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barre de fer qui porte un écrou qui reçoit la vis FE, que l’on tourne comme celle d’un étau, par le moyen du manche FG. Tout cet assemblage est fixé à la table du coupoir, ensorte que la jumelle CD tirée ou poussée par la vis FE, peut seule se mouvoir.

Il suit de cette description du coupoir, que si l’on tourne la vis EF, fig. 2. on fera marcher la jumelle mobile AB, vers la jumelle immobile CD, fig. 1. & que par conséquent on fera appliquer les deux regles du justifieur contre la rangée de caracteres qu’elles contiennent. Mais pour serrer les caracteres les uns contre les autres, on fera tourner la vis Ff. Cette vis fera couler la seconde regle du justifieur le long de la rangée de caracteres, jusqu’à ce que son épaulement C fig. 4. rencontrant la rangée de caracteres, les pressera & les poussera vers l’épaulement B de la premiere piece fig. 3. jusqu’à ce qu’ils soient tous exactement appliqués les uns contre les autres. Cela fait, il est évident que les caracteres formeront comme un corps solide contenu par ses deux extrémités entre les épaulemens des deux pieces du justifieur, & selon sa longueur entre les mêmes pieces, par l’action des deux jumelles.

Mais avant que de consolider ainsi la rangée de caracteres, on passe un morceau de bois dur sur leurs extrémités saillantes ou sur leurs piés, afin de les enfoncer toutes également, & d’appliquer leur tête, ou la lettre, contre la surface de la regle horisontale du justifieur.

Lorsque tout est ainsi disposé, on coupe les caracteres avec le rabot, de la maniere que nous allons dire.

L’instrument qu’on voit Planche III. de la Fonderie en caracteres, fig. 6. est appellé rabot. Il est composé d’un fût de fer, qu’on voit fig. 10. Sous la partie NO de ce fût, sont arrêtés avec des vis les deux guides Ce, Df. Cet assemblage est surmonté d’un bois PQ qu’on voit fig. 8. ce bois sert de poignée au rabot. Il se fixe sur la partie NO, fig. 10. comme on l’y voit fixé, fig. 6. Le fer AB du rabot se place sur la face inclinée du fût, par les deux vis GH taraudées, & entrant dans les collets que le fer traverse, & qui sont eux-mêmes fixés sur le fût par la vis que l’on voit en R. Toutes ces pieces assemblées forment le rabot de la fig. 6. Les vis se serrent avec le tourne-vis de la fig. 16. même Planche III.

Quand on veut couper les lettres, on place le rabot sur le justifieur, ensorte que les parties saillantes des lettres soient entre les guides du rabot ; on hausse ou l’on baisse le fer, qui est un peu arrondi par son tranchant, ensorte qu’il puisse emporter autant de matiere que l’on souhaite.

Les reglemens ont statué sur la hauteur des lettres ; il est ordonné que la lettre portera, depuis sa surface jusqu’à l’extrémité de son pié, dix lignes & demie de pié de roi. Cette hauteur n’est pas la même par-tout ; la hauteur de Hollande a près d’une ligne de plus que celle de Paris ; celles de Flandre, & même de Lyon, ont plus de dix lignes. Au reste, lorsque des Imprimeurs, sans aucun égard pour les ordonnances, veulent des caracteres au-dessus ou au-dessous de dix lignes & demie, on a de petites pieces qu’on ajuste au moule à fondre les caracteres, entre le jet & les longues pieces.

Ces pieces s’appellent hausses ; selon que les hausses sont plus ou moins épaisses, un même moule sert à fondre des caracteres plus ou moins hauts de papier ; c’est l’expression dont on se sert pour désigner la dimension dont il s’agit ici.

Le fer du rabot étant convexe, les caracteres coupés auront tous une petite échancrure concave, de maniere qu’étant posés sur leurs piés, ils ne porteront, pour ainsi dire, que sur deux lignes, au lieu de porter sur une surface. On a pratiqué cette concavité aux piés des caracteres, afin qu’ils s’arrangent

mieux sur le marbre de la presse, sur lequel exposant moins de surface, ils sont moins sujets à rencontrer des inégalités.

Mais ce retranchement de matiere n’est pas le seul qui se fasse avec le rabot ; on est contraint d’enlever encore de l’étoffe au haut de caractere, comme on peut le voir en B, figure 14. Ce retranchement se fait des deux côtés aux lettres qui n’ont ni tête ni queue, & seulement de côté opposé à la queue, lorsque les caracteres en ont une. Le but de cette opération est de dégager encore mieux l’œil du caractere. On voit en effet, fig. 14. que le caractere B est plus saillant que le caractere A, quoiqu’ils ayent été fondus l’un & l’autre dans le même moule.

La machine représentée figure 14. & qui contient les deux caracteres A & B dont nous venons de parler, s’appelle justification ; elle sert à connoître, par le moyen du petit reglet qu’on voit figure 13. & qu’on appelle jetton, si les traits des lettres se trouvent tous sur une même ligne. Pour cet effet, après avoir justifié les lettres mm, que nous avons dit être la premiere lettre que l’on fabrique, on place un a, par exemple, entre les deux m, en cette sorte mam, & l’on examine si l’arrête du jetton s’applique également sur les trois caracteres.

Le morceau de glace, fig. 12. & son jetton, fig. 1. servent à jauger de la même maniere les épaisseurs, & l’une & l’autre de ces deux machines indique pareillement, par l’application du jetton, si les traits des lettres se trouvent tous exactement dans la même ligne droite, comme nous venons de dire.

On entend par une fonte de caracteres d’Imprimerie, un assortiment complet de toutes les lettres majuscules, minuscules, accents, points, chiffres, &c. nécessaires à imprimer un discours, & fondues sur un seul corps.

Le corps est une épaisseur juste & déterminée, relative à chaque caractere en particulier ; c’est cette épaisseur qui fait la distance des lignes dans un livre, & qui donne le nom au caractere, & non l’œil de la lettre ; cependant pour ne rien confondre on dit fondre un Cicero sur un corps de S. Augustin, quand on a pris ce moyen pour jetter plus de blanc entre les lignes.

Mais pour se faire une idée juste de ce qu’on appelle en Fonderie de caracteres ou en Imprimerie, corps, œil, & blanc, prenez une distance ou ligne quelconque, supposez-la divisée en sept parties égales par des lignes paralleles ; supposez écrite entre ces lignes paralleles une des lettres que les Imprimeurs appellent courtes, telles que l’a, le c, l’m, &c. car ils appellent les lettres à queue, telles que le p, le q, le d, lettres longues. Supposez-la tracée entre ces paralleles de maniere qu’elle ait sa base appuyée sur la troisieme parallele en montant, & qu’elle touche de son sommet la troisieme parallele en descendant, ou ce qui revient au même, que des sept intervalles égaux dans lesquelles vous avez divisé la ligne, elle occupe les trois du milieu ; il est évident qu’il restera au-dessus de ces trois intervalles occupés, deux espaces vuides, & qu’il en restera aussi deux vuides au-dessous. Cela bien compris, il ne sera pas difficile d’entendre ce que c’est que le l’œil, le corps, & le blanc. Le corps est représenté par la ligne entiere ; l’œil occupe les trois espaces du milieu, c’est la hauteur même de la lettre : & l’on entend par les blancs, les deux espaces qui restent vuides au-dessous & au-dessus de l’œil.

la ligne AB, représente la hauteur du corps ; CD, le blanc d’en-haut ; DE, l’œil ; EF, le blanc d’en-bas. CD, forme dans une