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cer que difficilement. Quant à la moelle de l’épine, elle a un rempart dans le canal des vertebres.

2°. Les veines n’accompagnent point les arteres, de peur qu’elles ne soient comprimées par ces arteres lorsqu’elles se gonflent dans les grands mouvemens. Les réservoirs veineux sont d’une structure singuliere, & leur section présente en général une figure curviligne : ils sont formés & creusés entre les deux lames de la dure-mere, qui leur donne une forte gaine ; ils sont outre cela renforcés par différens moyens : c’est ainsi qu’il y a dans leur cavité des fibres transversales qui font l’office de poutres, joignent les parties opposées, & résistent à leur distension. Voyez combien de précautions la nature a prises pour que les veines du cerveau ne se rompissent point toutes les fois que le sang s’arrête, comme en retenant son haleine, en faisant de grands efforts, en toussant, en éternuant, en riant, &c. Les arteres & les veines du cerveau ont des directions différentes, & communiquent toutes les unes avec les autres, les arteres avec les arteres, les veines avec les veines, un nombre infini de fois ; parce que dans le premier cas il eût été dangereux qu’elles ne se formassent un obstacle mutuel en passant par le même trou ; & dans le second, que le sang ne pût trouver d’issue, sa route directe étant embarrassée.

3°. Les nerfs qui sortent du côté gauche, vont ou paroissent aller du côté droit, & ceux qui sortent du côté droit, se distribuent ou paroissent se distribuer au côté gauche ; & ce n’est que par ce moyen qu’on peut expliquer pourquoi le cerveau étant vivement affecté d’un côté, les parties de l’autre côté correspondantes à celles auxquelles les nerfs de cette partie affectée du cerveau se distribuent, se trouvent paralytiques.

4°. Si l’on comprime le cerveau, ou qu’on le coupe jusqu’à sa substance médullaire, l’action volontaire des muscles est interrompue, la mémoire & le sentiment s’éteignent, mais la respiration & le mouvement du cœur subsistent. Quant au cervelet, si l’on fait la même chose, la respiration & le mouvement du cœur cessent : de-là il s’ensuit que les nerfs destinés au mouvement volontaire partent du cerveau, & que les nerfs d’où dépendent les mouvemens spontanés sortent du cervelet : il est donc en sûreté de toutes parts, de même que les arteres vertébrales qui lui fournissent du sang, parce qu’elles montent par les trous des apophyses transverses du cou.

5°. Les maladies de la tête dépendent toutes de la compression & de l’irritation : la douleur de la tête est causée par le sang qui ne peut passer librement, & qui par-là cause un grand battement dans les arteres ; aussi trouve-t-on dans les dissections des cadavres de ceux qui ont été sujets à ces maux, les vaisseaux extrèmement distendus, & remplis d’un sang noirâtre : si le gonflement s’augmente jusqu’à causer une grande compression, l’apoplexie surviendra ; car alors le suc nerveux ne pourra plus être poussé dans les nerfs qui servent au mouvement volontaire ; tandis que cette pression ne s’étendra plus jusqu’au cervelet, la respiration & le mouvement du cœur subsisteront. Pour l’épilepsie, elle ne differe dans sa cause de l’apoplexie, qu’en ce que la pression ne se fait pas de même : supposons qu’une artere forme un anévrisme, cette artere gonflée battra extraordinairement, & par ses battemens fera couler avec force le suc dans les nerfs ; il surviendra donc des convulsions extraordinaires. La même chose peut arriver par des varices ; car ces varices comprimeront les arteres voisines, qui par-là se gonfleront, & battront fortement. On voit de-là que l’apoplexie pourra succéder à l’épilepsie. La paralysie suit souvent les maladies dont nous venons de parler : mais elle peut avoir encore d’autres causes, comme on le peut voir à l’article Paralysie.

6°. Dans ceux qui sont morts de ces maladies, on trouve beaucoup de sérosité extravasée dans le cerveau.

