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des vers satyriques ; témoin son épigramme des deux adulteres, César & Mamurta. Cette épigramme a passé jusqu’à nous, & elle est fort bonne, parce qu’elle peint les mœurs de son siecle :

Consule Pompeio primùm duo, Cinna, solebant
Mæchi. Illi ah ! facto consule nunc iterùm
Manserunt duo, sed creverunt millia in unum
Singula ; foecundum semen adulterio.

« Cinna, sous le premier consulat de Pompée on ne voyoit à Rome que deux adulteres : ces deux-là même furent encore seuls sous le second consulat ; mais depuis lors chacun d’eux en a produit des mille ; leur adultere a été fecond ».

Cette piece ayant paru dans une conjoncture critique pour César, il ne déguisa point qu’il en recevoit un grand tort ; mais il se contenta d’obliger le poëte à lui faire satisfaction, & le soir même il l’invita à souper.

Nous n’avons pas toutes les œuvres de Catulle, & entr’autres son poëme dont parle Pline, l. XXVIII. c. ij. sur les enchantemens pour se faire aimer, sujet que Théocrite avoit traité avant lui. La premiere édition des œuvres de Catulle parut à Venise en 1488 avec les commentaires d’Antoine Parthenius. Scaliger en donna une nouvelle dans laquelle il corrigea plusieurs passages avec autant de sagacité que d’érudition. Enfin les deux meilleures éditions sont celles de Grævius à Utrecth en 1680, & d’Isaac Vossius à Leyde en 1684.

Macer (Emilius) vivoit vers l’an de Rome 738, & mourut en Asie, selon S. Jérôme. Il écrivit sur les serpens, les plantes & les oiseaux, au rapport de Quintilien. Il fit encore un poëme de la ruine de Troie pour servir de supplément à l’iliade d’Homere. Ovide parle souvent des ouvrages de ce poëte ; ils sont tous perdus ; car le poëme des plantes que nous avons sous le nom de Macer, n’est pas de celui qui vivoit du tems d’Auguste, & c’est d’ailleurs un livre fort médiocre.

Si cornelius Nepos n’est pas de Verone, il étoit du-moins du territoire de cette ville, puisqu’il naquit à Hostilie, selon Catulle, qui pouvoit en être bien informé. Cet historien latin florissoit du tems de Jules-César, étoit des amis de Cicéron & d’Atticus, & vécut jusqu’à la sixieme année de l’empire d’Auguste. Il avoit composé les vies des historiens grecs ; car il en fait mention dans celle de Dion, en parlant de Philistus. Ce qu’il dit dans la vie de Caton & d’Annibal, prouve aussi qu’il avoit écrit les vies des capitaines & des historiens latins ; enfin il avoit laissé d’autres ouvrages qui sont perdus. Nous n’avons plus de lui que les vies des plus illustres généraux d’armée de la Grece & de Rome, dont il n’a pas tenu à Æmilius Probus de s’attribuer la gloire. On prétend qu’ayant trouvé cet ouvrage de Nepos, il s’avisa de le donner sous son nom, pour s’insinuer dans les bonnes graces de Théodose ; mais la suite des tems a dévoilé cette supercherie.

On a deux traductions françoises des vies des capitaines illustres de Cornelius Nepos : l’une du sieur de Claveret, publiée en 1663, l’autre toute moderne de M. le Gras, alors de la congrégation de l’oratoire, imprimée à Paris en 1729, in-12 ; mais nous aurions besoin d’une nouvelle traduction plus élégante, plus travaillée, & qui fût embellie de savantes notes historiques & critiques, afin que l’historien latin devînt un ouvrage répandu dans toutes les bibliotheques des gens de goût, qui aiment à s’instruire de la vie des hommes célebres de l’antiquité.

Vitruve (Marcus Vitruvius Pollio) vivoit sous le regne d’Auguste, vers le commencement de l’ere chrétienne. Savant dans la science des proportions, il mit au jour un excellent ouvrage d’architecture di-

visé en dix livres, & les dédia au même empereur.

