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parties ; l’une est la connoissance des peaux propres aux gants, & l’autre est la maniere de les tailler pour en faire des gants ou mitaines de toute espece, tant pour hommes que pour femmes.

Des peaux propres aux gants. Les peaux que l’on emploie pour les gants, sont celles de chamois, de bufle, d’élan, de bouc, de chevre, de chevreau, de cerf, de dain, de mouton, de brebis, d’agneau, & autres animaux, ainsi que de canepin, pellicule très-mince que l’on leve de dessus les peaux pour en faire des gants les plus minces, & dont la paire peut être contenue dans une coque de noix. On emploie quelquefois, mais fort rarement celles de castor, quoique les marchands assurent que tels & tels gants en sont faits. Cette peau est fort peu propre aux gants, étant trop dure & trop peu liante ; on la reserve plutôt pour les fourrures, chapeaux, &c. Toutes ces peaux sont passées en huile & préparées par les Chamoiseurs & Mégissiers, qui les fournissent aux Gantiers toutes préparées ; qu’ils font teindre ensuite par les Teinturiers, selon les couleurs qu’ils jugent à-propos de leur donner. On peut voir cette partie détaillée fort au long dans l’art de la Mégisserie, où l’on distingue toutes les manieres de préparer les peaux selon leurs especes & leurs qualités. On fait aussi les gants au métier ou à l’éguille en soie, fil, & coton, ou bien encore en taffetas, satin, velours, & autres étoffes ; mais les premiers regardent plus particulierement les Bonnetiers, & les seconds les marchands de modes.

Des gants. Les gants se divisent en deux sortes : les uns qu’on appelle gants proprement dits, & les autres mitaines ; les premiers sont aussi de deux especes : les uns pour hommes sont les plus courts, & enveloppent les quatre doigts de la main & le pouce, chacun séparément, le métacarpe ou la paume & le carpe ou le poignet jusqu’au-dessus seulement ; les autres pour femmes sont les plus longs, étant accoutumés à avoir les bras découverts ; ils enveloppent comme les précédens non-seulement les quatre doigts de la main & le pouce chacun séparément, quelquefois ouverts, & quelquefois fermés, le métacarpe & le carpe, mais même aussi l’avant-bras en entier jusqu’au coude. Les mitaines sont aussi des especes de gants faits comme les précédens, mais dont les quatre doigts de la main sont ensemble & le pouce séparément ; il en est de fermées & d’ouvertes ; les unes servent aux paysans pour les garantir des piquures d’épines lorsqu’ils les coupent, & aux enfans pour leur tenir les mains plus chaudement, & les autres servent à presque toutes les femmes, lorsqu’elles vont en ville, en visite, ou en cérémonie, plus souvent par coutume que par besoin.

Dela maniere de faire les gants. Les gants sont composés chacun de quatre sortes de pieces principales : la premiere est l’etavillon, (on appelle ainsi toute espece de peau taillée ou non taillée, disposée pour faire un gant) ; la deuxieme, qui est le pouce, est un petit morceau de peau préparé pour faire le pouce ; la troisieme, sont les fourchettes ; ce sont aussi des petits morceaux de peaux à deux branches qui se placent entre les doigts pour leur donner l’agilité nécessaire ; la quatrieme, sont les quarreaux. Ce sont de très petits morceaux de peau plutôt losanges que quarrés, qui se placent dans les angles intérieurs des fourchettes pour les empêcher de se déchirer, & en même tems contribuer avec elles à l’agilité des doigts.

