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page imprimée la moitié de l’espace blanc qui est entre une ligne & sa supérieure ; & EF, la moitié de l’espace blanc qui est entre la même ligne & son inférieure.

Il y a des lettres qui occupent toute la hauteur du corps, telle est l’j consonne avec son point, comme on voit dans l’exemple, les Q capitales en romain, & les s & f en italique, ainsi que les signes (, §, [, &c.

Dans les lettres longues, telles que le d & le q, il faut distinguer deux parties, le corps & la queue ; le corps occupe les trois intervalles du milieu, de même que les lettres courtes, & la queue occupe les deux intervalles blancs, soit d’en-haut, soit d’enbas, selon que cette queue est tournée. Voyez dans l’exemple le d & le q. S’il se trouve dans une ligne un q, & dans la ligne au-dessous un d, qui corresponde exactement au q, il n’y aura point d’intervalle entre les queues : les extrémités de ces queues se toucheront, d’où il s’ensuit que voilà la hauteur relative des corps & celle des caracteres déterminée ; que resteroit-il donc à faire pour que la Fonderie & l’Imprimerie fussent assujeties à des regles convenables ? sinon de déterminer la largeur des lettres ou caracteres, relativement à leur hauteur : c’est ce que personne n’a encore tenté. On est convenu que la hauteur du corps étant divisée en sept parties égales, la hauteur du caractere, de l’m, par exemple, seroit de trois de ces parties ; quant à sa largeur, chacun suit son goût & sa fantaisie ; les uns donnent au caractere ou à l’œil, une forme plus ou moins voisine du quarré que les autres.

Nous invitons M. Fournier, à qui nous devons la table des rapports des corps entr’eux, à nous donner la table des proportions des caracteres entr’eux dans chaque corps. Elle est bien aussi importante pour la perfection de l’art de la gravure en caracteres, que la premiere pour la perfection & commodité de l’art d’imprimer.

Il pourra pour cet effet, consulter les regles que les grands écrivains à la main se sont prescrites, & celles que les plus habiles graveurs ont suivies par goût.

Une observation qui se présente naturellement & qu’on ne sera pas fâché de trouver ici, c’est qu’il y a quelque rapport entre l’impression & le genie d’une langue ; par exemple, l’Allemand est extraordinairement diffus ; aussi n’y a-t-il presque point de blanc entre les lignes, & les caracteres sont-ils extrèmement serrés sur chaque ligne : les Allemands tâchent de regagner par là, l’espace que la prolixité de leur diction exigeroit.

Les expressions œil, corps, blanc, caractere fondu sur un corps d’un autre caractere, &c. ne doivent plus rien avoir d’obscur.

On disoit corps foible & corps fort, dans le tems qu’on ignoroit la proportion que les yeux des caracteres devoient avoir avec leurs corps, & celle que les corps & les caracteres devoient avoir avec d’autres corps & caracteres. Cette ignorance a duré parmi nous jusqu’en 1742, que M. Fournier le jeune, graveur & fondeur de caracteres, proposa sa table des rapports des différens corps des caracteres d’Imprimerie. Nous ne tarderons pas à en faire mention. Nous observerons en attendant, qu’avant cette table on n’avoit aucune regle sûre pour l’exécution des caracteres ; chaque Imprimeur commandoit des caracteres suivant les modeles qu’il en trouvoit chez lui, ou qu’il imaginoit. Aucun n’ayant l’idée soit du corps soit de l’œil, par exemple, d’un véritable Cicéro, ce caractere avoit autant de hauteurs de corps & d’œil différentes qu’il y avoit d’Imprimeries, & s’appelloit ici foible, là fort ; ici petit œil, là gros œil.

On dit une fonte de Cicéro, de Petit-Romain, &c.

lorsque ces caracteres ont été fondus sur les corps de leurs noms. Les fontes sont plus ou moins grandes, suivant le besoin ou le moyen de l’Imprimeur qui les commande, par cent pesant ou par feuilles. Quand un Imprimeur demande une fonte de cinq cents, il veut que cette fonte, bien assortie de toutes ses lettres, pese cinq cents. Quand il la demande de dix feuilles, il entend qu’avec cette fonte on puisse composer dix feuilles ou vingt formes, sans être obligé de distribuer. Le Fondeur prend alors ses mesures ; il compte cent-vingt livres pesant pour la feuille, y compris les quadrats & espaces, ou soixante pour la forme, qui n’est que la demi-feuille. Ce n’est pas que la feuille pese toûjours cent vingt livres, ni la forme soixante ; tout cela dépend de la grandeur de la forme, & on suppose toûjours qu’il en reste dans les cases.

S’il n’entre pas dans toutes les feuilles le même nombre de lettres, ni les mêmes sortes de lettres, il est bon de remarquer que, comme il y a dans une langue des sons plus fréquens que d’autres, & par conséquent des signes qui doivent revenir plus fréquemment que d’autres dans l’usage qu’on en sait en imprimant, une fonte ne contient pas autant d’a que de b, autant de b que de c, & ainsi de suite. La détermination des rapports en nombre, qu’il faut mettre entre les différentes sortes de caracteres qui forment une fonte, s’appelle la police. Il est évident que la police peut varier d’une langue à une autre, mais qu’elle est la même pour toutes sortes de caracteres employés dans la même langue. Pour donner une idée de la police dans notre François, soit, par exemple, demandée une fonte de cent mille lettres. Pour remplir ce nombre de cent mille caracteres, on prendra les nombres suivans de chacun. L’expérience a résolu chez les Fondeurs un probleme, dont on auroit trouvé difficilement ailleurs une solution exacte. J’espere que les Philosophes & les Grammairiens jetteront les yeux, avec quelque satisfaction, sur cette table, & en desireront de semblables du Latin, du Grec, de l’Anglois, de l’Italien, & de la plûpart des langues connues. Pour se les procurer, ils n’ont qu’à s’adresser aux Fondeurs en caracteres des différens pays où ces langues sont en usage.


Police pour cent mille lettres destinées à une impression Françoise ordinaire.

Le lecteur s’appercevra facilement qu’elle ne contient que les signes grammaticaux, & qu’il ne s’agit ici que de ceux-là ; & que par conséquent cette police n’est pas particuliere à un livre ou d’algebre, ou d’arithmétique, ou de chimie ; mais qu’elle convient seulement à un discours oratoire, à la poësie, &c.