7°. On voit que les nerfs qui sont les canaux du cerveau, se distribuent dans les muscles pour y porter le mouvement ; mais il y a plus de branches à proportion dans les plexus qui suivent les arteres, parce qu’ils ont besoin d’un grand mouvement pour pousser le sang.

8°. Enfin, les nerfs sont les seuls corps sensibles : mais d’où vient que le cerveau dont ils sortent ne l’est point, ou ne l’est que très-peu ? Comme cela dépend des lois de l’union de l’ame avec le corps, on n’en peut donner aucune raison. Voyez Nerf, Anatomie d’Heist. avec des Ess. de Phys. &c.

Quant au siége de l’ame, les auteurs se sont accordés à la placer dans une seule partie du cerveau, de peur qu’un siége à chaque lobe ne supposât une double sensation : ainsi les uns ont mis l’ame, c’est-à-dire, le premier principe de nos sensations & de nos pensées, dans la cloison transparente ; Descartes & ses sectateurs ont voulu qu’elle habitât la glande pinéale ; Lancisi l’a placée dans le corps calleux ; Vieussens a adopté cette opinion ; Possidonius parmi les anciens, Willis chez les modernes, ont distribué les diverses facultés de l’ame en différentes parties du cerveau propres à chacune : mais rien jusqu’ici n’a pû nous découvrir où sont ces prétendus départemens. Le cerveau qui peut être considérablement blessé, sans beaucoup perdre de l’usage des sens, montre bien quelle est l’étendue du sensorium commune.

Certaines observations semblent laisser en doute si le cerveau est une partie absolument nécessaire à la vie. Il y a plusieurs exemples anatomiques d’animaux qui ont survécu à la perte de cette partie. Nous avons l’histoire d’un enfant qui naquit à terme dans la ville de Paris, qui n’avoit ni cerveau ni tête, & au lieu de ces deux parties il avoit une masse de chair de couleur semblable au foie. M. Denys rapporte un autre exemple d’un enfant qui naquit en 1573, qui étoit assez bien formé, à l’exception de la tête qui n’avoit ni cervelle, ni cervelet, ni moelle allongée, ni aucune cavité propre à les contenir : le crane, si on peut l’appeller ainsi, étoit solide, & n’avoit aucune liaison avec les vertebres ; de sorte que la moelle de l’épine n’avoit aucune communication avec la tête. M. Leduc donne un troisieme exemple en 1695, d’un sujet qui fut trouvé sans cerveau, sans cervelet, sans moelle allongée, & même sans moelle de l’épine ; la cavité qui auroit dû les contenir étant extrèmement petite, & remplie d’une substance livide, blanchâtre, & semblable à du sang coagulé : il ajoûte que c’est le troisieme sujet qu’il avoit trouvé de cette façon. M. Duverney croit que cette substance étoit une moelle de l’épine, quoiqu’elle n’en eût point la consistance : en un mot il la regarde comme un cerveau même, semblable à celui qui est dans le crane, plus nécessaire à la vie, & plus sensible que le cerveau & le cervelet ; puisqu’une blessure ou une compression dans la moelle épiniere est toûjours mortelle, & qu’il n’en est pas de même du cerveau, comme il paroît par les observations rapportées par MM. Duverney & Chirac ; le premier desquels ôta le cerveau & le cervelet d’un pigeon, qui malgré cela vécut, chercha sa nourriture, & s’acquitta de toutes ses fonctions. M. Chirac a ôté la cervelle de la tête d’un chien, qui vécut, mais qui mourut dès qu’on lui eut ôté le cervelet : cependant il remarque qu’en soufflant dans les poumons de l’animal, il le fit vivre pendant une heure après la perte de cette derniere partie. Le même observe qu’après avoir séparé la moelle allongée de la moelle épiniere d’un autre chien, & après lui avoir ôté la cervelle & le cervelet, l’animal vécut en lui soufflant dans les