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diametre. Il place son ouvrage sur ce rouleau, en travers, si c’est un bas ; il appuie la longue branche de ses ciseaux dans l’ouverture du coussinet ; il les saisit toutes deux, & faisant ouvrir & fermer rapidement son ciseau, il enleve de dessus l’ouvrage les gros poils, observant de tourner peu à peu le rouleau, afin que la surface de l’ouvrage à tondre succede à la surface tondue, & se présente continuement au ciseau.

On appelle bourre, tant la laine enlevée au chardon, que celle qui vient du ciseau ; ce produit du draper & de la tonte sert à remplir les dents des cardes neuves, quand on craint qu’étant trop longues elles ne déchirent la laine. On la vend aussi à des ouvriers qui ont trouvé le secret d’en faire une sorte de tapisserie qu’on appelle tontisse. La bourre vaut quatre sous la livre.

Il est étonnant qu’on ait trouvé un emploi à la bourre de la laine, & qu’on n’en ait pas encore trouvé à la recoupe de la gase ; l’un pourtant me semble bien plus facile que l’autre. On entend par la recoupe de la gase, cette portion de fil & de soie blanche qui s’enleve au ciseau de dessus les pieces, quand elles sont fabriquées, pour en faire paroître les fleurs, voyez Gase : on brûle cette matiere ou cet amas de petits fils plus blancs que la neige. Cependant il n’est personne à qui il ne vienne en pensée qu’on en pourroit très-bien faire usage dans les papeteries : peut-être que du papier fabriqué en entier de cette matiere seroit cassant ; mais si on la mêlangeoit avec le chiffon, je ne doute point qu’elle ne contribuât à la blancheur & à la finesse : j’invite les fabriquans de papier à en faire l’essai. Si cet essai réussissoit, il y auroit un gain considérable à faire pour les premiers entrepreneurs ; car ces bouts de fil & de soie forment au bout de l’an, dans l’attelier d’un gasier un peu occupé, une masse très-considérable, & ils se donnent pour rien ou pour très-peu de chose.

La sixieme opération est la teinture. Après la tonte on teint ou l’on envoye à la teinture les ouvrages faits de laine blanche ; car pour ceux qui sont fabriqués de laines déjà teintes, ils restent de la couleur qu’on a cardé la laine. Voyez sur le mêlange des laines teintes propres à produire la couleur qu’on desire, l’article Draperie. Voyez aussi Teinture.

Septieme opération. Il faut rapprêter les marchandises passées à la teinture. On entend par rapprêter, repasser au chardon légerement, ce qu’on appelle éclaircir, & tondre ensuite.

Huitieme opération. Quand les marchandises ont passé par toutes les opérations précédentes, on les presse ou on les catit. La presse des Bonnetiers n’a rien de particulier ; elle ressemble à celle des relieurs & de quelques autres ouvriers. L’action de la presse est de rendre les marchandises moins épaisses, & de leur donner un œil plus fin. Catir, c’est chauffer modérément sur une poelle pleine de feu, qu’on appelle catissoire. La catissoire renfle la laine, & donne à la marchandise un air plus moelleux & plus chaud, mais plus épais, ce qui ne plaît pas à tout le monde.

Il ne reste plus au Bonnetier après cela, qu’à renfermer sa marchandise dans des armoires, & à veiller à ce que les vers ne s’y mettent point.

La Bonneterie de Paris est sans contredit une des meilleures de l’Europe, & la meilleure du royaume. La crainte qu’elle ne perdît de son crédit par de mauvais ouvrages distribués sur son compte, détermina sa Majesté à ordonner à trois reprises différentes, en 1713, 16 & 21, que les marchandises de bonneterie, qui se présenteroient à l’entrée de Paris, seroient visitées à la doüane ; & pour cet effet il fut enjoint 1° au commis des portes & barrieres de Paris, sous peine d’interdiction pendant un mois, & de révocation en cas de récidive, d’envoyer au bureau de la doüane

tous les marchands forains, voituriers, conducteurs de coches, & messagers qu’ils trouveront chargés de bonneterie, tant au métier qu’à l’aiguille, de leur délivrer des envois, d’en prendre des gages proportionnés à la quantité des marchandises, & même de les conduire : 2° en cas qu’il se trouvât des gens en contravention, de saisir & de dresser procès-verbal & rapport de saisie, dans les vingt-quatre heures : 3° au lieutenant de police d’ordonner en ces conjonctures ce qu’il appartiendra : 4° que le tiers des marchandises prises en fraude, soit adjugé aux commis.

La Bonneterie forme le cinquieme des six corps des marchands de Paris. Il a droit de vendre bonnets de drap, de laine, bas, gants, chaussons, camisoles, caleçons, & autres semblables ouvrages faits au métier, au tricot, à l’aiguille, en laine, fil, lin, poil, castor, coton, & autres matieres ourdissables.

Les Bonnetiers entendent par des bas castors, ou autres ouvrages désignés sous ce nom, ceux qui sont faits avec de la laine filée & torse, ensuite avec de la soie. Ces marchandises se traitent au sortir des mains du fabriquant, précisément comme si elles étoient toute laine.

Dans les statuts de la Bonneterie, accordés par Henri IV. en 1608, les marchands bonnetiers sont appellés Aulmulciers-mitoniers ; parce qu’anciennement c’étoient eux qui faisoient des aulmulces ou bonnets propres pour la tête quand on alloit en voyage, & qu’ils vendoient des mitaines. Voyez Aumusse. Suivant ces statuts, on ne peut être reçû dans le corps avant vingt-cinq ans, & sans avoir travaillé cinq ans en qualité d’apprenti, & cinq autres années en qualité de compagnon, & sans avoir fait chef-d’œuvre.

La Bonneterie a ses armoiries ; elles sont d’azur, à la toison d’argent, surmontée de cinq navires aussi d’argent, trois en chef & deux en pointe ; & une confrairie établie en l’église de S. Jacques de la Boucherie, sous la protection de S. Fiacre.

Il y a à la tête du corps six maîtres ou six gardes. Trois sont appellés anciens. Le plus ancien des trois s’appelle le premier ou le grand garde ; les trois autres sont nommés nouveaux gardes. On ne peut être élû premier garde, qu’on n’ait été nouveau garde.

L’élection de deux gardes se fait tous les ans après la S. Michel, au bureau de la Bonneterie ; savoir, d’un ancien pour la seconde fois, & d’un nouveau pour la premiere fois ; ensorte qu’il en sort deux, le grand garde, & le premier des trois nouveaux. L’élection se fait à la pluralité des voix, en présence du procureur du Roi du châtelet, & d’un greffier.

Les six gardes portent en cérémonie la robe consulaire, c’est-à-dire, la robe de drap noir, à collet, à manches pendantes, à paremens & bord de velours noir.

Dans les comptes que les gardes ont à rendre, ils sont entendus par six anciens hors de charge, nommés à la pluralité des voix.

Quand un ancien garde décede, les quatre derniers gardes en charge sont tenus d’assister en robe à son convoi, & de tenir chacun un des coins du poîle, qui est fourni par le bureau, avec six flambeaux de cire blanche, auxquels sont attachées les armoiries du corps.

Ce cinquieme corps s’est accrû, en 1716, de la communauté des maîtres bonnetiers & ouvriers au tricot des faubourgs.

Cette réunion occasionna dans la suite des contestations ; ces contestations augmenterent encore quand la communauté se fut accrue des faiseurs de bas au métier. Ce fut pour terminer tous ces démêlés, occasionnés par les différens réglemens qu’avoit chacun de ces corps avant la réunion, & qu’il prétendoit conserver après, qu’il fut ordonné par un