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d’eau pour le faire boire dans l’écurie sans le déranger de sa place. (V)

BOIRE, terme de papier ; on dit que du papier boit, lorsque l’encre pénetre à travers, & paroît de l’autre côté de la feuille ; le papier, qui boit ne vaut rien pour écrire, parce que dans ce cas l’encre s’étend & brouille l’écriture. Ce défaut arrive au papier faute d’avoir été bien collé, & quand il est trop humide.

BOIRE, terme de Tailleur ; les tailleurs disent qu’une étoffe boit, lorsque de deux lisieres qui sont jointes ensemble par une couture, l’une plisse un peu, & est cousue plus lâche que l’autre.

BOIS S. m. (Oeconomie rustiq.) ce terme a deux grandes acceptions : ou il se prend pour cette substance ou matiere dure & solide que nous tirons de l’intérieur des arbres & arbrisseaux ; ou pour un grand canton de terre planté d’arbres propres à la construction des édifices, au charronage, au sciage, au chauffage, &c.

Si l’on jette un coup d’œil sur la consommation prodigieuse de bois qui se fait par la charpente, la menuiserie, d’autres Arts, & par les feux des forges, des fonderies, des verreries, & des cheminées, on concevra facilement de quelle importance doivent avoir été en tout tems, & chez toutes les nations, pour le public & pour les particuliers, la plantation, la culture, & la conservation des forêts ou des bois, en prenant ce terme selon la seconde acception. Comment se peut-il donc que les hommes soient restés si long-tems dans les préjugés sur ces objets, & qu’au lieu de tendre sans-cesse à la perfection, ils se soient au contraire de plus en plus entêtés de méthodes qui les éloignoient de leur bût ? Car c’est-là qu’ils en étoient ; c’est-là qu’ils en sont encore pour la plûpart, comme nous pourrions le démontrer par la comparaison des regles d’agriculture qu’ils ont prescrites, & qu’on suit sur les bois, & par celles que l’expérience & la philosophie viennent d’indiquer à M. de Buffon. Mais notre objet est d’exposer la vérité, & non pas de l’associer à l’erreur : l’erreur ne peut être trop ignorée, & la vérité trop connue, sur-tout quand elle embrasse un objet aussi considérable que l’aliment du feu, & le second d’entre les matériaux qui entrent dans la construction des édifices. Nous observerons seulement que l’extrait que nous allons donner des différens mémoires que M. de Buffon a publiés, non seulement pourra éclairer, sur la culture, l’amélioration & la conservation des bois, mais pourra même devenir une grande leçon pour les philosophes de se méfier de l’analogie ; car il paroît que l’ignorance dans laquelle il semble qu’on aime encore à rester, malgré le grand intérêt qu’on a d’en sortir, ne vient dans son origine que d’avoir transporté les regles de l’agriculture des jardins à l’agriculture des forêts. La nature a ses loix, qui ne nous paroissent peut-être si générales, & s’étendre uniformément à un si grand nombre d’êtres, que parce que nous n’avons pas la patience ou la sagacité de connoître la conduite qu’elle tient dans la production & la conservation de chaque individu. Nous nous attachons au gros de ses opérations : mais les finesses de sa main d’oeuvre, s’il est permis de parler ainsi, nous échappent sans-cesse ; & nous persistons dans nos erreurs jusqu’à ce qu’il vienne quelqu’homme de génie, assez ami des hommes, pour chercher la vérité ; & j’ajoûterois volontiers, assez courageux pour la communiquer quand il l’a trouvée.

Le nom de bois, pris généralement, comprend les forêts, les bois, les haies, & les buissons ou bocages.

L’on entend vulgairement sous le nom de forêt, un bois qui embrasse une fort grande étendue de pays.

Sous le nom de bois, l’on comprend un bois de moyenne étendue.

Le parc est un bois enfermé de murs.

Les noms de haie & de buisson ou bocage, sont usités en quelques endroits pour signifier un bois de peu d’arpens.

Néanmoins l’usage fait souvent employer indifféremment les noms de forêt & de bois ; il y a même des bois de très-grande étendue, des forêts qui occupent peu d’espace, & des bois qui ne sont appellés que haies ou buissons, & chaumes ; comme les chaumes d’Avenay près Beligny-sur-Ouche, dans le bailliage de Dijon en France, qui contiennent autant d’arpens que des bois de moyenne grandeur.

Toutes ces sortes de bois sont plantées d’arbres, qui sont ou en futaie ou en taillis.

Futaie se dit des arbres qu’on laisse croître sans les couper que fort tard. Voyez Futaie.

Taillis, des arbres dont la coupe se fait de tems en tems, & plûtôt que celle de la futaie. V. Taillis.

Il y a des forêts qui sont toutes en futaie ; d’autres toutes en taillis : mais la plûpart sont mêlées de l’une & de l’autre sorte.

Quand on parle de bois de futaie & de taillis, on considere le bois debout & sur le canton même qui en est couvert, & formant des forêts, &c.

Dans les autres occasions, le terme bois s’entend du bois abattu & destiné aux usages de la vie civile : c’est sous ces deux points de vûe que nous allons considérer le bois.

BOIS sur pié, voyez Forêt. Le bois qui étoit autrefois très-commun en France, maintenant suffit à peine aux usages indispensables, & l’on est menacé pour l’avenir d’en manquer absolument. Ceux qui sont préposés à la conservation des bois, se plaignent eux-mêmes de leur dépérissement : mais ce n’est pas assez de se plaindre d’un mal qu’on sent déjà, & qui ne peut qu’augmenter avec le tems, il en faut chercher le remede ; & tout bon citoyen doit donner au public les expériences & les réflexions qu’il peut avoir faites à cet égard.

Tous nos projets sur les bois doivent se réduire à tâcher de conserver ceux qui nous restent, & à renouveller une partie de ceux que nous avons détruits.

Tout le bois de service du royaume consiste dans les forêts qui appartiennent à sa Majesté, dans les réserves des ecclésiastiques & des gens de main-morte, & enfin dans les baliveaux, que l’ordonnance oblige de laisser dans tous les bois.

On sait par une expérience déjà trop longue, que le bois des baliveaux n’est pas d’une bonne qualité, & que d’ailleurs ces baliveaux font tort au taillis Voy. Baliveaux. M. de Buffon a observé les effets de la gelée du printems dans deux cantons voisins de bois taillis ; on avoit conservé dans l’un tous les baliveaux de quatre coupes successives, dans l’autre, on n’avoit réservé que les baliveaux de la coupe actuelle : M. de Buffon a reconnu que la gelée avoit fait un si grand tort au taillis surchargé de baliveaux : que l’autre taillis l’a devancé de près de cinq ans sur douze. L’exposition étoit la même : M. de Buffon a sondé le terrein en différens endroits ; il étoit semblable : ainsi il ne peut attribuer cette différence qu’à l’ombre & à l’humidité que les baliveaux jettoient sur le taillis, & à l’obstacle qu’ils formoient au dessechement de cette humidité, en interrompant l’action du vent & du soleil.

Les arbres qui poussent vigoureusement en bois, produisent rarement beaucoup de fruit ; les baliveaux se chargent d’une grande quantité de glands, & annoncent par-là leur foiblesse. On imagineroit que ce gland devroit repeupler & garnir les bois, mais cela se réduit à bien peu de chose ; car de plusieurs millions de ces graines qui tombent au pié de ces arbres, à peine en voit-on lever quelques centaines, & ce petit nombre est bientôt étouffé par l’ombre continuelle