patrie par leur érudition. Le premier né en 1512, fut nommé par Pie IV. chef de l’Imprimerie apostolique ; il mourut en 1574, à 62 ans. On a de lui, 1°. une édition estimée des œuvres de Cicéron avec des notes & des commentaires ; 2°. des épîtres en latin & en italien ; 3°. les traités de legibus romanis ; de dierum apud Romanos veteres ratione ; de senatu romano ; de civitate romanâ ; de comitiis Romanorum.

Manuce (Alde) dit le jeune, fils de Paul, & petit-fils d’Alde Manuce, le premier imprimeur de son tems, surpassa la réputation de son pere. Il vint à Rome, où il enseigna les humanités, mais avec si peu de profit, qu’il fut obligé pour vivre de vendre la magnifique bibliotheque que son pere, son ayeul, & ses grands-oncles, avoient recueillie avec un soin extrème, & qui, dit-on, contenoit quatre-vingt mille volumes. Il mourut en 1597, sans autre récompense que les éloges dûs à son mérite. Ses ouvrages principaux, sont des commentaires sur Cicéron, & sur l’art poétique d’Horace, de quæsitis per epistolas libri tres ; Commentarius de orthographiâ ; Tractatus de notis veterum, & d’autres livres sur les Belles-Lettres en latin & en italien.

Frapaolo Sarpi (Marco) que nous nommons en françois le pere Paul, est un des hommes illustres dont Venise a le plus de raison de se glorifier. Il naquit en 1552, & montra dès son enfance deux qualités qu’on voit rarement réunies, une mémoire prodigieuse, & un jugement exquis ; il prit l’habit de servite en 1566, & s’appliqua profondément à l’étude des Langues, de l’Histoire, du Droit canon, & de la Théologie ; ensuite il étudia la Philosophie expérimentale, & l’Anatomie. Il fut tiré de son cabinet pour entrer dans les affaires politiques, à l’occasion du fameux différend qui s’éleva entre la république de Venise, & la cour de Rome, au sujet des immunités ecclésiastiques.

Le pere Paul choisi par la république pour son théologien, & l’un de ses consulteurs, prit la plume pour la défense de l’état, & écrivit une piece sur l’excommunication. Cette piece a paru en françois sous le titre de droit des souverains, défendu contre les excommunications, &c. mais dans l’italien, elle est intitulée : Consolation de l’esprit pour tranquilliser