Cet ouvrage est d’autant plus précieux, que c’est le seul en ce genre qui nous soit venu des anciens. Nous en avons une belle traduction françoise enrichie de notes par M. Claude Perrault, dont la premiere édition parut à Paris en 1673, fol. & la seconde en 1684, chez Coignard.

Pline (Caïus Plinius secundus) vit le jour sous l’empire de Tibere, l’an 774 de Rome, qui est le 20° de l’ere chrétienne, & mourut sous Titus, âgé de 56 ans. Ce grand homme est de tous les écrivains du monde celui que l’Encyclopédie a cité le plus. Il intéresse singulierement l’humanité par sa fin tragique, & les savans de l’univers par ses écrits, qui sont dans les arts & dans les sciences les monumens les plus précieux de toute l’antiquité. Pline le jeune nous a donné dans une de ses lettres (lettre 5, l. III.) l’histoire des ouvrages de son oncle, & dans une autre lettre (lettre 16, l. VI.) la relation de sa mort. Je lis ces deux lettres pour la vingtieme fois, & je crois devoir les transcrire ici toutes entieres ; les gens de goût verront bien qu’il n’en falloit rien retrancher.

A Marcus. Vous me faites un grand plaisir de lire avec tant de passion les ouvrages de mon oncle, & de vouloir les connoître tous, & les avoir tous. Je ne me contenterai pas de vous les indiquer, je vous marquerai encore dans quel ordre ils ont été faits. C’est une connoissance qui n’est pas sans agrémens pour les gens de lettres.

Lorsqu’il commandoit une brigade de cavalerie, il a composé un livre de l’art de lancer un javelot à cheval ; & dans ce livre l’esprit & l’exactitude se font également remarquer ; il en a fait deux autres de la vie de Pomponius Secundus, dont il avoit été singulierement aimé, & il crut devoir cette marque de reconnoissance à la mémoire de son ami. Il nous en a laissé vingt autres des guerres d’Allemagne, où il a renfermé toutes celles que nous avons eu avec les peuples de ces pays. Un songe lui fit entreprendre cet ouvrage. Lorsqu’il servoit dans cette province, il crut voir en songe Drusus Néron, qui après avoir fait de grandes conquêtes, y étoit mort. Ce prince le conjuroit de ne le pas laisser enseveli dans l’oubli.

Nous avons encore de lui trois livres intitulés l’homme de lettres, que leur grosseur obligea mon oncle de partager en six volumes. Il prend l’orateur au berceau, & ne le quitte point, qu’il ne l’ait conduit à la plus haute perfection. Huit livres sur les façons de parler douteuses. Il fit cet ouvrage pendant les dernieres années de l’empire de Néron, où la tyrannie rendoit dangereux tout genre d’étude plus libre & plus élevé. Trente & un pour servir de suite à l’histoire qu’Aufidius Bassus a écrite. Trente-sept de l’histoire naturelle. Cet ouvrage est d’une étendue, d’une érudition infinie, & presque aussi varié que la nature elle-même.

Vous êtes surpris, comme un homme, dont le tems étoit si rempli, a pu écrire tant de volumes, & y traiter tant de différens sujets, la plûpart si épineux, & si difficiles. Vous serez bien plus étonné, quand vous saurez qu’il a plaidé pendant quelque-tems, & qu’il n’avoit que cinquante-six ans quand il est mort. On sait qu’il en a passé la moitié dans les embarras, que les plus importans emplois, & la bienveillance des princes lui ont attirés. Mais c’étoit une pénétration, une application, une vigilance incroyable. Il commençoit ses veilles aux fêtes de Vulcain, qui se célébroient ordinairement au mois d’Août, non pas pour chercher dans le ciel des présages, mais pour étudier. Il se mettoit à l’étude en été dès que la nuit étoit tout-à-fait venue ; en hiver, à une heure du matin, au plûtard à deux, souvent à minuit. Il n’étoit pas possible de moins donner au sommeil, qui quelquefois le prenoit & le quittoit sur les livres.