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ce qui fait qu’on en fait des tuyaux de pompes & de conduites d’eau.

Les chênes, pour pouvoir en faire du bois bon pour l’usage de la charpenterie, ne doivent point être abattus avant soixante ans, & plus tard que deux cents ans ; parce que passé deux cents ans ce bois dépérit, & qu’avant soixante ans il est trop jeune.

Dans la charpente on employe de deux sortes de bois, le bois de brin & le bois de sciage.

Le bois de brin est celui qui se fait en ôtant les quatre dosses & flache d’un arbre en l’équarrissant.

Le bois de sciage se tire ordinairement des bois courts & trop gros, ou des pieces moins saines. On en parlera plus au long ci-dessous.

Le bois de chêne qu’on nomme bois gras ou doux, est celui qui est moins poreux & sans fil, & a moins de nœuds que le bois ferme ; & il n’est bon pour l’usage des menuisiers, que pour faire des panneaux & des assemblages qui ne fatiguent point ; car il ne vaut rien pour les bâtis de portes, & tout ce qui peut souffrir la moindre fatigue.

Le bois dur ou rustique, est celui qui a le fil gros. Il vient dans les terres fortes & fonds pierreux & sablonneux, & au bord des forêts.

Les bois légers sont les bois blancs, comme sapins, tilleuls, trembles, &c. Les charpentiers ne s’en servent que dans les cloisons au défaut du chêne.

Bois, un cent de bois ; c’est, en terme de Charpentier, soixante-douze pouces de longueur sur six pouces d’équarrissage. Tout le bois de charpente se réduit à cette mesure, & une seule poutre est comptée pour autant d’autres, qu’elle contient de fois cette mesure, soit pour la vente, soit pour la voiture, soit pour le toisé.

Le bois de charpente prend différentes dénominations selon ses différentes qualités ; il s’appelle :

Bois affoibli, quand on a diminué considérablement la forme d’équarrissage, en le rendant difforme, courbe, ou rampant, pour laisser des bossages aux poinçons, ou des encorbellemens aux poteaux sous les poutres qui portent dans les cloisons. Au reste ce bois se toise dans le plus gros du bossage.

Bois apparent, lorsqu’étant en œuvre, comme dans les ponts de bois, planchers, cloisons, &c. il n’est point recouvert de plâtre ou autre matiere.

Bois blanc, quand il tient de la nature de l’aubier, & se corrompt facilement.

Bois bouge, quand il a du bombement, ou qu’il est courbé en quelque endroit.

Bois cantiban, lorsqu’il n’a du flache que d’un côté.

Bois corroyé, quand il a été dressé à la varlope ou au rabot.

Bois déchiré, celui qui revient de quelque ouvrage mis en pieces, pour raison de vétusté ou autre.

Bois déversé ou gauchi, lorsqu’après avoir été travaillé & équarri, il n’a pas conservé la forme qu’on lui a donnée, mais s’est dejetté, courbé, incliné & déformé de quelque maniere & par quelque cause que ce soit.

Bois d’échantillon, quand les pieces de bois sont d’une grosseur & longueur déterminée.

Bois échauffé ; lorsqu’il commence à se gâter & à pourrir, & qu’on lui remarque de petites taches rouges & noires ; ce sont ces sortes de bois que quelques-uns appellent bois pouilleux.

Bois d’entrée, s’il est entre verd & sec.

Bois d’équarrissage, quand il est propre à recevoir la forme d’un parallelepipede : il ne s’équarrit point de bois au-dessous de six pouces de gros.

Bois flache, quand il ne pourroit être bien équarri sans beaucoup de déchet, & que les arrêtes n’en sont point vives.

Bois gissant, lorsqu’il est coupé, abbatu & couché sur terre.

Bois en grume, s’il n’est point équarri, & si on l’employe de toute sa grosseur, par exemple, en pieux appellés pilotis.

Bois lavé, quand on lui a ôté tous les traits de scie & rencontre, avec la besaiguë.

Bois mouline, s’il est pourri & rongé des vers.

Bois qui se tourmente, lorsqu’il se déjette, étant employé trop verd ou trop humide.

Bois refait, quand de gauche & flache qu’il étoit, il est équarri & redressé au cordeau sur ses faces.

Bois de refend, lorsqu’on l’a mis par éclats pour faire le merrein, les lattes, les échalats, du boisseau, &c.

Bois rouge, s’il s’échauffe, & s’il est sujet à pourrir.

Bois roulé, quand les cernes ou crues de chaque année, sont séparées, & ne font point de corps ; ce bois n’est bon qu’à brûler. On dit que le bois devient roulé, lorsqu’étant en séve il est battu par le vent.

Bois sain & net, lorsqu’il est sans malandres, nœuds vicieux, gale, fistule.

Bois tortu, quand il ne peut servir qu’à faire des courbes, & n’est bon que pour la marine.

Bois tranché, s’il a des nœuds vicieux ou fils obliques qui coupent la piece, & la rendent peu propre à résister à la charge & à être refendu.

Bois vermoulu, s’il est piqué de vers.

Bois vif, lorsque les arrêtes en sont bien vives & sans flache, & qu’il ne lui reste ni écorce ni aubier.

Bois de charronage : on comprend sous cette dénomination tout celui qui est employé par les Charrons à faire des charrettes, des roues, &c. comme l’orme, le frêne, le charme, & l’érable ; la meilleure partie s’en débite en grume. Voyez les articles de ces bois.

Bois de chauffage ; le bois de chauffage est neuf ou flotté. Les marchands de bois neuf sont ceux qui embarquent sur les ports des rivieres navigables des bois qui y ont été amenés par charroi ; & ils les empilent ensuite en théatre, comme on le voit sur les ports & autres places dont la ville de Paris leur a accordé l’usage. Voyez Chantier. Ces sortes de marchands ne font guere que le tiers de la provision de cette ville, &c.

Les marchands de bois flotté sont ceux qui font venir leurs bois des provinces plus éloignées. Ils les jettent d’abord à bois perdu sur les ruisseaux qui entrent dans les rivieres sur lesquelles ce commerce est établi ; ensuite ces mêmes rivieres les amenent elles-mêmes encore à bois perdu jusqu’aux endroits où il est possible de les mettre en trains, pour les conduire à Paris ; après néanmoins les avoir rétirés de l’eau avant de les flotter en train, & les avoir fait sécher suffisamment, sans quoi le bois iroit à fond. Ces marchands font les deux autres tiers de la provision.

Il y a quelques siecles que l’on étoit dans l’appréhension que Paris ne manquât un jour de bois de chauffage ; les forêts des environs se détruisoient, & l’on prévoyoit qu’un jour il faudroit y transporter le bois des provinces éloignées ; ce qui rendroit cette marchandise si utile & d’un usage si général, d’un prix exorbitant occasionné par le coût des charrois. Si l’on eût demandé alors à la plûpart de ceux qui sentent le moins aujourd’hui le mérite de l’invention du flottage des bois, comment on pourroit remédier au terrible inconvénient dont on étoit menacé, ils y auroient été, je crois, bien embarrassés ; l’accroissement & l’entretien des forêts eussent été, selon toute apparence, leur unique ressource. C’est en effet à ces moyens longs, coûteux & pénibles, que se réduîsit alors toute la prudence du gouvernement ; & la ca-