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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 2.djvu/810

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Troisieme objection. Les prêtres ont dans le célibat plus de tems à donner aux fonctions de leur état, qu’ils n’en auroient sous le mariage.

Réponse. Les ministres Protestans trouvent fort bien le tems d’avoir des enfans, de les élever, de gouverner leur famille, & de veiller sur leur paroisse. Ce seroit offenser nos ecclésiastiques, que de n’en pas présumer autant d’eux.

Quatrieme objection. De jeunes curés de trente ans auront cinq à six enfans ; quelquefois peu d’acquit pour leur état, peu de fortune, & par conséquent beaucoup d’embarras.

Réponse. Celui qui se présente aux ordres, est reconnu pour homme sage & habile ; il est obligé d’avoir un patrimoine ; il aura son bénéfice ; la dot de sa femme peut être honnête. Il est d’expérience que ceux d’entre les curés qui retirent des parens pauvres, n’en sont pas pour cela plus à charge à l’Eglise ou à leur paroisse. D’ailleurs quelle nécessité qu’une partie des ecclésiastiques vive dans l’opulence, tandis que l’autre languit dans la misere ? Ne seroit-il pas possible d’imaginer une meilleure distribution des revenus ecclésiastiques ?

Cinquieme objection. Le concile de Trente regarde le célibat comme un état plus parfait que le mariage.

Réponse. Il y a des équivoques à éviter dans les mots d’état, de parfait, d’obligation : pourquoi vouloir qu’un prêtre soit plus parfait que S. Pierre ? l’objection prouve trop, & par conséquent ne prouve rien. Ma these, dit M. l’abbé de S. Pierre, est purement politique, & consiste en trois propositions : 1°. Le célibat est de pure discipline ecclésiastique que l’Eglise peut changer ; 2°. il seroit avantageux aux états Catholiques Romains que cette discipline fût changée ; 3°. en attendant un concile national ou général, il est convenable que la cour de Rome reçoive pour l’expédition de la dispense du célibat, une somme marquée payable par ceux qui la demanderont.

Tel est le système de M. l’abbé de S. Pierre que nous exposons, parce que le plan de notre ouvrage l’exige, & dont nous abandonnons le jugement à ceux à qui il appartient de juger de ces objets importans. Mais nous ne pouvons nous dispenser de remarquer en passant que ce philosophe citoyen ne s’est proposé que dans une édition de Hollande faite sur une mauvaise copie, une objection qui se présente très-naturellement, & qui n’est pas une des moins importantes : c’est l’inconvénient des bénéfices rendus héréditaires ; inconvénient qui ne se fait déjà que trop sentir, & qui deviendroit bien plus général. Quoi donc faudra-t-il anéantir toute résignation & coadjutorerie, & renvoyer aux supérieurs la collation de tous les bénéfices ? Cela ne seroit peut-être pas plus mal, & un évêque qui connoît son diocese & les bons sujets, est bien autant en état de nommer à une place vacante, qu’un ecclésiastique moribond, obsédé par une foule de parens ou d’amis intéressés : combien de simonies & de procès scandaleux prévenus !

Il nous resteroit pour compléter cet article, à parler du célibat monastique : mais nous nous contenterons d’observer avec le célebre M. Melon, 1°. qu’il y auroit un avantage infini pour la société & pour les particuliers, que le prince usât strictement du pouvoir qu’il a de faire observer la loi qui défendroit l’état monastique avant l’âge de vingt-cinq ans ; ou, pour me servir de l’idée & de l’expression de M. Melon, qui ne permettroit pas d’aliéner sa liberté avant l’âge où l’on peut aliéner son bien. Voyez le reste aux articles Mariage, Moine, Virginité, Vœux, &c. 2°. Nous ajoûterons avec un auteur moderne, qu’on ne peut ni trop lire, ni trop loüer, que le célibat pourroit devenir nuisible à

