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dissert. de pignorib. & Tollieu, dissert. de luitione pignoral. Ultraj. 1706.

Peut-être enfin qu’après avoir tout lû, on conclura que les anciens jurisconsultes n’ont jamais eu des idées bien nettes & bien liées sur cette matiere ; ou si l’on veut que les fragmens qui nous restent de leurs écrits sur ce sujet, ne sont ni moins obscurs, ni moins imparfaits que sur tant d’autres. (D. J.)

GAGEURE, s. f. (Droit naturel.) sorte de contrat hasardeux, par lequel deux personnes, dont l’une affirme, & l’autre nie un événement ou un fait sur lequel aucune d’elles n’a de connoissance suffisante, ou sur lequel même l’une d’elles déclare en être parfaitement instruite, déposent ou promettent de part & d’autre une certaine somme, que doit gagner la personne dont l’assertion se trouvera conforme à la vérité.

J’ai dit que la gageure est un contrat hasardeux ; parce que dans cette stipulation réciproque & conditionnelle, il y entre du hasard, puisqu’il ne dépend pas des parieurs de faire ensorte que l’événement ou la chose sur laquelle ils ont gagé, existe ou n’existe pas.

Lorsque l’on parie sur un événement déja passé, la gageure n’en est pas moins bonne, quand même l’un des contractans sauroit certainement la vérité ; en effet, quiconque se détermine volontairement à parier contre quelqu’un, sans rechercher si ce quelqu’un est assuré ou non de ce qu’il soutient, est censé vouloir bien courir risque de son argent contre une personne qui peut jouer à jeu sûr ; & lorsque ce cas arrive, il ne doit s’en prendre qu’à lui-même s’il s’abuse. A plus forte raison la gageure est-elle bonne, lorsque l’un des gageurs déclare qu’il est parfaitement informé de ce dont il s’agit, & avertit la personne qui est d’un avis opposé, de ne point s’engager dans un pari téméraire.

Autre chose est néanmoins, si avant que de parier sur un fait ou un événement inconnu, l’un demande expressément à l’autre ce qu’il en sait : car en ce cas là, si la personne questionnée fait semblant d’ignorer ce dont elle est instruite pour obliger l’autre à gager, il y a de la mauvaise foi de sa part, & par conséquent la gageure est nulle.

Celle de Samson contre les Philistins, pour l’explication de son énigme, devenoit nulle de droit par une autre raison, savoir, parce que l’énigme par lui proposée, n’étoit pas dans les regles, & pouvoit s’expliquer de plusieurs façons différentes, qui n’auroient pas été la sienne, & qui auroient peut être mieux valu. On sent bien que les jeux de mots & d’esprits ne sont pas plus licites dans les gageures que dans les autres engagemens de la société.

En général, c’est dans la droite raison, & dans l’application des principes de la nature des contrats, qu’il faut puiser ses jugemens sur la validité ou non-validité des gageures : car d’un côté, le droit civil est très-concis sur ce sujet, & ne fournit aucunes lumieres ; de l’autre, les usages des divers états de l’Europe à cet égard, ne s’accordent point ensemble.

Il n’y a je pense que deux seules lois dans le digeste sur les gageures ; la premiere, de Aleatoribus, dit que suivant la loi Titia & la loi Cornelia, il étoit défendu à Rome de gager pour le succès que des joueurs auroient à des jeux illicites ; mais que les gageures étoient permises dans les jeux où il s’agissoit de faire paroître la force & le courage : or, par ordre du sénat, tous les jeux étoient illicites, excepté ceux d’adresse ou de force du corps.

