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couleur d’un blanc jaunâtre, & qui contiennent chacune une semence calleuse, pour ainsi-dire ovale, voûtée sur son dos, & plate du côté opposé, creusée dans le milieu & dans toute la longueur de ce même côté, d’un sillon assez profond. Son goût est tout-à-fait pareil à celui du caffé qu’on nous apporte d’Arabie : une de ses deux semences venant à avorter, celle qui reste acquiert ordinairement plus de volume, a ses deux côtés plus convexes, & occupe seule le milieu du fruit. Voyez Plan. XXVIII. d’Hist. nat. fig. 3.

On appelle caffé en coque, ce fruit entier & desséché ; & caffé mondé, ses semences dépouillées de leurs enveloppes propres & communes.

Par cette description faite d’après nature, il est aisé de juger que l’arbre du caffé, que l’on peut appeller le caffier, ne peut être rangé sous un genre qui lui convienne mieux que sous celui des jasmins, si l’on a égard à la figure de sa fleur, à la structure de son fruit, & à la disposition de ses feuilles.

Cet arbre croît dans son pays natal, & même à Batavia, jusqu’à la hauteur de quarante piés ; le diametre de son tronc n’excede pas quatre à cinq pouces : on le cultive avec soin ; on y voit en toutes les saisons des fruits, & presque toûjours des fleurs. Il fournit deux ou trois fois l’année une récolte très-abondante. Les vieux piés portent moins de fruit que les jeunes, qui commencent à en produire dès la troisieme & quatrieme année après la germination.

Les mots caffé en François, & coffee en Anglois & en Hollandois, tirent l’un & l’autre leur origine de caouhe, nom que les Turcs donnent à la boisson qu’on prépare de cette plante.

Quant à sa culture, on peut assûrer que si la semence du caffé n’est pas mise en terre toute récente, comme plusieurs autres semences des plantes, on ne doit pas espérer de la voir germer. Celles de l’arbre qu’on cultivoit depuis une année au Jardin-royal, mises en terre aussi-tôt après avoir été cueillies, ont presque toutes levé six semaines après. Ce fait, dit M. de Jussieu, justifie les habitans du pays où se cultive le caffé, de la malice qu’on leur a imputée de tremper dans l’eau bouillante, ou de faire sécher au feu tout celui qu’ils débitent aux étrangers, dans la crainte que venant à élever comme eux cette plante, ils ne perdissent un revenu des plus considérables.

La germination de ces semences n’a rien que de commun.

A l’égard du lieu où cette plante peut se conserver, comme il doit avoir du rapport avec le pays dans lequel elle naît naturellement, & où l’on ne ressent point d’hyver, on a été obligé jusqu’ici de suppléer au défaut de la température de l’air & du climat par une serre à la maniere de celles de Hollande, sous laquelle on fait un feu modéré, pour y entretenir une chaleur douce ; & l’on a observé que pour prevenir la sécheresse de cette plante, il lui falloit de tems en tems un arrosement proportionné.

Soit que ces précautions en rendent la culture difficile, soit que les Turcs, naturellement paresseux, ayent négligé le soin de la multiplier dans les autres pays sujets à leur domination ; nous n’avons pas encore appris qu’aucune contrée que celle du royaume d’Yemen en Arabie, ait l’avantage de la voir croitre chez elle abondamment ; ce qui paroît être la cause pour laquelle avant le xvi. siecle son usage nous étoit presqu’inconnu.

On laisse à d’autres le soin de rapporter au vrai ce qui y a donné occasion, & d’examiner si l’on en doit la premiere expérience à la vigilance du supérieur d’un monastere d’Arabie, qui voulant tirer ses moines du sommeil qui les tenoit assoupis dans la nuit

aux offices du chœur, leur en fit boire l’infusion, sur la relation des effets que ce fruit causoit aux boucs qui en avoient mangé ; ou s’il faut en attribuer la découverte à la piété d’un mufti, qui pour faire de plus longues prieres, & pousser les veilles plus loin que les dervis les plus dévots, a passé pour s’en être servi des premiers.

L’usage depuis ce tems en est devenu si familier chez les Turcs, chez les Persans, chez les Arméniens, & même chez les différentes nations de l’Europe, qu’il est inutile de s’étendre sur la préparation, & sur la qualité des vaisseaux & instrumens qu’on y employe.

Il est bon d’observer que des trois manieres d’en prendre l’infusion, savoir, ou du caffé mondé & dans son état naturel, ou du caffé rôti, ou seulement des enveloppes propres & communes de cette substance, auxquelles nos François au retour de Moka ont improprement donné le nom de fleur de caffé ; la seconde de ces manieres est préférable à la premiere, & à la troisieme appellée aussi caffé à la sultane.

Qu’entre le gros & le blanchâtre qui nous vient par Moka, & le petit verdâtre qui nous est apporté du Caire par les caravanes de la Meque, celui-ci doit être choisi comme le plus mûr, le meilleur au goût, & le moins sujet à se gâter.

Que de tous les vaisseaux pour le rôtir, les plus propres sont ceux de terre vernissée, afin d’éviter l’impression que ceux de fer ou d’airain peuvent lui communiquer.

Que la marque qu’il est suffisament brûlé ou rôti est la couleur tirant sur le violet, qu’on ne peut appercevoir qu’en se servant pour le rôtir d’un vaisseau découvert.

Que l’on ne doit en pulvériser qu’autant & qu’au moment que l’on veut l’infuser : on se sert pour cet effet d’un petit moulin portatif, composé de deux ou trois pieces ; d’une gorge qui fait la fonction de trémie, dans laquelle on met le caffé grillé, & qu’on bouche d’un couvercle percé d’un trou ; d’une noix dont l’arbre est soûtenu & fixé dans le coffre ou le corps du moulin qui la cache, & dans lequel elle se meut sur elle-même : la partie du coffre qui correspond à la noix est de fer, & taillée en dent ; il y a au-dessous de la noix un coffret qui reçoit le caffé à mesure qu’il se moud. Voyez Plan. du Tailland. 3 un moulin à caffé, r s tout monté ; & dans les fig. 4. m m l, k, o p p, n, un autre moulin & son détail. La fig. 4. est l’arbre séparé du moulin r s : m m l, autre moulin ; m, son arbre ; k, son embase ; n, sa coupe par le milieu ; o, sa noix ; fig. r s, r est la trémie.

Et qu’étant jetté dans l’eau bouillante, l’infusion en est plus agréable, & souffre moins de dissipation de ses parties volatiles, que lorsqu’il est mis d’abord dans l’eau froide.

Quant à sa maniere d’agir & à ses vertus, la matiere huileuse qui se sépare du caffé, & qui paroît sur sa superficie lorsqu’on le grille, & son odeur particuliere qui le fait distinguer du seigle, de l’orge, des pois, des feves, & autres semences que l’épargne fait substituer au caffé, doivent être les vraies indications de ses effets, si l’on en juge par leur rapport avec les huiles tirées par la cornue, puisqu’elle contient aussi-bien que celles-là, des principes volatils, tant salins que sulphureux.

C’est à la dissolution de ses sels, & au mêlange de ses soufres dans le sang, que l’on doit attribuer la vertu principale de tenir éveillé, que l’on a toûjours remarquée comme l’effet le plus considérable de son infusion. C’est de-là que viennent ses propriétés de faciliter la digestion, de précipiter les alimens, d’empêcher les rapports des viandes, & d’éteindre les aigreurs, lorsqu’il est pris après le repas.

C’est par-là que la fermentation qu’il cause dans