proportion que le corps des célibataires seroit trop étendu, & que par conséquent celui des laïques ne le seroit pas assez. 3°. Que les lois humaines faites pour parler à l’esprit, doivent donner des préceptes & point de conseils ; & que la religion faite pour parler au cœur, doit donner beaucoup de conseils, & peu de préceptes : que quand, par exemple, elle donne des regles, non pour le bien, mais pour le meilleur ; non pour ce qui est bon, mais pour ce qui est parfait ; il est convenable que ce soient des conseils, & non pas des lois ; car la perfection ne regarde pas l’universalité des hommes ni des choses : que de plus, si ce sont des lois, il en faudra une infinité d’autres pour faire observer les premieres : que l’expérience a confirmé ces principes ; que quand le célibat qui n’étoit qu’un conseil dans le Christianisme, y devint une loi expresse pour un certain ordre de citoyens, il en fallut chaque jour de nouvelles pour réduire les hommes à l’observation de celles-ci ; & conséquemment, que le législateur se fatigua & fatigua la société, pour faire exécuter aux hommes par précepte, ce que ceux qui aiment la perfection auroient exécuté d’eux-mêmes comme conseil. 4°. Que par la nature de l’entendement humain, nous aimons en fait de religion tout ce qui suppose un effort, comme en matiere de morale nous aimons spéculativement tout ce qui porte le caractere de sévérité ; & qu’ainsi le célibat a dû être, comme il est arrivé, plus agréable aux peuples à qui il sembloit convenir le moins, & pour qui il pouvoit avoir de plus fâcheuses suites ; être retenu dans les contrées méridionales de l’Europe, où par la nature du climat, il étoit plus difficile à observer ; être proscrit dans les pays du Nord, où les passions sont moins vives ; être admis où il y a peu d’habitans, & être rejetté dans les endroits où il y en a beaucoup.

Ces observations sont si belles & si vraies, qu’elles ne peuvent se répéter en trop d’endroits. Je les ai tirées de l’excellent ouvrage de M. le président de M… ; ce qui précéde est ou de M. Fleury, ou du pere Alexandre, ou du pere Thomassin ; ajoûtez à cela ce que les Mémoires de l’académie des Inscriptions & les ouvrages politiques de M. l’abbé de S. Pierre & de M. Melon m’ont fourni, & à peine me restera-t-il de cet article que quelques phrases, encore sont-elles tirées d’un ouvrage dont on peut voir l’éloge dans le Journal de Trevoux, an. 1746. Fév. Malgré ces autorités, je ne serois pas étonné qu’il trouvât des critiques & des contradicteurs : mais il pourroit arriver aussi que, de même qu’au concile de Trente, ce furent, à ce qu’on dit, les jeunes ecclésiastiques qui rejetterent le plus opiniâtrément la proposition du mariage des prêtres, ce soient ceux d’entre les célibataires qui ont le plus besoin de femmes, & qui ont le moins lû les auteurs que je viens de citer, qui en blâmeront le plus hautement les principes.

CELICOLES, s. m. pl. c’est-à-dire, adorateurs du ciel ; (Hist. ecclés.) certains hérétiques que l’empereur Honorius, par des rescrits particuliers, condamna vers l’an 408 avec les payens & les hérétiques. Comme ils sont mis dans le code Théodosien sous le titre des Juifs, on croit qu’ils étoient des apostats, lesquels de la religion Chrétienne étoient passés dans le Judaïsme, sans en prendre le nom, qu’ils savoient être odieux à tout le monde. Ils n’étoient pas pourtant soûmis au pontife des Juifs : mais ils avoient des supérieurs qu’ils nommoient majeurs ; & sans doute ils devoient avoir aussi des erreurs particulieres. Les Juifs avoient aussi été appellés célicoles, parce que quelques-uns d’entr’eux étant tombés dans l’idolatrie du tems des prophetes, ils adoroient les astres du ciel & les anges. C’est pour cela que S. Jérôme donne dans ce sentiment, étant consulté par Algasie sur le passage de S. Paul aux Colossiens, c. ij. v. 18.