La seconde loi romaine connue, est la loi 17. de præs. verb. qui nous apprend de quelle maniere se faisoient les gageures chez les Romains. Si quelqu’un, dit cette loi, à cause d’une gageure (Sponsionis causa), a reçu un anneau, & ne l’a pas rendu à celui qui a

gagné, ce dernier a une action contre lui. Les Romains avoient coutume de déposer entre les mains d’un tiers, les anneaux qu’ils portoient au doigt ; ce dépôt tenoit lieu de stipulation, & rendoit la gageure obligatoire ; c’est pour cette raison que parmi les jurisconsultes, le mot de consignation & de gageure, se prennent indifféremment l’un pour l’autre, & vraisemblablement gageure vient de gage ; il est encore arrivé de là dans le droit civil, que les gageures ne sont point réputées des conventions sérieuses, si le gage n’a été déposé.

En effet, le petit recueil de décisions que l’on a sur ce sujet, dans nos parlemens qui suivent le droit romain, n’ont confirmé les gageures que dans le cas de consignation, jusques-là même qu’on a jugé au parlement de Bourgogne, qu’il ne suffisoit pas en fait de gageure, que la convention fût rédigée par devant notaire, pour rendre le pari valable.

Mais lorsqu’il s’agit de l’adresse & de la force du corps, la gageure est déclarée obligatoire, quoique le prix n’ait pas été déposé, parce que le prix de la gageure est proprement la récompense de l’adresse & du péril ; ainsi la gageure que fit M. de Saillant, avec M. le Duc, auroit été décidée très-obligatoire, quand même le prix de cette gageure n’auroit pas été consigné, M. de Saillant paria dix mille écus contre M. le Duc, qu’il iroit & reviendroit deux fois à cheval, avec des relais placés d’espace en espace, dans six heures de tems, de la porte Saint-Denis à Chantilly ; il termina ses quatres courses quinze minutes avant les six heures écoulées, & mourut malheureusement de cet effort au bout de quelques mois. Il faut dire la même chose (car c’est le même cas), de la gageure de mille louis que le lord Powerscourt fit il y a vingt ans, de se rendre à cheval, avec des relais, de Fontainebleau à Paris en moins de deux heures ; il gagna sa gageure d’un bon quart-d’heure, & sans se fatiguer.

Quelques états de l’Europe ont absolument prohibé plusieurs especes de gageures, dont quelques-unes paroissent indifférentes en d’autres lieux : à Rome, par exemple, il est défendu par des bulles, de faire des gageures sur l’exaltation des papes, & sur la promotion des cardinaux : à Venise, il est défendu de gager sur le choix des personnes qu’on doit élever à des charges publiques : à Gènes cette défense a lieu sur le succès des expéditions militaires de l’état, sur les mariages à contracter, & sur le départ ou l’arrivée des vaisseaux : mais en Angleterre, où l’on ne connoît point ces petites entraves de la politique italienne, en Angleterre, où le gouvernement est libre, on y fait sans cesse des gageures sur toutes sortes d’évenemens contingens, & la loi ne défend que celles qui sont deshonnêtes & illicites par elles-mêmes. (D. J.)

GANTERIE, s. f. (Art méch.) sous le nom de ganterie, l’on entend l’art de fabriquer toute sorte de gants, espece de vêtement de main destiné principalement à la défendre du froid pendant l’hiver, & du hâle pendant l’été. Ce mot vient, selon quelques-uns, de vagina, &, selon d’autres, de wante, mot flamand, ou ancien allemand, qui veut dire la même chose. Du Cange le dérive de wantus, wanto, & gwantum, mot tiré de la basse latinité.

L’usage des gants semble être fort ancien ; les premiers qui ont paru, s’appelloient chiroteques. On en fit dont se servirent les paysans pour se garantir des piquures d’épines lorsqu’ils les coupoient ; ensuite on en fit usage pendant l’hiver pour se garantir du froid ; enfin, ils se sont si fort multipliés, qu’on en porte maintenant par-tout, non-seulement pendant l’hiver, mais même pendant l’été ; on en fait encore usage dans toutes les cérémonies, soit de mariages, baptêmes, &c. Nous diviserons la ganterie en deux