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Les pointes sont portées sur la partie qu’elles occupent fig. 6. du plateau ABCD ; le plateau ABCD, est une planche quarrée garnie d’un rebord. Au milieu du côté AD, est fixé un liteau EF, par le moyen d’une corde IK, qui passe par-dessus, qui traverse la planche ou le fond du plateau, & qu’on arrête en dessous avec une clavette. On éleve le bout F de ce liteau par le moyen d’une espece de coin GH ; le bord de sa surface supérieure est garni d’une plaque de fer LM. Cette plaque est percée de trous ; & ces trous pénetrent dans le fond ou corps du liteau à une profondeur déterminée. Ce liteau fait exactement la fonction d’un second doubleur ; on prend les pointes abcd ; on les plante dans les trous du crocheux ou croqueux ; car c’est ainsi qu’on appelle cet instrument. On en voit une en O, puis on abaisse la partie O de la pointe en-devant sur la plaque LM du croqueux ; & les côtés ac, bd, des pointes, fléchissant, prennent encore deux nouveaux angles, & se réduisent sous la forme nopqr.

Lorsque les pointes sont crochées, on les passe dans les trous de la peau piquée & tendue sur le panteur. On voit fig. 7. une peau couverte de pointes en-dessous, & fig. 8. la même peau en-dessus ; cette opération de garnir la peau de pointes s’appelle bouter ou ficher. Lorsqu’on a bouté, & que la peau est couverte de pointes ou crocs, on passe dessus de la colle forte ; après s’être bien assûré toutefois qu’il n’y a point de crocs à contre sens ; car il est évident que tous les angles doivent avoir leurs côtés paralleles, & les sommets tournés du même côté. Pour s’assûrer de cela, on a une planche qu’on appelle patron. On applique cette planche sur le feuillet ou sur la peau percée & garnie de crocs, & on retourne le panteur sans crainte que les crocs sortent de leurs trous, ou se dérangent.

Lorsqu’on a bien fixé les crocs sur le feuillet avec la colle forte dont on l’a enduit, on prend une pierre de grès très-fine, & on enleve le morfil, & l’on aiguise les pointes des crocs en passant dessus cette pierre. Cette opération s’appelle habiller ou rhabiller la carde.

Après que la carde est habillée, on prend le fendoir, & l’on démêle les crocs qui sont embarrassés les uns dans les autres. Voyez fig. 9. cet instrument. C’est une espece de ciseau dont une des branches est inclinée en un sens, & l’autre en sens contraire ; il a un dos & un tranchant ; on passe sa pointe entre les crocs entrelacés, & on les démêle.

Après cette opération, on prend l’instrument représenté fig. 10. & appellé dresseur, de sa fonction. C’est un petit canon emmanché ; son ouverture est à peu près du diametre du fil ; on s’en sert pour redresser les crocs versés ou renversés ; on insere la pointe du croc dans l’ouverture, & on lui donne l’angle que l’on veut, & à l’endroit où il faut.

L’usage du fendoir est de mettre les crocs en ligne & de les démêler : celui du dresseur, c’est de placer tous les sommets des angles dans un même plan parallele au feuillet, & de rendre tous les crocs bien perpendiculaires, ou dans une même inclinaison.

Il s’agit maintenant de recorder la carde : recorder une carde, c’est examiner tous les crocs, ôter ceux qui se sont cassés, soit dans l’opération du fendoir, soit dans celle du dresseur, & ceux qui se sont trouvés trop courts. Pour cet effet, on ôte la colle dans l’endroit du feuillet auquel ils correspondent, & on leur en substitue d’autres.

Quand la carde a reçû toutes ces façons, on la détend pour la monter sur un morceau de bois de hêtre de même grandeur ; ce qui s’exécute au poinçon & au marteau. Le poinçon sert à faire des trous dans l’épaisseur du bois, & le marteau à enfoncer les clous. On a soin que le feuillet soit bien tendu sur

le bois ; & pour l’y arrêter plus solidement, on borde la carde avec une lisiere de peau dont on couvre les extrémités cloüées du feuilles, & qu’on fixe avec de nouveaux clous.

Lorsque la carde est montée, on la mouve : les ouvriers entendent par mouver, repasser les pointes au grès, les égaliser derechef, & donner la derniere façon tant à celles qu’on a substituées, qu’aux autres.

Les Cardiers ne peuvent guere se négliger dans la façon des cardes que l’apprêt des laines ne s’en ressente : si les Cardiers n’observent aucune regle fixe dans la maniere de fabriquer les cardes destinées à mêlanger & à carder les laines, ou que les Cardeurs se servent indistinctement de toutes sortes de cardes, les laines n’obtenant pas toute la perfection de travail dont elles sont susceptibles, les draps & les étoffes qu’on en fabriquera seront moins parfaits. C’est pourquoi le Roi a statué par un arrêt du 30 Décembre 1727, que les cardes appellées grosses plaquettes, qui servent à embourer, ou carder pour la premiere fois les laines fines d’Espagne ou de Languedoc, qui entrent dans la fabrication des draps. Londrins premiers & seconds, auront neuf pouces de long, cinq & demi de large, au moins cinquante & un rangs de dents, de soixante dents chacun, d’un fil de fer d’Allemagne de trois plombs.

Que les cardes appellées grosses plaquettes, qui servent à embourer pour la premiere fois les draps communs, auront neuf pouces de long, cinq pouces & demi de large, au moins quarante-cinq rangs de dents, de cinquante-quatre dents chacun, de fil de fer d’Allemagne de deux plombs.

Que les drossettes destinées à dresser ou carder les laines pour la seconde fois, auront neuf pouces de long, cinq de large, au moins soixante & un rangs de dents de soixante & une dents chacun, de fil de fer d’Allemagne de quatre plombs.

Que les fines plaquettes qui servent à emprimer ou recarder sur le genou pour la troisieme fois, auront neuf pouces de long, quatre pouces trois lignes de large, au moins quatre-vingts-quatre rangs de dents, de soixante & une dents chacun, fil de fer d’Allemagne de six plombs.

Que les petites ou fines cardes qui servent à recarder pour la derniere & quatrieme fois les laines destinées pour les chaînes des draps Londres, Elbœuf, &c. auront neuf pouces de long, deux pouces deux lignes de large, au moins quatre-vingts quatre rangs de dents, de quarante & une dents chacun, fil de fer d’Allemagne de six plombs.

Que les petites ou fines cardes à carder les laines fines d’Espagne pour chaînes de draps Londrins premiers & seconds, draps fins noirs, écarlates, & autres de même qualité, façon d’Espagne, d’Angleterre, de Hollande, &c. auront neuf pouces de long, deux pouces de large, au moins quatre-vingts-quatre rangs de dents, de quarante-trois dents chacun, de fil de fer d’Allemagne de sept plombs.

Que les petites ou fines cardes à recarder pour la quatrieme & derniere fois les laines pour trame de draps Londres larges, Elbœuf, droguets d’Angleterre, &c. auront neuf pouces de long, deux pouces & demi de large, au moins quatre-vingts-quatre rangs de dents, de quarante & une dents chacun, & de fil de fer d’Allemagne de cinq plombs.

Que les petites ou fines cardes à carder la trame des draps fins qui passent au Levant, façon d’Angleterre, de Hollande, d’Espagne, &c. auront neuf pouces de long, deux pouces & demi de large, au moins quatre-vingts-quatre dents, de quarante-trois dents chacun, fil de fer d’Allemagne de six plombs.

Que le Cardier mettra sa marque à feu sur les cardes qu’il fabriquera, avec les numeros de la grosseur