Avant que de tailler les gants, il faut d’abord en préparer les peaux ; pour cet effet on commence par les parer & en supprimer le pelun ; si elles sont trop épaisses, ou plus d’un côté que de l’autre, il faut les effleurer, c’est-à-dire en ôter la fleur ; ce qui se fait en levant d’abord du côté de la tête une li-

siere de cette fleur, qu’on appelle aussi canepin, &

avec l’ongle on enleve cette petite peau peu-à-peu ; ce qui les rend alors beaucoup plus maniables & plus faciles à s’étendre. Ceci fait, après les avoir bien brossées & nettoyées, on les humecte très-légerement du côté de la fleur avec une éponge imbibée dans de l’eau fraîche, & on les applique les unes sur les autres, chair sur chair, & fleur sur fleur ; on les met ensuite en paquet jusqu’à ce qu’elles ayent pris une humidité bien égale, & on les tire ensuite l’une après l’autre sur un palisson, figure 12. Planche V. en longueur, en largeur, & en tout sens ; les maniant ainsi tant qu’elles peuvent s’étendre ; ensuite on les dépece, & on les coupe pour en faire des étavillons, pouces, fourchettes, &c.

Lorsque l’on veut faire un gant, il faut préparer d’abord ses étavillons, ce qu’on appelle étavillonner ; si la peau en est encore trop forte & trop épaisse, on l’amincit en la dolant ; ce qui se fait en cette maniere. On applique l’étavillon sur une table ; on pose ensuite sur une de ses extrémités le marbre à doler, figure 5. Planche V. en sorte que son autre extrémité retourne par-dessus, que l’on tient de la main gauche bien étendue sur le marbre en appuyant dessus ; on le dole, c’est-à-dire, on l’amincit, & on ôte en même tems toutes les inégalités avec le doloir ou couteau à doler, figure 6. Planche V. qu’on a eu grand soin auparavant d’éguiser avec une petite pierre, & ensuite d’ôter le morfil avec l’épluchoir, figure premiere, Planche V. qui n’est autre chose qu’un mauvais couteau ; l’on tient pour doler le couteau sur son plat de la main droite, en le faisant aller & venir successivement, jusqu’à ce qu’étant bien dolé partout, la peau en soit égale. Ceci fait, un ouvrier l’étend & le tire sur le palisson, figure 12. Planche V. ou sur la table fortement & à plusieurs reprises sur tous sens pour l’alonger, comme on a fait les peaux, plus ou moins, selon ses différentes épaisseurs, & toujours pour l’égaliser ; ensuite il l’épluche & le déborde, c’est-à-dire, en tire les bords & les égalise avec l’épluchoir, figure premiere, Planche V. le plie en deux pour en faire le dessus & le dessous du gant, taille les deux côtés ensemble & les bouts selon la largeur & la forme convenables ; ensuite le met en presse sous un mabre de pierre ou de bois à cet effet, figure 7. & 8. Planche V. jusqu’à ce qu’un autre ouvrier le reprenne pour le tailler, & on en recommence ensuite un autre de la même maniere.

L’étavillon ainsi préparé, un autre ouvrier entaille les doigts, comme on peut le voir en ABCD, fig. 1. leur donne leur-longueur, les rafile, fait les arrieres fentes EFG, enlevure H, taille le pouce, fig. 2. les pieces de derriere, fig. 4. les trois fourchettes, la premiere, fig. 5. un peu plus longue que les autres, entre le premier doigt ou maître doigt, appellé index, & le deuxieme, le plus long ou du milieu, appellé medius, c’est-à-dire en E, fig. 1. Pl. I. la deuxieme fig. b, moins longue que la précédente, & plus longue que la suivante, entre le médius & le troisieme doigt, appellé annulaire, c’est-à-dire en F, fig. 1. & la troisieme, fig. 7. plus courte que les autres, entre le doigt annulaire & le petit doigt, appellé auriculaire, c’est-à-dire en G, fig. 1. & à chacune leur quarreau, fig. 8. dans l’angle de la premiere fourchette ; le deuxieme, fig. 9. dans l’angle de la seconde ; & le troisieme, fig. 10. dans l’angle de la derniere, & les ayant mis par paires, il les envoie par douzaines à des ouvriers ou ouvrieres, dont le talent ne consiste qu’à les coudre. Ces ouvriers se servent à cet effet, de fil très-fort, appellé fil à gant, ou de soie aussi très-forte.

Les gants cousus, fig. 11. 12. & 13. il faut les bien nettoyer & les blanchir avec du blanc d’Espagne ; le blanc pris, on les bat & on les brosse, surtout en